La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2007 | FRANCE | N°06DA00950

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 27 juillet 2007, 06DA00950


Vu le recours, enregistré par télécopie le 17 juillet 2006 et confirmé par l'envoi de l'original le 21 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0305888 du 20 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Didier X et de M. Patrick Y, a condamné l'Etat, d'une part, à verser les sommes de 34 275 euros à M. X et 22 779,25 euros à M. Y en réparation du préjudice qu'ils ont subi en raison de la carence fauti

ve des services vétérinaires du département du Nord dans la lutte co...

Vu le recours, enregistré par télécopie le 17 juillet 2006 et confirmé par l'envoi de l'original le 21 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0305888 du 20 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Didier X et de M. Patrick Y, a condamné l'Etat, d'une part, à verser les sommes de 34 275 euros à M. X et 22 779,25 euros à M. Y en réparation du préjudice qu'ils ont subi en raison de la carence fautive des services vétérinaires du département du Nord dans la lutte contre la propagation de la maladie d'Aujeszky qui a frappé leurs élevages de porcs, d'autre part, à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, a mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X et M. Y en première instance ;

Il soutient que le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors qu'il n'a analysé ni le mémoire ni les conclusions de la préfecture du Nord ; qu'aucune faute ne peut être imputée aux services vétérinaires du Nord qui ont respecté la réglementation relative à la prophylaxie collective de la maladie d'Aujeszky ; que l'exploitation de M. Z, non atteinte d'une forme réputée contagieuse de la maladie d'Aujeszky n'avait pas à être mise sous arrêté préfectoral de mise sous surveillance ;

Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 septembre 2006 et confirmé par l'envoi de l'original le 2 octobre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE qui conclut au mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il appartenait à M. Z de faire réaliser les examens sérologiques demandés par les services vétérinaires sur son cheptel dans les délais prescrits, soit avant le 25 décembre 1994 ; que la positivité du test, le 7 décembre 1994, ne suffisait pas à caractériser une véritable suspicion de la maladie d'Aujeszky ; que M. A a été prévenu de vive voix par M. B, technicien des services vétérinaires, de l'infection de l'élevage de M. Z, dès que celle-ci a été connue, c'est-à-dire le 21 février 1995 ; que si les prélèvements n'ont été effectués que le 31 janvier 2005, et que leurs résultats positifs n'ont été connus que le 16 février 2005, la responsabilité en incombe intégralement à M. Z ; que face aux incertitudes sur l'origine de la contamination des cheptels de MM Marsan et Y, et donc de l'impact qu'a pu avoir l'action ou l'inaction des services de l'Etat sur cette contamination, il est impossible d'établir un lien de causalité entre les carences reprochées à l'Etat par le Tribunal administratif de Lille et le préjudice subi par les requérants ; que la prétendue inaction de l'administration ne peut être principalement à l'origine de la propagation de la contamination mais que celle-ci résulte des graves négligences des différents éleveurs ; que si l'on considère que l'administration a commis une faute, il ne pourra être laissé au maximum à la charge de l'Etat que le quart du préjudice allégué par MM X et Y ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2007, présenté pour M. Didier X, demeurant ... et M. Patrick Y, demeurant ..., par Me Poncet, qui concluent au rejet du recours, à la confirmation du jugement attaqué, dans le principe de la responsabilité, à l'indemnisation de leur préjudice par l'allocation s'agissant de M. X d'une somme de 123 390 euros et de M. Y d'une somme de 82 004 euros, subsidiairement à un partage de responsabilité sur la base des trois quarts à la charge de l'Etat, et enfin, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent qu'ils n'ont pas à leur disposition les pièces relatives aux modalités d'exercice du recours qui aurait était fait par télécopie le 17 juillet 2006 et qu'ils s'en remettent à la Cour pour vérifier si le recours n'est pas tardif ; que le jugement attaqué n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative qui ne sont d'ailleurs pas prévues à peine de nullité ; que les cas positifs révélés chez M. Z et Mme C, respectivement les 7 et 8 décembre 1994, auraient dû amener la direction des services vétérinaires du Nord à envoyer un courrier à M. Z et placer immédiatement son exploitation sous arrêté portant déclaration d'infection ; que la positivité du test réalisé le 7 décembre 1994 suffisait à caractériser une véritable suspicion ; que l'arrêté d'infection concernant l'exploitation de M. Z n'a été pris que le 23 février 1995, soit plus de deux mois après la suspicion portée à la connaissance de la direction des services vétérinaires du Nord ; que le lien de causalité entre la faute commise par la direction des services vétérinaires du Nord et le préjudice subi par les requérants est établi ; qu'il est demandé à la Cour de procéder à une réévaluation du montant du préjudice indemnisable dès lors que les chiffrages retenus par l'expert ne prennent en considération que le préjudice subi en 1995 sans tenir compte des préjudices collatéraux constitués par les implications économiques et financières de la privation dans une exploitation agricole d'un produit d'activité aussi important ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;
Vu l'arrêté du 6 juillet 1990 relatif à l'organisation de la lutte contre la maladie d'Aujeszky sur l'ensemble du territoire national ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;

- les observations de Me Poncet, pour MM X et Y ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est dirigé contre le jugement du 20 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Didier X et de M. Patrick Y, a condamné l'Etat à verser les sommes de 34 275 euros à M. X et 22 779,25 euros à M. Y en réparation du préjudice qu'ils ont subi en raison de la carence fautive des services vétérinaires du département du Nord dans la lutte contre la propagation de la maladie d'Aujeszky qui a frappé leurs élevages de porcs ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, les visas de ce jugement comportent l'analyse des moyens et des conclusions présentés par le préfet du Nord, conformément aux dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

En ce qui concerne les responsabilités :

Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 6 juillet 1990 susvisé : « (…) Article 19 : Tout propriétaire ou toute personne ayant habituellement la charge des soins ou la garde, même temporaire, d'un animal suspect d'être atteint de la maladie d'Aujeszky doit en faire la déclaration aux services vétérinaires du département où se trouve l'animal. Dans le cas où cette suspicion concerne un porc, l'établissement auquel il appartient est aussitôt placé sous arrêté préfectoral de mise sous surveillance en application des articles 227 et 228 du code rural. Article 20 : Tout diagnostic sérologique ou virologique de la maladie d'Aujeszky, quelle que soit l'espèce animale concernée, doit être déclaré au directeur des services vétérinaires du département dont proviennent les prélèvements ou l'animal sur lesquels le diagnostic a été réalisé. Afin de déterminer l'origine de l'infection, le directeur des services vétérinaires ordonne une enquête épidémiologique (…) Lorsque ce diagnostic concerne un porc, l'établissement auquel il appartient est placé sous arrêté d'infection et fait l'objet d'un plan d'assainissement dont les principes sont définis par instruction du ministre de l'agriculture et de la forêt (…) » ;

Considérant que MM X et Y, qui exploitent, chacun, un élevage de porcs, ont été contraints de procéder à l'abattage de leurs animaux en raison de leur infection par la maladie d'Aujeszky ; qu'il ressort de l'expertise ordonnée par la Cour administrative d'appel de Douai le 8 mars 2000, que cette infection a eu pour origine, par l'intermédiaire de la SICA Est Porcs et du GAEC du Fumé Lorrain, la livraison d'animaux sortis les 8 janvier et 16 février 1995 de l'élevage de M. A à Thiennes, lequel élevage avait été auparavant contaminé par l'élevage voisin de M. Z ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise précitée, que les services vétérinaires du Nord, qui avaient connaissance d'une suspicion d'infection de l'exploitation de M. Z dès le 7 décembre 1994 et de la contamination par cette maladie très contagieuse de l'exploitation voisine de Mme C depuis le 27 janvier 1994, n'ont pas mis en oeuvre pour l'exploitation de M. Z la mise sous surveillance prévue par l'article 19 précité, alors que cette procédure devait être initiée « aussitôt » en cas de suspicion, n'ont pas immédiatement informé M. A des risques encourus, n'ont réalisé une enquête épidémiologique que le 20 février 1995 et n'ont placé l'exploitation de M. Z sous arrêté portant déclaration d'infection que le 23 février 1995 ; que, dans les circonstances de l'espèce, cet ensemble de carences et de retards a été constitutif d'une faute lourde ;

Mais considérant, d'autre part, qu'en raison de la mauvaise volonté manifestée par M. Z pour réaliser les prélèvements demandés, qui n'ont été effectués que les 15 et 17 février 1995 alors qu'un courrier du 8 décembre 1994 de la direction des services vétérinaires du Nord les réclamait pour le 25 décembre 1994 au plus tard, du manque de collaboration de M. A dans la détermination des mouvements des animaux susceptibles d'être contaminés, de la probabilité, évoquée par l'expertise, d'une omission des contrôles sérologiques lors du transfert du bétail du SICA Est Porcs au GAEC du Fumé Lorrain, et de l'absence de mise en quarantaine par ce dernier des animaux reçus, en méconnaissance du mémento de l'Institut technique du porc, le Tribunal administratif a fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à l'Etat en laissant à sa charge la moitié seulement du préjudice subi ;
En ce qui concerne le préjudice :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des études menées par le centre de comptabilité et de gestion de Lunéville en 1996 dont les chiffrages, débattus contradictoirement devant l'expert désigné par la Cour administrative d'appel de Douai, puis validés par ce dernier, n'ont pas été utilement contestés par le ministre, que le préjudice subi par l'exploitation de M. X s'est élevé à 68 550 euros et celui de l'exploitation de M. Y à 45 558,50 euros ; que si le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE conteste ces montants aux motifs que l'Etat a participé au coût de la vaccination des animaux, qu'il a indemnisé les animaux éliminés et que MM X et Y ont retiré un bénéfice de la vente de leurs animaux, autorisée par un arrêté du préfet de Meurthe et Moselle, il résulte de l'instruction que ces éléments ont déjà été pris en compte dans le calcul des montants précités ;

Considérant, d'autre part, que MM X et Y ne démontrent pas, en se bornant à invoquer les préjudices collatéraux constitués par les implications économiques, financières et de trésorerie, qu'il y a lieu d'appliquer un coefficient de 1,8 aux sommes précitées ; qu'ils ne sont dès lors pas fondés à demander à la Cour une réévaluation du préjudice indemnisable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à MM X et Y respectivement les sommes de 34 275 euros et 22 779,25 euros et a mis à sa charge les frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à MM X et Y une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;




DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à MM X et Y une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions en appel de MM X et Y est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier X, à M. Patrick Y et au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE.
Copie sera transmise au préfet du Nord.

2
N°06DA00950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 06DA00950
Date de la décision : 27/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : PONCET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-07-27;06da00950 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award