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16/11/2006 | FRANCE | N°05DA00480

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 novembre 2006, 05DA00480


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES, dont le siège social est situé

22 rue Guynemer à Maisons-Lafitte cedex (78602), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Cuny, avocat ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0403376 et autres en date du 10 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés, en date du

22 avril 2004, par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer les...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES, dont le siège social est situé

22 rue Guynemer à Maisons-Lafitte cedex (78602), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Cuny, avocat ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0403376 et autres en date du 10 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés, en date du 22 avril 2004, par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer les permis de construire cinq éoliennes et leur poste de livraison électrique sur le territoire de la commune de Quesques et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat sous astreinte, de statuer à nouveau sur ses demandes ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de statuer à nouveau sur les demandes dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser à la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur le motif relatif au caractère dangereux des éoliennes ; que le Tribunal ne donnant pas satisfaction à l'appelante ne pouvait faire l'économie de ce moyen ; que le Tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'étude d'impact était insuffisante au regard du risque résultant d'un défaut de solidité des ouvrages ; que la partie de l'étude d'impact relative à la sécurité et la certification des éoliennes suffisait à répondre aux exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que le certificat d'un tiers expert et l'étude de solidité demandés par le préfet le 22 mars 2004 ne constituent pas des pièces devant obligatoirement figurer dans le dossier de demande de permis de construire en vertu du code de l'urbanisme ; que le Tribunal administratif a ainsi méconnu la portée des articles R. 421-12 et R. 421-13 de ce code ; que l'absence de production de ces pièces non réglementaires ne pouvait davantage légalement justifier un refus de délivrance des permis de construire ; que le Tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant que les éoliennes produiraient un effet visuel d'écrasement ; que la protection du secteur est prévue « à terme » et pourrait donc intervenir après la fin de l'exploitation du site ; que le Tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des effets de la ligne à haute tension existante ; que l'implantation de cinq éoliennes ne peut, en effet, dénaturer de manière excessive un paysage déjà traversé par une ligne à haute tension ; que la visibilité des éoliennes ne révèle pas une atteinte au site ; que la société a respecté les recommandations du schéma régional éolien ; que le site éolien se trouve en dehors des espaces à identité paysagère forte ; qu'eu égard à la localisation du site, le projet n'est pas de nature à porter atteinte aux espaces d'intérêt écologique majeur avoisinants ; qu'en prenant en compte l'atteinte aux espaces avoisinants - moyen non soulevé par le préfet -, le Tribunal administratif a statué au-delà des considérations des parties ; que le projet ne porte pas atteinte à l'intérêt des lieux et à l'identité du paysage ; que les éoliennes ne sont pas des ouvrages de nature à porter atteinte à la sécurité publique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 27 mars 2006 portant clôture de l'instruction au 27 avril 2006 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2006 par télécopie et en son original reçu le 24 avril 2006, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui demande à la Cour de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Lille et de rejeter la requête de la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES ; il soutient que les refus de permis de construire ne sont pas entachés d'une erreur dans l'appréciation des atteintes au site en application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'un schéma régional éolien ait une valeur réglementaire s'imposant à l'autorité administrative compétente pour délivrer les permis de construire ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait pris la même décision en se fondant sur le seul article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 mai 2006, présenté pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que le ministre acquiesce à son argumentation et reconnaît que le motif tiré du risque d'atteinte à la sécurité publique est illégal ;

Vu l'ordonnance en date du 30 mai 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Cuny, avocat, pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à constater que l'étude d'impact « n'a pas analysé le risque d'une solidité insuffisante des ouvrages » sans chercher à qualifier les insuffisances de cette étude ; que, toutefois, en formulant ce constat à l'appui de son argumentation relative à la composition du dossier, le Tribunal n'a pas, en l'espèce, entaché sa motivation d'insuffisance ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES soutient que le Tribunal a, dans son jugement attaqué, irrégulièrement soulevé d'office le moyen tiré de l'atteinte aux espaces avoisinants, il ressort des pièces du dossier que les premiers juges se sont en réalité bornés à répondre à l'argumentation des parties relative au motif tiré d'un risque d'atteinte au caractère des lieux avoisinants ou aux paysages naturels, retenu par le préfet dans ses arrêtés de refus de permis de construire en application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en neutralisant le second motif retenu par le préfet pour refuser de délivrer les permis de construire sollicités qu'ils estimaient illégaux, les premiers juges n'ont pas omis de répondre au moyen de la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES tiré de l'illégalité de ce motif fondé sur le risque d'atteinte à la sécurité publique et la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés ;

Sur la légalité externe :

Considérant que si, comme le soutient la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES, une étude de sécurité complétant l'étude d'impact et un certificat d'un tiers expert attestant de la solidité des éoliennes ne sont pas au nombre des documents devant obligatoirement figurer au dossier de permis de construire en application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, la demande de production de ces pièces émanant de l'autorité administrative avait pour objet de lui permettre d'exercer le contrôle qui lui incombe en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et qui porte, notamment, sur les risques d'atteinte à la sécurité publique par le projet de construction envisagé ; que, par suite, en sollicitant la production de ces pièces, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions précitées et entaché sa décision d'irrégularité ;

Considérant que l'appelante ne met pas la Cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de son moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 421-12 et R. 421-13 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales » ;

Considérant qu'il est envisagé par la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES d'implanter sur la crête du mont de Quesques, qui dessine la ligne d'horizon et dont l'altitude culmine à

197 mètres, un poste de livraison électrique et cinq éoliennes d'une hauteur, pales comprises, de

100 mètres et distantes chacune d'environ 200 mètres ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une visite des lieux par la Cour, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude d'impact, que ce mont, appartenant à la cuesta du boulonnais, est situé sur le territoire d'une commune rurale comprise dans le périmètre du parc naturel régional des caps et marais d'opale, et constitue un témoignage jusque-là préservé, malgré la présence en fond de vallée d'une ligne à haute tension, d'un paysage emblématique du bocage de la « boutonnière du boulonnais », qui fait l'objet d'une protection ou d'une vigilance particulière ; que, compte tenu de l'intérêt qui s'attache à la préservation de ce paysage naturel typique, l'implantation de la ferme éolienne qui ne contribuerait pas, en l'espèce, à renforcer l'identité des lieux, serait visible de loin et sous de nombreux angles, porterait par ses dimensions et sa localisation, une atteinte au caractère et à l'intérêt de ce paysage qui ne pourrait être compensée ; que, par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant d'accorder les permis de construire sollicités en application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ;

Considérant qu'à la suite de l'effondrement d'un mât d'éolienne dans la région du boulonnais, sur le territoire de la commune du Portel, en janvier 2004, provoqué par un vent de tempête, ainsi que d'un évènement similaire survenu dans la région de Dunkerque, le préfet du

Pas-de-Calais a, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, renforcé les exigences de sécurité pour la délivrance de permis de construire des éoliennes ; que, toutefois, en l'absence de tout document devant réglementairement figurer au dossier de permis de construire en application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, il incombe seulement au pétitionnaire d'apporter, par tous moyens, les éléments qui permettent de garantir selon lui la solidité de l'ouvrage qu'il envisage d'édifier ; que, par suite, alors que la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES avait fourni des précisions sur la procédure qu'elle entendait suivre pour faire certifier la solidité de divers composants de l'ouvrage qu'elle entendait réaliser et qui était différent de celui qui s'était effondré au Portel, la circonstance qu'elle n'ait pas produit « le certificat émanant d'un tiers expert » sollicité par le préfet n'était pas, à elle seule, contrairement à ce qui a été retenu dans le second motif des refus de permis de construire attaqués, de nature à établir l'existence d'un risque au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, par conséquent, le préfet du

Pas-de-Calais a entaché sur ce point ses décisions de refus de délivrance des permis de construire d'illégalité ;

Considérant qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait pris les mêmes décisions s'il s'était uniquement fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que ses conclusions tendant, d'une part, à enjoindre au préfet de se prononcer sur les demandes de permis de construire et, d'autre part, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉOLIENNES et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient :

- Mme Christiane Tricot, président de chambre,

- M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,

- Mme Agnès Eliot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le président de chambre,

Signé : C. TRICOT

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte ROBERT

N°05DA00480 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA00480
Date de la décision : 16/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CUNY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-16;05da00480 ?
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