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10/04/2007 | FRANCE | N°06DA01021

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 10 avril 2007, 06DA01021


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sylvie X, demeurant ..., par Me Stienne-Duwez ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0203198-0501956 du 7 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Lille à lui verser une indemnité de 67 000 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait des interventions chirurgicales pratiquées sur elle les 28 mars

et 22 mai 1986 et de mettre à la charge de ce centre hospitalier la s...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sylvie X, demeurant ..., par Me Stienne-Duwez ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0203198-0501956 du 7 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Lille à lui verser une indemnité de 67 000 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait des interventions chirurgicales pratiquées sur elle les 28 mars et 22 mai 1986 et de mettre à la charge de ce centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional et universitaire de Lille à lui verser une indemnité de 94 500 euros majorée des intérêts à compter du 7 juin 2002 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens ;

Elle soutient :

- que le diagnostic de polyarthrite semblait inexact et le chirurgien n'a pas regardé s'il avait été suffisamment bien posé ;

- que le chirurgien a commis une erreur dans le choix de la technique thérapeutique, celle qui a été retenue faisant l'objet de critiques des chirurgiens orthopédistes dès 1983 et n'étant pas adaptée à l'état de la malade ; qu'ainsi, l'acte chirurgical n'a pas été pratiqué conformément aux données de la science connues à l'époque de l'opération ; que cette erreur constitue une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional et universitaire de Lille ; qu'il y a une relation de cause à effet entre la pose des implants dans l'articulation métatarsophalangienne des gros orteils de Mme X et le préjudice qu'elle allègue ;

- que les avis critiques des conclusions de l'expertise, produits en première instance, ont été établis sans qu'une contre expertise ne soit demandée ; que celui établi par le docteur Y sans avoir eu les documents médicaux confirme que la technique retenue n'était pas à utiliser ; que celui établi par le docteur Z ne fait que citer les textes fournis par le docteur Fontaine qui ne sont que des extraits en anglais ;

- que Mme X n'a reçu aucune information sur le risque de la méthode qui allait être utilisée et en particulier de la triple aggravation possible ; que ces risques étaient connus et n'étaient pas exceptionnels ;

- que l'intervention pratiquée était un acte médical à risque et a provoqué directement des préjudices exceptionnellement graves et sans rapport avec l'affection soignée de nature à entraîner la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional et universitaire de Lille ;

- que le préjudice lié à l'incapacité permanente doit être évalué à 40 000 euros compte tenu de la gêne sérieuse dans l'activité professionnelle de Mme X ; que les souffrances évaluées à 5 sur 7 seront réparées à hauteur de 30 000 euros ; que le préjudice esthétique évalué à 2 sur 7 sera réparé par une somme de 4 500 euros ; que le préjudice d'agrément est important puisque l'appui douloureux à la station debout et à la marche la prive de nombreuses activités de loisirs et justifie une réparation de 10 000 euros ; que le préjudice moral important qu'elle subit peut être évalué à la même somme ;

Vu les mises en demeure, en date du 20 novembre 2006, adressées à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens et à la caisse primaire d'assurance maladie de Liévin ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2006 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 22 décembre 2006, présenté pour le centre hospitalier régional et universitaire de Lille, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le docteur Fontaine n'a pas commis d'erreur de diagnostic ; qu'il résulte en effet du rapport d'expertise judiciaire que le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde posé par le docteur A dès 1981 a été maintenu sans réserve jusqu'en 1993 ; que si d'autres diagnostics ont alors été évoqués, l'expert conclut que celui qui a été porté reste le plus plausible ; qu'au demeurant les hésitations successives des médecins montrent que le diagnostic était très difficile à établir et que dans ces conditions une erreur de diagnostic ne serait pas fautive ;

- qu'il n'a pas commis d'erreur fautive dans le choix de la technique chirurgicale ; qu'à l'époque des interventions, le choix opératoire pouvait se faire entre trois techniques chirurgicales ; que la pose d'un implant restait un choix thérapeutique possible et une technique chirurgicale conforme aux données de la science en 1986 ;

- que les soins prodigués ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science à l'époque ;

- qu'aucune obligation d'information ne pesait sur le docteur Fontaine dès lors que l'échec de l'intervention ne faisait pas peser un risque d'invalidité et que l'état de la science ne permettait pas de penser qu'un risque d'aggravation pouvait se produire ;

- que le dommage subi par Mme X ne présente pas un caractère d'extrême gravité et que les complications subies ne sont pas sans rapport avec sa pathologie initiale et l'évolution de celle-ci ; que la responsabilité sans faute du centre hospitalier ne peut dès lors être engagée ;

- que les sommes réclamées sont excessives, la requérante menant une vie quasiment normale malgré ses douleurs aux pieds ; que le préjudice subi est en grande partie lié à sa maladie et non aux interventions chirurgicales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 mars 2007 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 22 mars 2007, présenté pour Mme X, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens et à la caisse primaire d'assurance maladie de Liévin qui n'ont pas produit d'observations ;

Vu les décisions en date des 29 juin et 5 octobre 2006 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai portant rejet des demandes d'aide juridictionnelle de Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Sylvie X a subi les 28 mars et 22 mai 1986 deux interventions chirurgicales orthopédiques pour traiter l'hallux valgus dont elle souffrait ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional et universitaire de Lille soit déclaré responsable de l'impotence douloureuse et de la déformation des pieds dont elle reste atteinte à la suite de ces opérations ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le Tribunal de grande instance de Béthune, que le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde porté sur le rhumatisme inflammatoire chronique dont était atteinte Mme X depuis 1981 était le diagnostic le plus vraisemblable compte tenu des symptômes constatés ; que si l'expert précise qu'on ne peut totalement éliminer une autre polyarthrite auto-immune, ces doutes ultérieurs ne révèlent aucune faute à raison du diagnostic posé par le docteur Fontaine en 1986 qui confirmait d'ailleurs celui posé par le rhumatologue qui suivait à l'époque Mme X ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour traiter l'hallux valgus dont souffrait Mme X, le chirurgien a eu recours à la méthode de Swanson qui consistait à mettre en place un implant en silastic en remplacement de l'articulation métatarsophalangienne lésée du gros orteil ; que s'il résulte de l'instruction qu'à la date des opérations en cause d'autres techniques opératoires étaient possibles et que la méthode utilisée présentait dans certains cas des risques d'échec supérieurs à ces autres techniques, ces seules circonstances alors que cette méthode n'était pas contre indiquée et que les autres méthodes présentaient elles-même des inconvénients ne permettent de considérer que le choix thérapeutique retenu aurait constitué une faute médicale ;

Considérant, en troisième lieu, que si lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé, il résulte de l'instruction que l'état des connaissances médicales à la date des interventions ne permettaient pas de penser que leur échec pourrait aggraver la situation du malade en comportant un risque d'invalidité ; qu'aucune obligation d'information particulière ne pesait ainsi sur le centre hospitalier régional et universitaire de Lille ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de son état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des opérations pratiquées les 28 mars et 22 mai 1986, les avant-pieds de Mme X se sont remis en valgus créant une incapacité permanente partielle de 10 % s'ajoutant à celle de 10 % qui résultait des déformations initiales des pieds liées à l'affection articulaire dont souffrait antérieurement Mme X ainsi qu'il résulte de ses dires à l'expert ; que ces troubles, qui ne présentent pas le degré de gravité permettant d'engager la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional et universitaire de Lille, ne sont pas, par ailleurs, sans rapport avec l'état initial de la patiente ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Lille, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Sylvie X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylvie X, au centre hospitalier régional et universitaire de Lille, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens et à la caisse primaire d'assurance maladie de Liévin.

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N°06DA01021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01021
Date de la décision : 10/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-04-10;06da01021 ?
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