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06/05/2008 | FRANCE | N°07DA00132

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 06 mai 2008, 07DA00132


Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Lequillerier ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102229 du 21 novembre 2006 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'après jugement avant dire droit du 20 avril 2004 ayant déclaré la société Electricité de France responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 20 août 2000 et ordonné une expertise aux fins d'apprécier l'importance des différents ch

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Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Lequillerier ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102229 du 21 novembre 2006 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'après jugement avant dire droit du 20 avril 2004 ayant déclaré la société Electricité de France responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 20 août 2000 et ordonné une expertise aux fins d'apprécier l'importance des différents chefs de préjudice consécutifs à cet accident, il a seulement condamné la société Electricité de France à lui verser la somme de 20 000 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2001, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande qui tendait à la condamnation de la société Electricité de France à lui verser les sommes de 382 544,31 euros en réparation de son incapacité temporaire et du préjudice professionnel, 60 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, 40 000 euros au titre du pretium doloris, 20 000 euros au titre du préjudice esthétique et 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

2°) à titre principal, de déclarer la société Electricité de France entièrement responsable du préjudice subi par lui en sa qualité d'usager d'un ouvrage public exceptionnellement dangereux ou, à défaut, en sa qualité de tiers à l'ouvrage public ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter sa responsabilité à hauteur du tiers ;

4°) de fixer le préjudice total à la somme de 308 757,41 euros et de condamner la société Electricité de France à lui régler cette somme ainsi que la somme de 63 757,41 euros au titre de ses pertes de revenus, ces sommes étant majorées des intérêts de droit à compter de l'introduction de la demande ;

5°) de condamner Electricité de France à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, conformément à l'article R. 811-6 du code de justice administrative, il est fondé à demander l'annulation du jugement avant dire droit du 20 avril 2004 en même temps que le jugement du 21 novembre 2006 réglant l'affaire au fond ; qu'il a la qualité d'usager d'un ouvrage exceptionnellement dangereux dès lors que la ligne à haute tension surplombant sa propriété alimente en électricité son habitation ; que la société EDF est entièrement responsable du préjudice qu'il a subi dès lors qu'il n'a commis aucune imprudence en manipulant le mât de sa planche à voile, qu'il ne tenait pas à la verticale mais de façon oblique comme le révèlent les brulures au thorax ; que la ligne à haute tension ne se situait pas à la hauteur réglementaire de 7,12 mètres comme le confirme le rapport de gendarmerie et que la société EDF aurait dû attirer l'attention des riverains sur les risques liés à cette situation ; que son préjudice économique doit être fixé à 120 000 euros dès lors que son handicap physique consécutif à l'accident ne lui permet plus d'exercer son métier de chauffeur livreur et limite ses capacités professionnelles ; que le préjudice lié à l'incapacité temporaire totale doit être fixé à la somme de 63 757,41 euros correspondant à la perte de revenus subie pour la période de 2000 à 2005 ; qu'ainsi le préjudice corporel soumis à recours doit être fixé à la somme totale de 322 795,32 euros ; que c'est à tort que le tribunal administratif a limité son préjudice personnel à la somme de 40 000 euros ; que le pretium doloris, évalué à 6/7, doit être fixé à 35 000 euros étant donné l'intense souffrance qu'il a dû endurer ; que son préjudice esthétique doit être fixé à 15 000 euros ; que son préjudice d'agrément doit être réévalué à 25 000 euros dès lors que les activités sportives, dont il est désormais privé, occupaient la quasi-totalité de ses loisirs ; qu'ainsi le montant de son préjudice personnel doit être fixé à 75 000 euros ; que l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, dispose que les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; qu'ainsi, l'indemnité liée à l'incapacité temporaire totale, soit 63 757,41 euros correspondant à la perte de salaire, doit lui être versée exclusivement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 13 février 2007 fixant la clôture de l'instruction au 14 août 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 25 avril 2007 et régularisé par la production de l'original le 26 avril 2007, présenté pour la société Electricité de France dont le siège est sis immeuble Guynemer, 18 rue du capitaine Guynemer à Paris La Défense (92938), représentée par ses représentants légaux, par la société d'avocats Cabinet Brigitte Beaumont ; Electricité de France conclut, à titre principal, au rejet comme irrecevable de la requête de M. X, à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement et à ce que la Cour la mette hors de cause et condamne M. X et la caisse primaire d'assurance maladie de Creil à lui rembourser les sommes versées, et à la condamnation de M. X à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'appel dirigé contre le jugement mixte du 20 avril 2004 est irrecevable dès lors que cette décision est devenue définitive ; qu'à titre subsidiaire, M. X, qui n'est pas recevable à se fonder, pour la première fois en appel, sur un régime de responsabilité pour faute, est entièrement responsable de l'accident dès lors que, étant propriétaire d'une habitation grevée d'une servitude de passage d'une ligne électrique à haute tension, il a manipulé le mât de sa planche à voile à la verticale et a, sans en informer Electricité de France, procédé à l'aménagement d'un talus et d'une terrasse surélevés devant son habitation, réduisant ainsi la distance entre le sol et la ligne à haute tension ; que M. X est tiers par rapport à l'ouvrage public et non usager de la ligne à haute tension dès lors qu'au moment de l'accident il n'était pas en train d'utiliser le réseau électrique ; qu'en outre la ligne à haute tension, édifiée en 1977, était située à une hauteur de 7,12 mètres et respectait ainsi la réglementation en vigueur ; qu'à titre subsidiaire, la responsabilité d'Electricité de France devra être limité à 25 % ; que la demande liée à l'incapacité temporaire totale doit être rejetée dès lors que M. X ne justifie pas de pertes de salaires ; qu'il ne justifie d'aucun préjudice économique dès lors qu'il a été maintenu dans son précédent emploi de chauffeur-livreur et que son préjudice professionnel n'est pas imputable à l'accident en cause mais à des accidents du travail ultérieurs ; que l'indemnité au titre de l'incapacité permanente partielle, fixée à 35 %, doit être réduite à la somme de 35 000 euros ; que l'indemnité au titre du pretium doloris doit être limitée à la somme de 10 000 euros ; que l'indemnité au titre du préjudice esthétique doit être réduite à la somme de 3 500 euros ; que M. X ne justifiant pas de la pratique intensive d'activités sportives, l'indemnité au titre du préjudice d'agrément doit être réduite à la somme de 3 500 euros ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai du 14 juin 2007 accordant à M. X l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 85 % ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 juillet 2007, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; ils soutient en outre qu'il n'a pas modifié en appel le fondement juridique de son action, la responsabilité sans faute, qui s'applique quelque soit sa qualité d'usager ou de tiers ; que la survenance de l'accident est liée aux conditions atmosphériques propices à la création d'un arc électrique ; qu'il ne se trouvait pas sur sa terrasse au moment de l'accident mais sur la partie du terrain n'ayant pas subi de surélévation ; que le mât de sa planche à voile n'a pas touché la ligne à haute tension ; qu'Electricité de France a négligé l'entretien normal de son ouvrage exceptionnellement dangereux ; que l'accident du travail du 29 mars 2003 a un lien direct avec son électrocution ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2007, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil, dont le siège est sis 13 rue Ribot à Creil (60313), représentée par son représentant légal, par la SCP d'avocats Lardon-Galeote, Even et Kramer ; la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil conclut, à titre principal, à la condamnation d'Electricité de France à lui verser la somme de 89 037,91 euros au titre de sa créance définitive, à titre subsidiaire, de condamner Electricité de France à lui verser la même somme dans la proportion de responsabilité mise à sa charge, et de condamner Electricité de France à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que sa créance doit s'imputer sur l'incapacité temporaire totale et le préjudice économique subi par M. X dès lors qu'il est admis par le Conseil d'Etat dans son avis du 4 juin 2007 que les prestations de sécurité sociale sont susceptibles de s'imputer sur les pertes de revenus d'ores et déjà subies ou à venir ; qu'elle a versé au titre des indemnités journalières une somme globale de 17 657,33 euros dont elle est fondée à demander le remboursement, alors même que M. X ne demande que le remboursement de ses seules pertes de revenus restées à sa charge ;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 20 septembre 2007 et régularisé par la production de l'original le 21 septembre 2007, présenté pour la société Electricité de France qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et en outre au rejet des demandes de la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que si les gendarmes ont retrouvé M. X en contrebas de sa terrasse, rien ne permet d'affirmer qu'il a été précisément électrocuté à l'endroit où il a été retrouvé ; que le témoignage de son voisin qui a vu le mât de la planche à voile, tenu à la verticale, entrer en contact avec la ligne à haute tension n'est pas contestable, ce qui prouve l'imprudence de la victime ; que M. X n'établit pas qu'Electricité de France n'aurait pas mis en oeuvre des dispositifs de protection efficaces ; que la seule période indemnisable au titre de l'incapacité temporaire totale est celle retenue par l'expert, soit de 10 mois et 10 jours, du 20 août 2000 au 30 juin 2001 ; que les pertes de salaires pour cette période s'élèvent à 4 405,72 euros ; que l'accident du travail subi par M. X le 29 mars 2003 n'a aucun lien direct avec son électrocution ; que la caisse primaire d'assurance maladie n'est fondée à obtenir le remboursement des indemnités journalières versées à M. X que pour la période d'incapacité temporaire totale retenue par l'expert, soit du 20 août 2000 au 30 juin 2001, soit 7 787,10 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu les arrêtés interministériels des 13 février 1970 et 2 avril 1991 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- les observations de Me Beaumont, pour la société Electricité de France ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X relève appel des jugements des 20 avril 2004 et 21 novembre 2006 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'ils ont limité la responsabilité de la société Electricité de France à la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 20 août 2000 et fixé à la somme de 20 000 euros, sous déduction de la provision qui lui a été allouée par ordonnance du président du Tribunal administratif d'Amiens du 15 juillet 2002, le montant des indemnités mises à la charge de la société Electricité de France en réparation du préjudice subi ; que la société Electricité de France demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité et, à titre subsidiaire, la réduction du préjudice indemnisable ;

Sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle est dirigée contre le jugement avant dire droit du Tribunal administratif d'Amiens en date du 20 avril 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 811-6 du même code : « Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant dire droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. » ;

Considérant que par un jugement du 20 avril 2004, le Tribunal administratif d'Amiens a déclaré la société Electricité de France responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. X et ordonné une expertise aux fins d'apprécier l'importance des différents chefs de préjudice consécutifs à cet accident ; que le jugement au fond statuant sur la demande de M. X étant intervenu le 21 novembre 2006 et lui ayant été notifié le 28 novembre suivant, celui-ci était recevable, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 811-6 du code de justice administrative, à former appel le 29 janvier 2007 contre le jugement avant dire droit du 20 avril 2004 ; qu'ainsi la fin de non-recevoir opposée par Electricité de France doit être écartée ;

Sur la responsabilité et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Electricité de France aux conclusions de M. X tendant à l'engagement de sa responsabilité en qualité d'usager de l'ouvrage :

Considérant qu'Electricité de France est en principe responsable, même en l'absence de faute, des dommages causés aux tiers par le fait des ouvrages publics dont elle est concessionnaire ; qu'elle ne peut être exonérée de la responsabilité qui lui incombe que si ces dommages sont imputables à une faute de la victime ou à la force majeure ;

Considérant que l'accident dont M. X a été victime par électrocution le 20 août 2000 s'est produit alors qu'il transportait, dans sa propriété, un mât de planche à voile d'une longueur de 4,90 mètres ; qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du rapport de gendarmerie rédigé le jour de l'accident, que l'électrocution de la victime a été provoquée par un arc électrique entre le mât en carbone et la ligne électrique à moyenne tension de type HTA qui surplombe son terrain ; qu'ainsi l'accident en cause est imputable à un ouvrage public à l'égard duquel M. X, qui n'est pas fondé à soutenir qu'il était usager d'un ouvrage exceptionnellement dangereux, avait la qualité de tiers ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la ligne électrique surplombant la propriété de M. X se trouvait à une hauteur du sol inférieure à la distance réglementairement exigée par les dispositions en vigueur lors de son installation ; que si Electricité de France soutient que M. X aurait commis une faute en procédant à l'aménagement d'un talus et d'une terrasse surélevés devant son habitation, qui auraient réduit la distance entre le sol et la ligne à haute tension, la plaçant à une distance inférieure à celle réglementairement exigée, il résulte de l'instruction que le rehaussement du terrain a été effectué par un des propriétaires précédents et qu'ainsi la faute alléguée sur ce point de la victime doit être écartée ; qu'en revanche, M. X, qui connaissait les lieux et avait acheté une propriété qui était grevée d'une servitude de passage d'une ligne électrique à moyenne tension, ne pouvait ignorer le danger constitué par la présence de cet ouvrage et a commis une imprudence en manipulant le mât en carbone de sa planche à voile à proximité de la ligne électrique sans s'assurer qu'il pouvait procéder à cette opération sans risque ; que si Electricité de France soutient que la victime aurait commis une faute l'exonérant de toute responsabilité en touchant la ligne électrique, ces éléments ne sont pas établis par le seul témoignage d'un voisin indiquant que l'arc se serait formé après que le mât eut touché la ligne électrique, et qui n'est corroboré par aucune constatation d'un impact sur la ligne ou le mât ; que compte tenu de ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont laissé la moitié de la charge de la responsabilité de l'accident à M. X ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « (...) Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice » ;

Considérant que ces dispositions sont immédiatement applicables à la présente instance qui, bien que relative à un dommage survenu antérieurement à leur entrée en vigueur, n'a pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée ; que par suite, il y a lieu de procéder à la détermination des indemnités accordées à M. X et à la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil en application desdites dispositions ; que le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ; qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et les autres dépenses liées à ce dommage ; que, parmi les préjudices personnels sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice total :

Sur les dépenses de santé :

Considérant que M. X a été hospitalisé du 20 août au 10 octobre 2000, puis a été admis en centre de rééducation jusqu'au 18 mai 2001 ; que les dépenses de santé dont il est demandé réparation sont constituées des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques et des frais de transports fixés par la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil à la somme non contestée de 71 380,58 euros ;

Sur les pertes de revenus :

Considérant qu'il est constant que M. X exerçait avant son accident une activité de chauffeur-livreur qu'il a dû momentanément interrompre ; que s'il est resté en congé de maladie jusqu'au 18 juillet 2002, l'expert commis par le tribunal administratif a estimé que l'incapacité temporaire totale en lien direct avec l'accident s'étendait sur la période du 20 août 2000 au 30 juin 2001, veille du jour où il a été reconnu travailleur handicapé de catégorie B, ce qui ne faisait pas obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des fiches de paie que le requérant produit pour la première fois en appel, que ses revenus mensuels s'élevaient à la somme de 7 800 francs ( soit 1 189,10 euros) ; que les pertes de revenus pendant ladite période de 10 mois et 11 jours doivent donc être évaluées à la somme de 12 327,03 euros ;

Sur le préjudice professionnel :

Considérant que M. X, qui était âgé de 39 ans à la date de l'accident, reste atteint d'une incapacité permanente partielle dont l'expert a évalué le taux à 35 % ; que le préjudice subi à ce titre, qui a été estimé par les premiers juges à 50 000 euros, doit être ramené à la somme de 35 000 euros, compte tenu notamment de l'âge du requérant et des pertes de revenus prévisibles du fait de son état physique qui conduit à limiter les tâches dont il est chargé sans pour autant être incompatible avec la profession qu'il exerçait ; que si M. X demande à être indemnisé des conséquences de son licenciement intervenu en juin 2005, il ne résulte pas de l'instruction que cette rupture de contrat de travail ait trouvé son origine dans l'électrocution dont il a été victime alors qu'il avait repris son emploi dans la même entreprise en qualité de chauffeur livreur et qu'il a été victime ultérieurement d'un accident de travail dont le lien avec l'électrocution n'est pas plus établi ;

Sur les souffrances physiques :

Considérant que l'expert a évalué ce poste de préjudice à 6/7 ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé ce préjudice à la somme de 25 000 euros ;

Sur le préjudice esthétique :

Considérant que l'expert a évalué ce préjudice à 3/7 ; que le préjudice subi à ce titre, qui a été estimé par les premiers juges à 10 000 euros, doit être ramené, compte tenu de cette évaluation ainsi que de la nature et de la localisation des cicatrices dont M. X reste atteint, à une somme de 3 500 euros ;

Sur le préjudice d'agrément :

Considérant que M. X soutient qu'il pratiquait plusieurs activités sportives dont la planche à voile ; que, compte tenu des séquelles de l'électrocution et alors même qu'il a été victime ultérieurement d'un accident du travail occasionnant une fracture du calcanéum du pied droit, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé ce préjudice à la somme de 5 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total doit être fixé à la somme de 152 207,61 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité retenu, le préjudice mis à la charge de la société Electricité de France doit être fixé à la somme de 76 103,80 euros correspondant à 35 690,29 euros au titre des dépenses de santé, 6 163,51 euros au titre des pertes de revenus, 17 500 euros au titre du préjudice professionnel, 12 500 euros au titre des souffrances physiques, 1 750 euros au titre du préjudice esthétique et 2 500 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Sur le préjudice demeuré à la charge de M. X :

Considérant, en premier lieu, que les dépenses de santé ont été intégralement prises en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X a subi une perte de revenu de 4 299,79 euros résultant de la différence entre les salaires qu'il aurait perçus pendant la période d'incapacité totale temporaire de travail et les indemnités journalières versées par la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;

Considérant, en troisième lieu, que les préjudices au titre de l'incidence professionnelle et ceux liés aux souffrances physiques, au préjudice esthétique et au préjudice d'agrément, pour des montants respectifs de 17 500 euros et 12 500 euros, 1 750 euros et 2 500 euros n'ont été pris en charge par aucune prestation ;

Considérant que ces sommes n'excèdent pas le montant de chacun des postes de préjudice compte tenu du partage de responsabilité ; qu'il y a lieu par suite de fixer l'indemnité due à M. X à la somme totale de 38 549,79 euros ;

Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil :

Considérant en premier lieu, que la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil a droit au remboursement des frais de santé qu'elle a pris en charge à hauteur de 35 690,29 euros correspondant au montant de ce poste de préjudice après application du partage de responsabilité ;

Considérant en second lieu, que si, au cours de la période d'incapacité temporaire totale, la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil a versé à M. X une somme de 8 027,24 euros d'indemnités journalières, elle ne peut prétendre, compte tenu du montant du poste « pertes de revenus » évalué à 6 163,51 euros, après application du partage de responsabilité, et de la somme de 4 299,79 euros allouée à M. X au titre dudit poste, qu'à l'attribution d'une somme de 1 863,72 euros ;

Considérant que par suite, il y a lieu de fixer l'indemnité due à la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil à la somme de 37 554,25 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à demander que la somme que la société Electricité de France a été condamnée à lui verser par le jugement attaqué soit portée à la somme de 38 549,55 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision en application de l'ordonnance du président du Tribunal administratif d'Amiens en date du 15 juillet 2002 et qu'il y a lieu de ramener à 37 554,01 euros la somme que la société Electricité de France a été condamnée à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts de la somme de 38 549,79 euros à compter du 18 avril 2001, date de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Electricité de France et de M. X, la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de la société Electricité de France la somme que demande la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la société Electricité de France a été condamnée à verser à M. X par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 21 novembre 2006 est portée à 38 549,79 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision en application de l'ordonnance du président du Tribunal administratif d'Amiens en date du 15 juillet 2002. Cette somme portera intérêts à compter du 18 avril 2001.

Article 2 : La somme de 69 518,95 euros que la société Electricité de France a été condamnée à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 21 novembre 2006 est ramenée à 37 554,01 euros.

Article 3 : Le jugement n°0102229 du Tribunal administratif d'Amiens du 21 novembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil et de la société Electricité de France est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X, à la société Electricité de France et à la Caisse primaire d'assurance maladie de Creil.

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N°07DA00132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00132
Date de la décision : 06/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Brigitte (AC) Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP LARDON-GALEOTE, EVEN et KRAMER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-05-06;07da00132 ?
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