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16/11/2006 | FRANCE | N°06DA00535

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 novembre 2006, 06DA00535


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Philippe Y, demeurant ..., par Me Chaillet, avocat ; M. et Mme Y demandent à la Cour :

11) d'annuler l'ordonnance n° 0507166 en date du 18 février 2006 du Tribunal administratif de Lille qui a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation du permis de construire délivré le 27 septembre 2005 par le maire de Bondues à M. Vincent Destailleur et, d'autre part, à la condamnation de ladite commune à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l

'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annule...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Philippe Y, demeurant ..., par Me Chaillet, avocat ; M. et Mme Y demandent à la Cour :

11) d'annuler l'ordonnance n° 0507166 en date du 18 février 2006 du Tribunal administratif de Lille qui a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation du permis de construire délivré le 27 septembre 2005 par le maire de Bondues à M. Vincent Destailleur et, d'autre part, à la condamnation de ladite commune à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler le permis de construire attaqué ;

3°) de condamner la ville de Bondues à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le jugement est entaché d'irrégularité ; que leur demande, assortie des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, était suffisamment motivée, dès son enregistrement au Tribunal administratif de Lille ; que le vice-président n'était pas compétent pour rejeter leur requête par ordonnance sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu pour la Cour de l'annuler et d'évoquer ; que le bénéficiaire du permis a volontairement omis de déclarer comme aménagé le bâtiment des écuries situé sur son terrain ; qu'en incluant ce bâtiment, le coefficient d'occupation des sols est alors manifestement dépassé ; que, par conséquent, le permis de construire une extension au bâtiment principal ne pouvait être délivré et doit être annulé ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2006, présenté pour la commune de Bondues, par la SCP Savoye-Daval, avocat, qui conclut au rejet de la requête et soutient que le défaut de motivation étant avéré, l'ordonnance était régulière ; que, sur le fond, le permis de construire est délivré au vu des informations fournies par le demandeur qui doit être présumé de bonne foi ; qu'en l'état, si les époux Y affirment que le permis délivré est illégal du fait du dépassement du coefficient des sols constaté, ils n'en rapportent pas la preuve ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2006 par télécopie qui a été régularisé par l'envoi de l'original le 24 juillet 2006, présenté pour M. Destailleur, par Me Losfeld, avocat, qui conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi devant le Tribunal administratif ainsi qu'à la condamnation de M. et Mme Y à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il fait valoir, à titre principal, que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la requête des époux Y par ordonnance, celle-ci étant entachée d'une irrecevabilité insusceptible d'être couverte en cours d'instance ; qu'à titre subsidiaire, si ladite ordonnance devait être censurée, il faudrait renvoyer l'affaire devant les premiers juges pour qu'il y soit statué ; qu'à titre infiniment subsidiaire, la Cour devra constater l'irrecevabilité de la requête, les requérants n'ayant pas justifié de leur qualité à agir ; que ladite requête n'était pas motivée à l'expiration des délais d'appel et que les requérants ne sont pas recevables à utiliser la voie d'appel pour compléter leur motivation de première instance ; que l'unique moyen développé par les requérants, en l'espèce le dépassement du coefficient des sols , est mal fondé et non prouvé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 octobre 2006, présenté pour

M. et Mme Y qui concluent aux mêmes fins et, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise ; qu'ils confirment leurs précédents moyens et produisent de nouvelles pièces à l'appui de ceux-ci ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2006 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 29 octobre 2006, présenté pour M. Destailleur, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que les attestations produites sont entachées de nombreuses inexactitudes ou erreurs et n'ont aucune force probante ; qu'il se réserve le droit de saisir le juge pénal compte tenu des propos qui y sont tenus ; que compte tenu de leur caractère frauduleux, les productions 6 et 9 versées par les appelants doivent être écartées des débats ; que la demande d'expertise présentée devra être écartée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2006 laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Le Briquir, pour M. et Mme Y, de Me Delgorgue, pour la commune de Bondues, et de Me Bodart, pour M. Destailleur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande présentée par M. et Mme Y en retenant que le moyen tiré du dépassement du coefficient d'occupation des sols ne précisant pas la disposition applicable - laquelle n'était pas produite - n'était, par suite, pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que, toutefois, ladite demande contenait, outre des conclusions, l'exposé des faits et du moyen de droit tiré de la méconnaissance de la règle de densité fixée par le plan d'occupation des sols ; qu'elle répondait ainsi dès son enregistrement aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'alors qu'il appartenait le cas échéant au Tribunal d'ordonner la production du règlement du plan d'occupation des sols applicable, le moyen ne pouvait, par suite, être regardé comme non assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi,

M. et Mme Y sont fondés à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme Y devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que M. et Mme Y, en leur qualité de voisins immédiats du terrain d'assiette de la construction litigieuse, justifient d'un intérêt leur donnant qualité à agir contre l'arrêté en date du 27 septembre 2005 accordant un permis de construire à M. Destailleur ;

Sur la légalité du permis de construire attaqué :

Considérant qu'aux termes du premier aliéna de l'article R. 112-1 du code de l'urbanisme : « La densité de construction est définie par le rapport entre la surface de plancher hors oeuvre nette de cette construction et la surface du terrain sur laquelle elle est ou doit être appliquée. / (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 112-2 du même code : « La surface de plancher hors oeuvre brute d'une construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de la construction. / La surface de plancher hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : / a) Des surfaces de plancher hors oeuvre des combles et des sous-sols non aménageables pour l'habitation ou pour des activités à caractère professionnel, artisanal, industriel ou commercial ; / b) Des surfaces de plancher hors oeuvre des toitures-terrasses, des balcons, des loggias, ainsi que des surfaces non closes situées au rez-de-chaussée ; / c) Des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments ou des parties de bâtiments aménagés en vue du stationnement des véhicules ; / d) Dans les exploitations agricoles, des surfaces de plancher des serres de production, des locaux destinés à abriter les récoltes, à héberger les animaux, à ranger et à entretenir le matériel agricole, des locaux de production et de stockage des produits à usage agricole, des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant de l'exploitation ;

/ e) D'une surface égale à 5 % des surfaces hors oeuvre affectées à l'habitation telles qu'elles résultent le cas échéant de l'application des a, b, et c ci-dessus. / Sont également déduites de la surface hors oeuvre dans le cas de la réfection d'un immeuble à usage d'habitation et dans la limite de cinq mètres carrés par logement les surfaces de planchers affectées à la réalisation de travaux tendant à l'amélioration de l'hygiène des locaux et celles résultant de la fermeture de balcons, loggias et surfaces non closes situées en rez-de-chaussée » ;

Considérant qu'aux termes du II (régime général) de l'article UD 14 du plan d'occupation des sols applicable sur la commune de Bondues : « 1) Le coefficient d'occupation du sol, tel que défini en annexe documentaire, est fixé à : / - 0,10 dans la zone repérée au plan par l'indice UD 0,10 (…) / 3) Pour les unités foncières supportant déjà une habitation individuelle, il est accordé un droit de

25 m² au-delà de la surface hors oeuvre nette existante lorsque le coefficient d'occupation des sols est déjà atteint ou dépassé, droit utilisable une seule fois et à partir d'un délai de cinq ans après la délivrance du permis de construire initial du bâtiment. Ce droit ne peut être utilisé que pour les créations de surfaces supplémentaires internes et les modifications de volume (exhaussement ou extension) destinées à une amélioration justifiée des conditions d'habitabilité pour les occupants et ne peut avoir pour effet d'augmenter le nombre de logements. / (…) » ;

Considérant qu'il est constant que le terrain d'assiette du projet de construction d'une extension présenté par M. Destailleur a une superficie totale 3 000 m² et qu'il est situé en zone

UD 0,10 du plan d'occupation des sols ; que, dès lors, il ne pouvait, en application du 1) du II de l'article UD 14 du règlement de ce plan, y être édifiée une construction d'une surface hors oeuvre nette supérieure à 300 m², sous réserve de la possibilité de créer, une fois le coefficient d'occupation de sols atteint ou dépassé, une extension prévue au 3) du II du même article d'une superficie maximale de 25 m² dans les conditions prévues par cette disposition ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier que le permis initial a autorisé la réalisation d'une maison à usage d'habitation d'une surface hors oeuvre nette de 292 m² et que le nouveau permis de construire a autorisé une extension à cette maison d'habitation de 33 m² portant la surface hors oeuvre nette de l'ensemble à 325 m², soit dans les limites prévues par les dispositions précitées du II de l'article UD 14 ; que, toutefois, M. et Mme Y font valoir qu'il convenait de prendre en compte pour le calcul de la surface totale hors oeuvre nette initiale la superficie hors oeuvre nette d'une ancienne « écurie » transformée en pièces d'habitation et dont la superficie est supérieure à 30 m² ;

Considérant que si M. Destailleur soutient que ce bâtiment, préexistant et distinct de la maison à usage d'habitation, objet de leur permis de construire initial, a pour but d'héberger des animaux et peut entrer, dès lors, dans les déductions prévues par l'article R. 112-2 d) du code de l'urbanisme, une telle affirmation n'est pas à la date de la délivrance du permis attaqué corroborée par les pièces du dossier ; que si, par ailleurs, le pétitionnaire produit également des photographies prises par un huissier qui tendent à démontrer que le bâtiment sert désormais de débarras et n'est pas habitable, M. et Mme Y produisent des clichés, une étude réalisée par un architecte et des témoignages dont il est seulement allégué qu'ils seraient dépourvus de force probante pour contenir des informations erronées, ou devraient être écartés pour certains des débats pour avoir été obtenus de manière frauduleuse, qui font apparaître que l'ancienne écurie, située sur le même terrain, à proximité de la maison d'habitation, a fait l'objet, avant le nouveau permis attaqué, d'aménagements destinés à rendre ce bâtiment habitable ; que, dès lors, la surface de ce bâtiment devant entrer dans le calcul de la surface hors oeuvre nette, la surface de plancher hors oeuvre nette des constructions existantes et de l'extension envisagée excède celle qui découle de l'application du coefficient d'occupation des sols ; qu'il s'ensuit que le permis de construire délivré à

M. Destailleur par le maire de la commune de Bondues a été illégalement attribué et doit être annulé ; que, par voie de conséquence, la commune de Bondues étant partie perdante, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros que M. et Mme Y réclament en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, M. Destailleur, étant également partie perdante, sa demande présentée sur le même fondement à l'encontre des appelants doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0507166, en date du 18 février 2006, du Tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : L'arrêté, en date du 27 septembre 2005, du maire de Bondues accordant un permis de construire à M. Destailleur, est annulé.

Article 3 : La commune de Bondues versera à M. et Mme Y la somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. Destailleur en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Philippe Y, à la commune de Bondues et à M. Vincent Destailleur.

Copie sera adressée au préfet du Nord et, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lille.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient :

- Mme Christiane Tricot, président de chambre,

- M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,

- Mme Agnès Eliot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le président de chambre,

Signé : C. TRICOT

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Bénédicte ROBERT

N°06DA00535 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA00535
Date de la décision : 16/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-16;06da00535 ?
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