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22/01/2008 | FRANCE | N°06DA01652

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 22 janvier 2008, 06DA01652


Vu la requête sommaire, enregistrée le 13 décembre 2006 par télécopie et confirmée par l'envoi de l'original le 14 décembre 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, dont le siège est 2 place Barthélémy Dorez à Lille Cedex (59037), représenté par son directeur en exercice, par Me le Prado, avocat aux Conseils ;

Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 0301837 du 21 juin 2005 et du 5 octobre 2006 par lesquels le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser

à Mme Hélène Y une somme de 18 000 euros en raison du manquement du CENTRE HOS...

Vu la requête sommaire, enregistrée le 13 décembre 2006 par télécopie et confirmée par l'envoi de l'original le 14 décembre 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, dont le siège est 2 place Barthélémy Dorez à Lille Cedex (59037), représenté par son directeur en exercice, par Me le Prado, avocat aux Conseils ;

Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 0301837 du 21 juin 2005 et du 5 octobre 2006 par lesquels le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme Hélène Y une somme de 18 000 euros en raison du manquement du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE à son obligation d'information préalable sur les conséquences de l'opération qu'elle a subie le 17 février 1994 ;

2°) de rejeter la demande de Mme Y ;

Il soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que c'est à tort qu'a été écartée la prescription quadriennale ; que c'est à tort que le Tribunal a estimé que la preuve de l'information préalable n'était pas rapportée ; qu'en tout état de cause, l'intervention était indispensable ; que les médecins ne pouvaient surseoir à la pratiquer et qu'il n'existait pas d'alternative thérapeutique ;

Vu les jugements attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 21 décembre 2006 à Me le Prado, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 22 janvier 2007 et confirmé par courrier original le 23 janvier 2007, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'ensemble des circonstances de l'affaire montre que la requérante qui avait parfaitement compris qu'elle ne pourrait plus être enceinte après l'intervention du 17 février 1994, se satisfaisait parfaitement de cette situation puisqu'elle était déjà mère de trois enfants ; que ce n'est que six ans plus tard et en raison des circonstances tout à fait personnelles que Mme Y a adopté un point de vue tout à fait opposé ; qu'il est constant qu'elle a été parfaitement informée ; que l'exposant était bien-fondé par ailleurs à invoquer la prescription quadriennale à l'encontre de la créance fondée sur le préjudice découlant de la stérilisation tubaire ; qu'il résulte de l'instruction que cette intervention était indispensable pour assurer la réussite de l'intervention ;

Vu la mise en demeure adressée le 11 juin 2007 à Mme Y, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 11 juin 2007 à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la lettre, enregistrée le 13 juillet 2007, présenté par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille sans ministère d'avocat ;

Vu l'ordonnance en date du 20 août 2007 fixant la clôture d'instruction au

28 septembre 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 30 octobre 2007 portant réouverture d'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2007, présenté pour Mme Hélène Y, demeurant ..., par Me Coubris ; Mme Y conclut au rejet de la requête et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens ; elle soutient que l'appel est irrecevable à l'encontre du jugement du 21 juin 2005 faute d'avoir été interjeté dans les délais impartis ; que le requérant ne saurait revenir sur le principe de responsabilité dans ces conditions ; qu'à toutes fins, le défaut d'information préopératoire est caractérisé ; que l'exposante entend voir confirmer le jugement sur la réparation de ses préjudices ;

Vu l'ordonnance en date du 26 novembre 2007 reportant la clôture d'instruction au

21 décembre 2007 à 16 heures 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 décembre 2007, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, qu'il est recevable à contester le bien-fondé du jugement du 21 juin 2005 et qu'il pouvait discuter du bien-fondé des motifs de ce jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2008 à laquelle siégeaient Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, M. Christian Bauzerand et M. Patrick Minne, premiers conseillers :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Y a subi le 17 février 1994 une intervention chirurgicale au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE aux fins de corriger de graves troubles sphinctériens et un prolapsus utérin ; qu'au cours de cette intervention a été réalisée une stérilisation tubaire ; qu'en 2001, Mme Y a souhaité avoir un nouvel enfant et a subi une intervention de reperméabilisation tubaire gauche le 14 mars 2001 à cette fin ; que l'intervention n'a toutefois pas abouti en raison de la présence d'adhérences intrapéritonéales sur l'utérus ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE demande l'annulation des jugements du Tribunal administratif de Lille en date des 21 juin 2005 et 5 octobre 2006 par lesquels il a été déclaré responsable pour défaut d'information préalable de la stérilité de Mme Y et a été condamné à l'indemniser de ses préjudices ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée en appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : « Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant dire droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. » ; qu'il résulte de ces dispositions que le délai d'appel est différé jusqu'au jour de l'expiration du délai d'appel relatif au jugement intervenant sur le fond ;

Considérant que le jugement du 21 juin 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lille a jugé que la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE était engagée et a ordonné une expertise aux fins d'évaluer le préjudice de

Mme Y, constituait un jugement avant dire droit ; que le jugement au fond étant intervenu le 5 octobre 2006 et ayant été notifié le 14 octobre suivant, audit centre hospitalier, celui-ci était recevable le 13 décembre 2006 à former appel contre le jugement du

5 octobre 2006, mais aussi contre le jugement avant dire droit du 21 juin 2005 ; que, par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par Mme Y ne peut qu'être écartée ;

Sur la responsabilité :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE ait, avant l'intervention du 17 février 1994, informé Mme Y de la ligature tubaire bilatérale qui allait être pratiquée ; que, par suite, en l'absence d'urgence vitale rendant impossible l'information préalable de la patiente, ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'hôpital ;

Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment des deux expertises ordonnées par les premiers juges que, d'une part, la ligature tubaire bilatérale est obligatoire dans le cas de l'intervention pratiquée sur Mme Y ayant consisté en une promontofixation avec douglassectomie et colposuspension de type Burch et, d'autre part, il était quasiment impossible de surseoir à l'intervention compte tenu de l'état de santé de la patiente, car Mme Y aurait présenté dans un délai assez court une extériorisation de son utérus avec pertes d'urines permanentes et infections à répétition avec, à la longue, un risque septique et, à plus long terme, un risque de cancérisation du col utérin faisant suite aux traumatismes répétés ; que, par ailleurs, il est établi que Mme Y n'a demandé qu'il soit procédé à la reperméabilisation tubaire que plus de cinq ans après la première intervention alors qu'elle avait été informée dès la sortie de son hospitalisation de la ligature tubaire qui avait été pratiquée ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE n'a pas entraîné de perte de chance pour Mme Y de se soustraire au risque qui s'est réalisé d'une stérilité définitive ; qu'aucune indemnisation n'est, par suite, due à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lille l'a déclaré responsable des conséquences de l'intervention subie par Mme Y et l'a condamné à l'indemniser ;

Sur les frais des expertises :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) » ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, et dans les circonstances particulières de l'affaire, de laisser les frais des deux expertises ordonnées en première instance, taxés et liquidés respectivement par ordonnances du président du Tribunal administratif de Lille en date des 22 juillet 2002 et 18 novembre 2005 aux sommes de 660 euros et 1 000 euros, à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme Y demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Lille en date du 21 juin 2005 et du 5 octobre 2006 sont annulés.

Article 2 : La demande de Mme Y devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les frais des expertises, liquidés et taxés respectivement par deux ordonnances du président du Tribunal administratif de Lille en date du 22 juillet 2002 à la somme de

660 euros et en date du 18 novembre 2005 à la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, à Mme Hélène Y et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille.

N°06DA01652 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01652
Date de la décision : 22/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-01-22;06da01652 ?
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