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28/11/2006 | FRANCE | N°05DA00979

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 28 novembre 2006, 05DA00979


Vu le recours, enregistré le 1er août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300009 du 21 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, à concurrence de 78 664 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la chambre de commerce et d'industrie de Calais a été assujettie au titre des exercices 1996 et 1997 ;

2°) de

remettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Calais les ...

Vu le recours, enregistré le 1er août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300009 du 21 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, à concurrence de 78 664 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la chambre de commerce et d'industrie de Calais a été assujettie au titre des exercices 1996 et 1997 ;

2°) de remettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Calais les impositions contestées ;

Il soutient que la chambre de commerce et d'industrie ne pouvait opposer à l'administration, sur le fondement des deux alinéas de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine résultant du paragraphe 2 de la documentation de base n° 4-H-1352 dès lors que le port des hydroglisseurs géré par la contribuable ne procède pas d'opérations de reconstruction des installations portuaires détruites par fait de guerre ; que cette doctrine ne peut être regardée comme une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2005, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Calais, représentée par son président, par Me Donguy ; la chambre de commerce et d'industrie de Calais conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme à déterminer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle entre dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque car l'administration ne soutient plus que l'activité de magasins hors taxes ne serait pas directement liée à l'exploitation du port de commerce des hydroglisseurs ; que la garantie prévue par le second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales est opérante en l'espèce dès lors que la doctrine en litige n'était pas rapportée à la date des exercices redressés ; que la documentation administrative invoquée interprète un texte fiscal, à savoir l'article 165 de l'annexe IV au code général des impôts ; que cette doctrine contient bien une interprétation de ce texte dans la mesure où elle précise les conditions dans lesquelles la mesure de tempérament accordée aux chambres de commerce maritimes doit s'appliquer ; qu'eu égard à sa rédaction, cette doctrine, maintenue jusqu'à ce jour, ne peut avoir eu pour objet de limiter la portée de l'exonération aux installations reconstruites après la guerre ;

Vu l'ordonnance en date du 2 mai 2006 fixant la clôture d'instruction au 2 juin 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 26 mai 2006 et confirmé par la production de l'original le 1er juin 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la contribuable n'entre pas dans les prévisions des paragraphes 3 et 4 de la documentation administrative, qui s'interprètent littéralement, dès lors que la situation de locaux de vente en « duty free » dans la zone du port de voyageurs n'a pas pour effet de rattacher ces locaux à l'exploitation du port mais simplement de profiter du lieu de passage de la clientèle des passagers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de Calais revêt la nature d'un établissement public à caractère industriel et commercial lorsqu'elle met à disposition de l'exploitant d'un commerce « duty free » un bien immobilier lui appartenant dans l'enceinte du port de voyageurs par hydroglisseurs, dénommé hoverport, dont elle a la charge ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille, après avoir constaté que les produits tirés de la mise à disposition des locaux abritant ce type de commerce sont, en vertu des articles 205, 206 et 1654 du code général des impôts ainsi que de l'article 165 de l'annexe IV à ce code, passibles de l'impôt sur les sociétés, a fait droit à la demande de la chambre de commerce et d'industrie qui se prévalait, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la position exprimée par l'administration dans la documentation administrative de base publiée sous le n° 4 ;H-1352 à jour au 1er mars 1995 ;

Considérant, en premier lieu, qu'en instaurant, sous certaines conditions, une exonération d'impôt sur les sociétés en faveur, notamment, des chambres de commerce maritimes, la documentation administrative précitée s'écarte des dispositions des articles 205, 206 et 1654 du code général des impôts ainsi que de celles de l'article 165 de l'annexe IV au même code ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la doctrine invoquée par la contribuable ne contenait pas d'interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'indication selon laquelle « en vue de faciliter la reconstitution des installations portuaires détruites par fait de guerre, des décisions ministérielles successives ont exonéré d'impôts directs les ports autonomes, les chambres de commerce maritimes, (…) » figurant au paragraphe 2 de la documentation administrative en litige n'est qu'une simple présentation du contexte dans lequel est apparue la mesure de tempérament qu'elle instaure ; que son bénéfice n'étant pas subordonné à la condition que les installations concernées procèdent de la reconstitution des installations détruites par fait de guerre, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie de Calais n'entre pas dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque au motif que l'hoverport ne procède pas d'une opération de reconstruction des installations détruites par fait de guerre ;

Considérant, enfin, que les paragraphes 3 et 4 de la documentation administrative en litige prévoient que « l'exonération d'impôt sur les sociétés n'est susceptible de trouver son application qu'en ce qui concerne les immeubles et services nécessaires à l'exploitation des ports ou qui dépendent directement de cette exploitation » et que « il convient d'appliquer, d'une manière libérale, la décision susvisée et de maintenir l'exemption d'impôt non seulement en ce qui concerne les services dont le caractère maritime est incontestable, mais encore pour les installations des chambres de commerce maritimes qui, sans être à proprement parler des installations portuaires, se trouvent néanmoins rattachées à l'exploitation d'un port sans lequel elles n'auraient pas leur raison d'être » ; qu'il est constant que les locaux utilisés par l'exploitant du commerce « duty free » sont situés dans l'enceinte de l'hoverport et, plus particulièrement, dans la zone de transit sous douane de ce terminal ; qu'ainsi, le magasin « duty free » ne peut être fréquenté que par des usagers du port des hydroglisseurs revêtant simultanément les qualités d'usager d'installations portuaires réservées aux liaisons par hydroglisseurs et de client des entreprises de transport par hydroglisseurs ; que, dans les conditions où il est exercé, le commerce réalisé dans les locaux mis à disposition par la contribuable dépend directement de l'exploitation du port ; que, par ailleurs, pour les mêmes raisons liées aux conditions matérielles d'exercice du commerce « duty free », les locaux en litige, sans être à proprement parler des installations portuaires, se trouvent néanmoins rattachées à l'exploitation de l'hoverport sans lequel ils n'auraient pas leur raison d'être ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la chambre de commerce et d'industrie de Calais remplissait les conditions de la doctrine qu'elle a appliquée et était fondée à soustraire de la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés les produits retirés de la mise à disposition des locaux de son terminal d'hydroglisseurs pour les besoins d'un commerce « duty free » ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, à concurrence de

78 664 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la chambre de commerce et d'industrie de Calais a été assujettie au titre des exercices 1996 et 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la chambre de commerce et d'industrie de Calais sont, faute d'être chiffrées, irrecevables ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de Calais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la chambre de commerce et d'industrie de Calais.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2006 à laquelle siégeaient :

- Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre,

- Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,

- M. Patrick Minne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : P. MINNE

Le président de chambre,

Signé : C.V. HELMHOLTZ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

M.T. LEVEQUE

2

N°05DA00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA00979
Date de la décision : 28/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : C M S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-28;05da00979 ?
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