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10/04/2007 | FRANCE | N°06DA01496

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 10 avril 2007, 06DA01496


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0605859 en date du 25 septembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Nour Eddine X, annulé son arrêté en date du 19 septembre 2006 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressé et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;
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Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0605859 en date du 25 septembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Nour Eddine X, annulé son arrêté en date du 19 septembre 2006 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressé et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

Il soutient que la présence de l'intéressé sur le sol national a constitué une menace pour l'ordre public ; qu'il pouvait donc légalement, en application des dispositions du 8° de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ordonner sa reconduite à la frontière ; que depuis 1986, l'intéressé a fait l'objet de nombreuses condamnations ; qu'il n'a donc pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; que l'arrêté attaqué, qui est suffisamment motivé, émane d'une autorité bénéficiant d'une délégation régulière de signature ; que l'intéressé est séparé de son épouse et que, s'il est père de deux enfants, il n'a plus de contact avec ces derniers qui ont été placés en familles d'accueil ; que l'arrêté de reconduite à la frontière ne porte donc pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'intéressé n'établit pas être menacé dans son pays d'origine ; que la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi n'est donc pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention précitée ;

Vu l'examen des pièces du dossier desquelles il ressort que la requête a été communiquée à M. X qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 21 novembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au

22 janvier 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (…) 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail. » ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X qui n'établit pas, par ailleurs, être entré en France le 30 juillet 1998 sous couvert d'un visa requis en sa qualité de ressortissant algérien, a été pris en application des dispositions de l'article L. 511-1-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est fondé sur les circonstances que l'intéressé n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et constituait une menace pour l'ordre public en raison des multiples condamnations dont il a fait l'objet ;

Considérant qu'il résulte notamment de l'extrait du casier judiciaire établi le 9 février 2006 que M. X a fait l'objet de dix-sept condamnations depuis le 30 avril 1986 ; qu'il a été notamment condamné à de nombreuses reprises entre 1986 et 2005 à des peines allant de quelques mois à un an et six mois d'emprisonnement pour faits de vol, vol avec violence, vol aggravé, vol en réunion, destruction du bien d'autrui commis en réunion ; qu'il a, par ailleurs, été condamné à deux reprises, dont l'une à trois ans d'emprisonnement pour importation non autorisée de stupéfiants, trafic, détention non autorisée, cessions ou offres de stupéfiants ; qu'enfin, il a été condamné le 7 mars 2005 à un mois d'emprisonnement pour violence sur mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité sur la victime ; que, compte tenu de ces éléments, contrairement à ce qu'a estimé le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 8° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé cette mesure ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. X en première instance ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 28 août 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le PREFET DU NORD a donné délégation à M. Michel Y, directeur de la réglementation et des libertés publiques, pour signer, notamment, les décisions prises en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 (…) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (…) ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en date du 19 septembre 2006 énonce de façon précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que, si M. X fait valoir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 précité, il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations faites par l'intéressé lui-même le 18 septembre 2006 devant un agent de police et consignées par procès-verbal, qu'il est séparé de son épouse depuis de nombreuses années et que, s'il est père de deux enfants nés sur le sol national, il n'en assure plus la charge effective et ne vit pas avec ces derniers, qui ont été confiés aux services de la direction de l'enfance et de la famille du secteur arrageois ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté du PREFET DU NORD n'a pas porté au droit de M. X, qui n'allègue pas être isolé dans son pays d'origine, une atteinte disproportionnée au respect de sa vie familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de destination de la reconduite ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination :

Considérant en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été vu ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ;

Considérant que si M. X soutient que la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi serait contraire aux stipulations de l'article 3 précité, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en établir le bien-fondé ; que, par suite, il doit être rejeté ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que M. X ait entendu contester la décision administrative le plaçant en rétention administrative ainsi qu'il a été vu ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (…) 3° faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ou devant être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ne peut quitter immédiatement le territoire français. » ;

Considérant que la décision par laquelle le PREFET DU NORD a ordonné le maintien de

M. X dans un local non pénitentiaire durant un délai de 48 heures précise que l'intéressé, qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, « (…) ne peut quitter immédiatement le territoire français (…) » ; qu'une telle formulation, qui désigne l'un des quatre motifs énoncés par l'article L. 551-1 précité, satisfait à l'exigence de motivation prévue par cet article ; que, par suite, le PREFET DU NORD a pu, par une décision qui est suffisamment motivée et sans méconnaître les dispositions précitées décider le placement de M. X en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. X doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0605859 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille en date du 25 septembre 2006 est annulé.

Article 2 : La demande de M. Nour Eddine X est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU NORD, à M. Nour Eddine X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01496
Date de la décision : 10/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-04-10;06da01496 ?
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