La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2008 | FRANCE | N°07DA01792

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 19 mars 2008, 07DA01792


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 28 novembre 2007 et confirmée par courrier original le 30 novembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702679 en date du 19 octobre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. Tariel Y, son arrêté en date du 12 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixant le pays de destinatio

n de cette mesure ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 28 novembre 2007 et confirmée par courrier original le 30 novembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702679 en date du 19 octobre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. Tariel Y, son arrêté en date du 12 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixant le pays de destination de cette mesure ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient que M. Y n'a pas exercé, au cours de sa rétention administrative, le droit dont il disposait de solliciter l'asile dans un délai de cinq jours ; qu'il n'a pas obtenu l'autorisation provisoire prévue à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à l'occasion de sa première interpellation, le 15 mars 2006, sur le territoire national, les empreintes digitales de M. Y avaient été relevées et enregistrées sur le fichier européen Eurodac ; que si cette opération a conduit ensuite les autorités belges et allemandes, en application du règlement CE n° 343/2003 du Conseil en date du 18 février 2003 à refuser d'enregistrer les demandes d'asile formées auprès d'elles par M. Y et à solliciter des autorités françaises la réadmission de l'intéressé, elle ne dispensait pas ce dernier de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile, ce qu'il n'établit pas avoir fait ; que la consultation du fichier informatique de l'Office ne laisse d'ailleurs apparaître aucune demande à ce nom ; que M. Y a bénéficié de deux sauf-conduits délivrés par les autorités belges pour se rendre à la préfecture du Calvados suite à l'accord de reprise en charge émis le 6 septembre 2007 par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et ne s'est pas rendu aux rendez-vous fixés ; que, dans ces conditions, le premier juge a estimé à tort que M. Y avait formé une demande d'asile sur laquelle il n'avait pas été statué et que l'arrêté de reconduite attaqué était, pour ce motif, entaché d'erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 10 décembre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au

24 janvier 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu le règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 du même code : « Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1 » ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'Office (...) » ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement en date du 19 octobre 2007 dont le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel, l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. Y, ressortissant géorgien, né le 25 avril 1977, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que cet arrêté avait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne ressortait des pièces du dossier ni que la demande d'asile de M. Y ait été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni a fortiori que cette autorité ait statué sur cette demande, ni enfin que l'intéressé ait fait l'objet d'une décision refusant son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, si un ressortissant étranger peut invoquer, au soutien des conclusions qu'il dirige contre un arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard, une méconnaissance du droit, posé par les dispositions précitées de l'article L. 742-6 du même code, de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, encore faut-il qu'il justifie avoir présenté effectivement une demande d'asile ; qu'en l'espèce, M. Y, qui avait été mis en mesure de formuler une demande d'asile, s'étant notamment vu délivrer à deux reprises, alors qu'il était en Belgique, un sauf-conduit par les autorités belges pour se rendre à la préfecture du Calvados dans le but de constituer son dossier de demande et n'en ayant pas fait usage ainsi qu'il le reconnaît lui-même, n'a pas établi avoir formé une telle demande ; qu'une consultation du fichier informatique de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne révèle d'ailleurs l'existence d'aucune demande au nom de M. Y ; qu'il ne ressort, en outre, d'aucune des pièces du dossier qu'une telle demande ait été déposée par l'intéressé, ni auprès du préfet du Calvados, ni auprès du préfet de la Seine-Maritime ; qu'en particulier, la décision, en date du 6 septembre 2007, par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, saisi par les autorités belges dans le cadre de la mise en oeuvre des mécanismes posés par le règlement CE

n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 susvisé, a accepté la reprise en charge de M. Y, dont les empreintes digitales avaient été relevées en France et enregistrées sur le fichier Eurodac, n'est pas à elle seule suffisante à révéler l'existence d'une telle demande ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, pour le motif susmentionné, son arrêté du 12 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Y ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens articulés par M. Y devant le tribunal administratif ;

Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, qui a déclaré être entré en dernier lieu en France environ trois jours avant son interpellation le 11 octobre 2007, n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée à cette date et dans des conditions régulières et n'était en possession d'aucun titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. Y ; que ledit arrêté est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qui si M. Y a fait état, au cours de l'audience devant le premier juge, de ce qu'il était atteint d'une hépatite C chronique active, il n'a apporté aucun élément de nature à justifier de la réalité même de cet état de santé, ni, en tout état de cause, à établir que son état nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut risquerait d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Considérant, enfin, que si, au soutien des conclusions qu'il dirigeait contre la décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, M. Y a invoqué le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en indiquant craindre pour sa vie et son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine, il n'a apporté au soutien de son moyen aucune précision, ni aucun élément, alors au surplus que la Géorgie figure sur la liste des pays considérés comme sûrs par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de nature à établir qu'il encourrait effectivement et personnellement des risques en cas de retour dans ce pays ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 12 octobre 2007 par lequel le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME a décidé qu'il serait reconduit à la frontière et a désigné la Géorgie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction que M. Y a présentées devant le tribunal administratif ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702679, en date du 19 octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Tariel Y et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01792 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01792
Date de la décision : 19/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: Le Garzic

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-03-19;07da01792 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award