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20/07/2006 | FRANCE | N°05DA01358

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (ter), 20 juillet 2006, 05DA01358


Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2005, présentée pour la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE, représentée par son président en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil communautaire du 15 novembre 2005, dont le siège est hôtel de ville au Havre (76085 cedex), par Me X..., avocate ; la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0302124 en date du 15 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 151 27

0 euros au titre d'un complément de compensation à raison de la suppress...

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2005, présentée pour la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE, représentée par son président en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil communautaire du 15 novembre 2005, dont le siège est hôtel de ville au Havre (76085 cedex), par Me X..., avocate ; la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0302124 en date du 15 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 151 270 euros au titre d'un complément de compensation à raison de la suppression de la part salariale des bases d'imposition à la taxe professionnelle des établissements de France Télécom pour les années 1999 à 2002 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 151 270 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'atteinte portée à l'autonomie des collectivités locales par l'article 29 de la loi de finances pour 2003 du 30 décembre 2002 méconnaît le principe constitutionnel de libre administration ; que le législateur n'a pas entendu exclure toute indemnisation suite à l'assujettissement de France Télécom aux impôts directs locaux dans les conditions du droit commun ; qu'elle était destinataire du produit de la taxe professionnelle par le biais du fonds de péréquation de la taxe professionnelle ; que si, depuis 1999, la part salariale a été progressivement supprimée, les bases de la taxe professionnelle de France Télécom auraient dû faire l'objet d'une compensation afin de tenir compte de cette part salariale ; que si, en 2003, chaque collectivité territoriale a vu ses bases de taxe professionnelle augmentées des bases applicables à France Télécom, un prélèvement sur l'allocation compensatrice de la perte de la part salariale, créée en 1999, a été instauré, la collectivité ne bénéficiant d'aucun produit fiscal complémentaire et devant supporter un prélèvement pérenne au profit de l'Etat, subissant ainsi une perte de recettes ; qu'à compter du 1er janvier 2003, si l'imposition de France Télécom selon le droit commun est effective pour la taxe foncière, elle ne l'est pas pour la taxe professionnelle, la part salariale ayant disparu sans compensation de l'Etat et un prélèvement sur la compensation de la suppression de cette part salariale ayant été instauré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 13 mars 2006 fixant la clôture de l'instruction au 28 avril 2006 ;

Vu le mémoire en défense, reçu par télécopie du 21 mars 2006 confirmée par courrier enregistré le 27 mars 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'examiner la conformité à la Constitution de dispositions législatives ; que la requérante ne subit aucun préjudice du fait de l'absence de compensation de la part salaires afférente aux établissements de France Télécom ; que les dispositions de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, que le Conseil constitutionnel n'a pas censurées, sont conformes au principe d'autonomie financière posé par l'article 72 de la Constitution ; qu'avant 2003, les collectivités locales ne pouvaient enregistrer aucune perte de base résultant de la suppression de la part salaires pour les établissements de France Télécom, dès lors qu'elles ne percevaient pas la taxe professionnelle, et ne peuvent ainsi prétendre au versement de la compensation de la suppression de la part salaires ; qu'à compter de 2003, les collectivités locales ne peuvent prétendre à une telle compensation, dès lors que seul le produit de la taxe professionnelle assis sur les bases « investissement » de France Télécom leur a été transféré ; que le moyen tiré de ce que l'absence de compensation ferait échec à l'imposition de France Télécom dans les conditions de droit commun est nouveau en appel et irrecevable ; qu'en tout état de cause, les modalités d'imposition sont conformes aux règles du droit commun, la part salariale prévue par la loi de finances pour 1999 ne pouvant affecter que la taxe professionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

Vu la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999 ;

Vu la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 portant loi de finances pour 2003 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Fabien Platillero, conseiller :

- le rapport de M. Fabien Platillero, conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant que la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE fait appel du jugement du 15 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 151 270 euros, correspondant à la part compensatrice de la perte de recettes résultant de la suppression des salaires dans la base d'imposition à la taxe professionnelle, à laquelle elle estimait avoir droit au titre des années 1999 à 2002, à raison des établissements de France Télécom implantés dans son périmètre ;

Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée : « I. La Poste et France Télécom sont assujettis, à partir du 1er janvier 1994 et au lieu de leur principal établissement, aux impositions directes locales perçues au profit des collectivités locales et des établissements et organismes divers. Ces impositions sont établies et perçues dans les conditions suivantes : (…) 2° En ce qui concerne la taxe professionnelle : a) La base d'imposition est établie conformément aux articles 1447, 1467 (1°), 1467 A, 1469 (1°, 2° et 3°), 1472 A bis, 1478, paragraphe I, et 1647 B sexies du code général des impôts (…) b) La base d'imposition est déclarée avant le 1er mai de l'année précédant celle de l'imposition au lieu du principal établissement (…) 6° Le produit des cotisations afférentes aux impositions visées au premier alinéa ci-dessus … est perçu, en 1994, par l'Etat qui l'utilise afin de contribuer au financement des pertes de recettes résultant de l'application de l'article 6 de la loi de finances pour 1987

(n° 86-1317 du 30 décembre 1986). Pour les années suivantes, le produit ainsi utilisé évolue en fonction de l'indice de variation du prix de la consommation des ménages tel qu'il ressort des hypothèses économiques associées au projet de loi de finances. Lorsque le produit des impositions visées au premier alinéa est supérieur au montant ainsi obtenu, la différence est versée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle visé à l'article 1648 A bis du code général des impôts (…) 7° Les bases d'imposition afférentes à La Poste et à France Télécom ne sont pas prises en compte pour la détermination du potentiel fiscal » ; qu'aux termes de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1998 susvisée : « (…) D. - I. Il est institué un prélèvement sur les recettes de l'Etat destiné à compenser, à chaque collectivité locale, groupement de communes doté d'une fiscalité propre ou fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, la perte de recettes résultant de la suppression progressive, prévue aux a et b du 1 du I du A, de la part des salaires et rémunérations visés au b du 1° de l'article 1467 du code général des impôts comprise dans la base d'imposition à la taxe professionnelle. II. Au titre des années 1999 à 2003, la compensation prévue au I est égale, chaque année, au produit obtenu en multipliant la perte de base des établissements existant au 1er janvier 1999 résultant, pour chaque collectivité, groupement ou fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, de l'abattement annuel visé à l'article 1467 bis du code général des impôts par le taux de taxe professionnelle applicable pour 1998 à la collectivité, au groupement ou au fonds. La perte de base visée au premier alinéa est égale, pour chaque collectivité, groupement ou fonds départemental, à la différence entre, d'une part, les bases nettes imposables au titre de 1999, telles qu'elles auraient été fixées en tenant compte de la part des salaires et rémunérations visés au b du 1° de l'article 1467 du code général des impôts et, d'autre part, les bases nettes imposables au titre de 1999 après, soit l'application de l'abattement annuel visé à l'article 1467 bis dudit code, soit la suppression totale de ladite part des salaires et rémunérations, prévue au a du 1 du I du A. Pour l'application du deuxième alinéa, les bases nettes imposables s'entendent après application de l'abattement prévu à l'article 1472 A bis du code général des impôts (…) Au titre des années 2000 à 2003, la compensation est actualisée, chaque année, compte tenu du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement entre 1999 et l'année de versement. A compter de 2004, cette compensation est intégrée à la dotation globale de fonctionnement et évolue comme cette dernière » ; qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 décembre 2002 susvisée : « I. - 1 A compter des impositions dues au titre de 2003, France Télécom est assujettie, dans les conditions de droit commun, aux impôts directs locaux et taxes additionnelles perçus au profit des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale ainsi que des autres établissements et organismes habilités à percevoir ces impôts et taxes (…)

III. - 1. Le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) est diminué, en 2003, d'un montant égal, pour chaque collectivité territoriale, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, au produit obtenu en multipliant la base imposable de taxe professionnelle de France Télécom au titre de 2003, pour cette collectivité territoriale, cet établissement public de coopération intercommunale ou ce fonds, par le taux de taxe professionnelle, applicable en 2002, à la collectivité, à l'établissement public de coopération intercommunale ou au fonds (…) » ;

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il résulte des dispositions susmentionnées que, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, le produit de la taxe professionnelle versé par France Télécom n'était pas affecté aux collectivités territoriales ; que, par suite, ces collectivités ne pouvaient bénéficier de la compensation de la perte de recettes résultant de la suppression progressive de la part des salaires et rémunérations comprise dans la base d'imposition à la taxe professionnelle, prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999, au titre des établissements de France Télécom ; que, d'autre part, l'article 29 de la loi de finances pour 2003 ne prévoit pas l'attribution rétroactive d'une telle compensation ; qu'ainsi, en application des dispositions législatives alors en vigueur, cette compensation ne pouvait être allouée à la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE au titre des années 1999 à 2002 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité des lois à la Constitution ; que la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE ne peut ainsi utilement soutenir qu'elle devrait être indemnisée du préjudice allégué, du fait de la non-conformité de la loi de finances pour 2003 au principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 72 de la Constitution ;

Considérant, en dernier lieu, que les dispositions législatives susmentionnées, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, avaient notamment pour objet d'écarter les collectivités territoriales du bénéfice du produit de la taxe professionnelle versée par France Télécom et, par suite, de la compensation de la perte de recettes résultant de la suppression progressive de la part des salaires et rémunérations comprise dans la base d'imposition à la taxe professionnelle au titre des établissements de cette société ; que la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE ne saurait ainsi être indemnisée du préjudice que constituerait la privation de cette compensation au titre des années 1999 à 2002, dès lors qu'une telle indemnisation est nécessairement exclue par les dispositions légales alors en vigueur ; que, dans la mesure où la loi de finances pour 2003 a seulement pour objet de modifier le régime de taxe professionnelle auquel est soumis France Télécom pour l'avenir, sans remettre en cause les situations constituées sous l'empire de la loi fiscale antérieure, la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle devrait être indemnisée du préjudice précité, par des moyens tirés de ce que la loi de finances pour 2003 ne porte pas atteinte à l'application faite au titre des années 1999 à 2002 des dispositions législatives alors en vigueur ; que, par suite et en tout état de cause, la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat doit être engagée sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, du fait de la loi de finances pour 2003 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION HAVRAISE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N°05DA01358 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 05DA01358
Date de la décision : 20/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Fabien Platillero
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : CABINET DELCROS - PEYRICAL - MIROUSE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-07-20;05da01358 ?
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