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13/02/2008 | FRANCE | N°07DA01439

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 13 février 2008, 07DA01439


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 septembre 2007 et régularisée par la production de l'original le 12 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702016, en date du 6 août 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 23 juillet 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. Yahia X et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de sa situ

ation dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 septembre 2007 et régularisée par la production de l'original le 12 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702016, en date du 6 août 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 23 juillet 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. Yahia X et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient que les troubles à l'ordre public répétés dont M. X s'est rendu coupable ne permettent pas de considérer, nonobstant le projet de mariage de l'intéressé et la circonstance qu'il est père d'un enfant mineur né d'une mère française, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il convient de relever, en outre, que M. X a été condamné à seize mois d'emprisonnement pour « récidive de vol aggravé par deux circonstances » et pour « récidive de recel de biens provenant d'un vol commis à l'aide d'une effraction » par un arrêt de la Cour d'appel du 26 janvier 2006 ; que le premier juge n'a pu à bon droit prendre en compte dans son appréciation des éléments antérieurs au jugement du 21 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. X dirigée contre le refus de séjour qui lui avait été opposé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 12 octobre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au

12 novembre 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 23 juillet 2007, le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant marocain, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent notamment le cas de l'étranger qui a fait l'objet d'un refus de séjour au motif que sa présence sur le territoire national représentait une menace pour l'ordre public ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME relève appel du jugement, en date du 6 août 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de cet arrêté, après avoir estimé que celui-ci était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comportait sur la situation personnelle de l'intéressé, et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ;

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME doit être regardé, malgré la rédaction maladroite de sa requête d'appel, comme formulant une critique du motif retenu par le premier juge pour prononcer le jugement attaqué ; que si M. X faisait valoir devant le tribunal administratif qu'il résidait en France depuis l'âge de quatre ans, à l'exception d'un séjour de quelques mois au Maroc à l'âge de dix ans, et qu'il était père d'un enfant français issu de son union avec une ressortissante française avec laquelle il aurait entrepris des démarches en vue de la célébration d'un mariage, l'intéressé n'a produit aucun document de nature à établir la réalité de la vie commune alléguée avec la personne qu'il présente comme sa compagne ; que le requérant n'a produit aucun élément établissant sa présence en France depuis l'âge de quatre ans ; qu'en outre, s'il est constant que M. X est père d'un enfant français né le 22 février 2006, dont il a reconnu la paternité dès la naissance, il n'a produit aucun élément de nature à établir qu'il contribuerait effectivement, comme il l'allègue, à l'éducation et à l'entretien de celui-ci ; que, dans ces conditions et nonobstant la circonstance que l'intéressé a suivi une formation de magasinier dans le but de préparer sa réinsertion à l'issue de sa détention, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. X ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif son arrêté du 23 juillet 2007 décidant que M. X serait reconduit à la frontière et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que cette motivation répond donc aux exigences posées par les dispositions de la loi susvisée du

11 juillet 1979 modifiée en matière de motivation des actes administratifs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 7° Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public. (...) » ; qu'il est constant que

M. X a fait l'objet le 26 mars 2003 d'une décision de refus de séjour devenue définitive au motif notamment que la présence de l'intéressé, qui s'était notamment vu plusieurs fois condamné à des peines d'emprisonnement entre 1998 et 2002 pour violences, dégradations volontaires, vols et recel d'objets volés, usage de stupéfiants et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, représentait une menace pour l'ordre public ; que M. X entrait donc dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au PREFET DE LA SEINE-MARITIME de prendre à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) » ; qu'ainsi qu'il a été dit, M. X ne produit aucun élément de nature à justifier d'une quelconque contribution de sa part à l'éducation ni même à l'entretien de son enfant français ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il aurait été en situation, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait figuré, à cette même date, parmi les étrangers visés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du même code qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. X, qui est né le 27 mai 1978, fait valoir qu'il réside en France depuis l'âge de quatre ans, il n'apporte aucun élément de nature à justifier d'un séjour continu depuis cette date ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit, la réalité de la vie commune dont il fait état avec la ressortissante française qu'il présente comme sa compagne n'est pas établie, pas davantage que sa contribution à l'éducation, ni même à l'entretien de son enfant né en France ; que, dans ces conditions et compte tenu par ailleurs de la menace à l'ordre public que représente la présence de M. X sur le territoire français eu égard notamment à la gravité des faits ayant donné lieu aux nombreuses condamnations prononcées à son encontre, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième lieu, que, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, M. X ne justifie pas d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale susvisée relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que la circonstance que M. X avait été placé, à une date antérieure à celle à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, en liberté sous contrôle judiciaire, ne faisait pas obstacle à ce que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME décide la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 23 juillet 2007 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a prononcé sa reconduite à la frontière ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction de même que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par le requérant devant le Tribunal administratif de Rouen, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702016, en date du 6 août 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à M. Yahia X.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01439 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01439
Date de la décision : 13/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-13;07da01439 ?
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