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08/04/2008 | FRANCE | N°07DA01761

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 avril 2008, 07DA01761


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 23 novembre 2007 par la production de l'original, présentée pour M. Amadou X, demeurant ..., par Me Falacho ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701993 du 16 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 19 juin 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dan

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Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 23 novembre 2007 par la production de l'original, présentée pour M. Amadou X, demeurant ..., par Me Falacho ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701993 du 16 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 19 juin 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de renvoi, d'autre part, à ce que le Tribunal enjoigne audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention « vie privée et familiale », dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de

1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son avocat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que l'arrêté litigieux, en ce qu'il porte refus de séjour, est irrégulier dès lors que le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur un avis insuffisamment motivé du médecin inspecteur de la santé publique, et n'a pas lui-même expliqué en quoi l'évolution de l'état de santé du requérant justifiait de modifier son appréciation précédente ; que l'arrêté litigieux repose sur une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est atteint d'un asthme persistant sévère de niveau 20/24, pathologie qui nécessite un traitement régulier dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut pas être pris en charge en Mauritanie ; que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il vit en France depuis plus de cinq ans, qu'il maîtrise la langue française et travaille en contrat à durée indéterminée ; qu'il justifie, en outre, de nombreuses relations avec des ressortissants français ou étrangers en situation régulière ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée dans la mesure où elle ne précise pas le fondement juridique sur lequel elle a été prise ; qu'elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas en quoi il ne serait pas menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. X a été persécuté en Mauritanie du fait de ses origines ethniques, qu'il a dû se réfugier au Sénégal où il a poursuivi son activisme, ce qui a conduit les autorités sénégalaises à le poursuivre pour des motifs fallacieux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 10 décembre 2007 fixant la clôture de l'instruction au 11 février 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2008, présenté par le préfet de la

Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que son arrêté est suffisamment motivé dès lors que le médecin inspecteur de la santé publique, saisi d'une seconde demande d'avis pour la même personne, n'est pas tenu de motiver spécialement cet avis, même s'il est contraire au premier ; que M. X n'apporte aucun élément postérieur à l'avis du médecin inspecteur de la santé publique pour démontrer que l'arrêté litigieux est contraire à l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que le requérant est célibataire, sans charge de famille, et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; qu'en outre, M. X ne peut se prévaloir d'une situation professionnelle irrégulière ; que l'avis du Conseil d'Etat du 19 octobre 2007 relatif à la motivation des obligations de quitter le territoire français n'est pas applicable au cas d'espèce dès lors que le jugement est intervenu à une date antérieure à cet avis ; que la décision portant obligation de quitter le territoire est parfaitement motivée ; que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée ; que la décision fixant la Mauritanie comme pays de destination n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au surplus, les demandes d'asile faites par M. X ont été rejetées ;

Vu la décision du 28 février 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai rejetant la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et

M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (... ) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat » ; que l'arrêté du

8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin chef d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; qu'il appartient ainsi au médecin inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ;

Considérant que M. X, ressortissant mauritanien, est affecté d'asthme persistant sévère ; que le préfet de la Seine-Maritime, après un premier avis du médecin inspecteur de la santé publique de la Seine-Maritime du 18 mai 2006, lui a octroyé une autorisation provisoire de séjour de six mois lui permettant de poursuivre son traitement ; que, suite à un second avis en date du 30 mars 2007 précisant que, désormais, le défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a, par un arrêté du 19 juin 2007, refusé d'admettre au séjour l'intéressé ; que cet avis, qui a été émis dans les conditions fixées par l'arrêté précité, et indique que l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'entraînerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité, est ainsi suffisamment motivé et de nature à donner au préfet les éléments nécessaires pour prendre sa décision, nonobstant la circonstance que le médecin inspecteur de la santé publique avait précédemment émis un avis contraire le 18 mai 2006 ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X n'établit pas par les pièces qu'il produit, notamment un certificat médical du 22 novembre 2006, une ordonnance du 25 mai 2007 et une convocation au service de pneumologie du centre hospitalier de Rouen pour le 30 janvier 2008, que le préfet se serait mépris sur son état de santé et que l'arrêté préfectoral du 19 juin 2007 serait contraire aux dispositions précitées de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, que si M. X soutient qu'il est parfaitement intégré à la société française dès lors qu'il dispose d'un contrat à durée indéterminée, qu'il maîtrise le français et entretient de nombreuses relations avec des ressortissants français ou étrangers en situation régulière, ces circonstances ne suffisent pas à établir que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ; que M. X, qui est célibataire et sans charge de famille, n'établit pas davantage que l'arrêté litigieux serait contraire aux dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) » ;

Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure toutefois tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler dans ses visas, ses motifs ou même son dispositif, les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que le requérant est, dans cette mesure, fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant la Mauritanie comme pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français et fixant la Mauritanie comme pays de destination ; que le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991:

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique : « (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide (....) » ;

Considérant que M. X n'a pas obtenu l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 octobre 2007 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X en ce qu'elle concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant la Mauritanie comme pays de destination.

Article 2 : La décision du 19 juin 2007 du préfet de la Seine-Maritime est annulée en tant qu'elle a fait obligation à M. X de quitter le territoire français et a fixé la Mauritanie comme pays de destination.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Amadou X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

N°07DA01761 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01761
Date de la décision : 08/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Brigitte (AC) Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-08;07da01761 ?
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