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27/07/2007 | FRANCE | N°07DA00591

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 27 juillet 2007, 07DA00591


Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2007 par télécopie et régularisée le 20 avril 2007 par la production de l'original au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour
M. Daouda X,demeurant ..., par Me Madeline ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700571 en date du 9 mars 2007, par lequel le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
6 mars 2007 du préfet des Yvelines décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination

de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Yvelines ;
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Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2007 par télécopie et régularisée le 20 avril 2007 par la production de l'original au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour
M. Daouda X,demeurant ..., par Me Madeline ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700571 en date du 9 mars 2007, par lequel le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
6 mars 2007 du préfet des Yvelines décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Yvelines ;

3°) d'enjoindre audit préfet d'accorder à M. X une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention « vie privée et familiale » ou de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à la Selarl Eden Avocats la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Il soutient que l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ; que le préfet a commis une erreur de fait en considérant que Mme X, l'épouse de M. X, pouvait bénéficier du regroupement familial alors qu'elle ne remplit pas les conditions de ressources ; que le préfet a également commis une erreur de droit dès lors que Mme X ne pouvant pas bénéficier du regroupement familial, cette situation porte atteinte au droit à la vie familiale du requérant ; que l'arrêté de reconduite à la frontière a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle du requérant ; que l'arrêté litigieux viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant du
26 janvier 1990 ; que la décision fixant le pays de destination de la reconduite méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. X est activement recherché par le pouvoir ivoirien en tant que membre du parti RDR et qu'un mandat d'arrêt a été établi à son encontre ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance du 23 avril 2007 fixant la clôture de l'instruction au 23 mai 2007 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2007 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 22 mai 2007, présenté par le préfet des Yvelines, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que son arrêté de reconduite à la frontière est suffisamment motivé ; que
M. X ne peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas porté atteinte au respect de la vie privée et familiale de M. X qui ne démontre pas l'ancienneté de vie commune avec son épouse et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que la décision contestée respecte les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de l'intéressé ; que l'arrêté litigieux ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. X dès lors qu'il ne concerne que celui-ci et non son épouse ou son enfant ; que les éléments dont se prévaut l'intéressé pour établir que sa vie serait menacée en cas de retour en Côte d'Ivoire ont été écartés par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 mars 2007, devenue définitive ;

Vu l'ordonnance du 24 mai 2007 fixant la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 juillet 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la désignation du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par l'arrêté attaqué du 6 mars 2007, le préfet des Yvelines a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant ivoirien, et a décidé que l'intéressé devait être reconduit vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout pays dans lequel il serait admissible, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que les dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvaient légalement fonder l'arrêté attaqué mais a toutefois fait droit, pour rejeter la demande de M. X tendant à l'annulation de cet arrêté, à la demande de substitution de base légale présentée par le préfet des Yvelines en jugeant que cet arrêté pouvait légalement être fondé sur les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-1-II du même code, qui visent le cas de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; que M. X forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2º Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré régulièrement en France le 26 octobre 2001 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 23 octobre 2001 au
30 décembre 2001 et s'est maintenu plus de trois mois après l'expiration de la durée de validité de son visa ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article
L. 511-1-II-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;



Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que si M. X soutient que la motivation de l'arrêté attaqué est stéréotypée et qu'il ne mentionne pas ses attaches familiales en France, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et que le préfet a procédé à l'examen de sa situation personnelle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si M. X soutient qu'il vit en France depuis le 26 octobre 2001, qu'il est marié avec une ressortissante ivoirienne en situation régulière qui est mère d'un enfant issu d'une précédente union, a un enfant avec son épouse qui est né en mai 2006, il ne fournit cependant aucun élément sur l'existence d'une communauté de vie avec son épouse alors que, comme l'a relevé le Tribunal administratif de Rouen, celle-ci était domiciliée au cours de l'année 2006 chez un tiers à Paris et que M. X habite dans la commune de Clichy-La-Garenne (Hauts-de-Seine) ; qu'il n'établit pas non plus subvenir aux besoins du premier enfant de son épouse ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X, du caractère récent de son mariage à la date de l'arrêté contesté, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, et de la possibilité pour son épouse de demander le bénéfice du regroupement familial, l'arrêté attaqué du préfet des Yvelines n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient qu'il dispose d'une promesse d'embauche, qu'il a noué des relations qui attestent de sa bonne intégration, qu'il ne porterait aucune atteinte à l'ordre public et que son casier judiciaire serait vierge, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le préfet des Yvelines aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en outre, que M. X ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière, des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2005, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si M. X se prévaut des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté ait, dans les circonstances de l'espèce, méconnu les stipulations précitées alors que le requérant n'établit pas assumer la charge effective ni de son enfant, ni de l'enfant de Mme Touré épouse X ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;


Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que si M. X soutient qu'en cas de retour en Côte d'Ivoire, son pays d'origine, il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son appartenance au parti du Rassemblement des républicains et qu'à l'appui de ce moyen il fait valoir que des poursuites sont dirigées contre lui, il n'établit pas par les éléments qu'il produit les risques d'être soumis à la torture ou exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2007 fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de la reconduite ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2007 par lequel le préfet des Yvelines a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite ;


Sur les conclusions de M. X à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;


Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Douada X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au préfet des Yvelines.

N°07DA00591 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA00591
Date de la décision : 27/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-07-27;07da00591 ?
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