La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/08/2008 | FRANCE | N°08DA00184

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 21 août 2008, 08DA00184


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Régis X, demeurant ..., par Me Delerue ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603188 du 12 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 à 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3

) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Régis X, demeurant ..., par Me Delerue ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603188 du 12 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 à 2001, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté au cours de l'examen de sa situation fiscale personnelle dès lors qu'il n'a pas reçu communication de documents importants pour établir la prétendue distribution à son profit des bénéfices de la société SEGD vérifiée par ailleurs, tels que les observations de cette société à la proposition de redressements et à la désignation des bénéficiaires des revenus distribués et la réponse de l'administration ; que le tribunal administratif a commis une erreur en estimant que l'absence de communication de ces documents était sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que la circonstance que la société SEGD l'ait désigné comme bénéficiaire des distributions est insuffisante pour caractériser cette distribution à son profit dès lors que les frais en litige ont un caractère professionnel engagés dans l'intérêt de la société, que les éléments d'une procédure pénale ne peuvent conduire à généraliser la qualification de distribution à toutes les dépenses en litige et que, faute d'éléments corroborant la désignation, la distribution n'est pas établie ; que le tribunal n'a pas répondu précisément au moyen tiré de ce qu'aucun élément précis ne caractérisait l'existence d'une distribution et s'est fondé sur des éléments qui n'étaient pas versés au dossier ; qu'il doit être taxé à concurrence des seules sommes dont il a reconnu être le bénéficiaire de la distribution de bénéfices, les autres étant des frais professionnels remboursés par le service comptable de l'entreprise, dans laquelle il n'avait pas de participation, après visa de ses supérieurs ; que le tribunal a inversé la charge de la preuve de l'appréhension des sommes en litige ; qu'en vertu de ce qui précède, n'est taxable qu'une fraction seulement des dépenses de travaux réalisés chez lui par la société Thibaut, des frais de carburant, de location de véhicule, de frais de restaurant, de frais divers, d'indemnité forfaitaire de déplacement, de chasse, de travaux sur un bâtiment lui appartenant et d'installation d'une salle de bains ; que la mauvaise foi n'est pas établie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que le principe du contradictoire a été respecté ; que la nature des dépenses en litige, les éléments recueillis dans le cadre de la procédure pénale et la désignation de M. X comme bénéficiaire des avantages occultes permettent d'établir que ce dernier a appréhendé les avantages en question ; que les travaux ont bien été réalisés chez lui et à sa demande par des fournisseurs de la société SEGD ; que l'absence d'une utilisation professionnelle des véhicules utilisés confère aux frais de carburant et de location le caractère d'un avantage ; qu'il en va de même pour les frais de restaurant ; que l'allocation forfaitaire fait double emploi avec le remboursement, par ailleurs, de ses frais kilométriques ; qu'aucune justification de ce que des membres de la famille ou des amis étaient conviés aux parties de chasse pour pallier la défection de clients invités n'est apportée ; que la salle de bains a fait l'objet d'une fausse facture ; que la mauvaise foi est justifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Considérant qu'à l'issue d'une série d'examens contradictoires de situation fiscale personnelle diligentés à l'égard, d'une part, de M. X et, d'autre part, du foyer fiscal qu'il compose avec son épouse, l'administration a réintégré dans le revenu imposable du requérant au titre des années 1999 à 2001 les avantages perçus par ce dernier alors qu'il était salarié de la société par actions simplifiée SEGD, celle-ci ayant fait par ailleurs l'objet d'une vérification de comptabilité ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que M. X reprend, en appel, le moyen tiré de ce qu'en s'étant abstenue de lui communiquer, d'une part, l'intégralité de la lettre d'observations de la société SEGD du 3 août 2004 à la proposition de rectification du 21 juillet 2004 et, d'autre part, la copie de la lettre du 7 septembre 2004 de réponse auxdites observations formulées par cette société, l'administration a porté atteinte au principe du contradictoire ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes ; (...) e) Les dépenses et charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions des 1° et 5° du 4 de l'article 39. » ;

Considérant, en premier lieu, que M. X indique lui-même dans ses écritures qu'il ne conteste pas que des travaux, facturés à la société SEGD, ont été réalisés à son domicile par la société Thibaut qui a aménagé un parking et un chemin d'accès, par la société Eurosite qui a installé un système d'éclairage extérieur et par la société Bocquet qui a installé une salle de bains ; que le contribuable soutient que les dépenses de travaux ainsi prises en charge par l'entreprise dont il était le salarié n'étaient pas, dans leur totalité, étrangères à l'intérêt de l'exploitation de celle-ci ; que le contribuable soutient, en particulier, que les travaux réalisés par les sociétés Thibaut et Eurosite correspondent en fait à des dépenses d'entretien et de réparation relatives à des bâtiments privés qu'il mettait gratuitement à la disposition de la société SEGD ; que, toutefois, l'administration, qui s'est notamment appuyée sur les éléments recueillis dans le cadre de la procédure pénale ouverte à l'encontre de M. X et sur les éléments recueillis au cours de la vérification de comptabilité de la société SEGD, apporte la preuve qui lui incombe de ce que les sommes facturées par les sociétés Thibaut et Eurosite constituent des avantages appréhendés par le requérant en faisant valoir que toutes les factures ont été libellées au nom de cette entreprise et non à celui du contribuable, que les ouvriers ont déclaré avoir réalisé les travaux à son domicile, qu'aucun loyer n'a été réclamé à l'entreprise et que l'utilisation, même partielle, des biens de M. X n'est corroborée par aucun élément du dossier ; qu'ainsi, en l'absence de toute précision sur l'ampleur des travaux de 408 000 francs facturés par la société Thibaut et sur le caractère professionnel de l'utilisation, par la société SEGD, de dépendances de l'habitation privée de M. X, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le montant de l'avantage taxé entre ses mains devrait être ramené à la valeur de 100 000 francs et que l'ensemble des travaux facturés par la société Eurosite ne serait pas un avantage occulte au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts ; que si M. X soutient que l'avantage représenté par l'installation d'une salle de bains devrait être diminué de moitié dans la mesure où la société Bocquet en aurait installé, non pas une seule à son domicile, mais une seconde chez le représentant d'une entreprise cliente de la société SEGD, cette allégation est, comme le fait valoir l'administration, contredite par l'entreprise Bocquet qui a déclaré dans le cadre de l'information judiciaire que l'ensemble des frais facturés par elle correspondaient à des travaux réalisés au domicile du contribuable ; que, par suite, le service établit l'existence d'un avantage procuré à l'intéressé ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X soutient que l'administration n'apporte pas la preuve de l'utilisation, à des fins exclusivement privées, de l'utilisation d'une carte de paiement de frais de carburant délivrée par la société SEGD ; que, toutefois, le service fait valoir qu'aucune comptabilisation de ces dépenses de carburant n'apparaît dans les écritures de l'entreprise, qu'elles n'ont pas été déclarées comme avantages en nature, et que M. X a reconnu le 21 octobre 2002, dans le cadre de l'information judiciaire, s'être approprié une des cartes dites « hors parc » destinées à être utilisées seulement en cas de panne d'un véhicule ; qu'eu égard à ces éléments, et en l'absence de toute précision sur la part des déplacements effectués à titre professionnel par l'intéressé, l'administration, qui ajoute que les dépenses de déplacements du contribuable étaient par ailleurs remboursées sur justificatifs, apporte la preuve que l'ensemble des frais de carburant payés avec cette carte constituent des avantages taxables comme revenus distribués ; que, pour les mêmes motifs, l'administration apporte la preuve de ce que les frais de location d'un véhicule Renault Espace pris en charge par la société SEGD sous la rubrique « location de véhicules utilitaires » ont conféré un avantage au requérant ; qu'aucun élément du dossier ne permet de vérifier que des indemnités dites d'allocation forfaitaire que lui versait la société SEGD avaient un objet différent des sommes qu'il percevait par ailleurs en remboursement de ses frais de déplacements calculés par application du barème administratif ; que, par suite, l'administration était en droit de regarder les indemnités en litige, en tant qu'elles excédaient la part des frais de déplacements, comme autant d'avantages imposables sur le fondement de l'article 111-c) du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration fait valoir que M. X a reconnu dans le cadre de l'information judiciaire avoir fait prendre en charge par la société SEGD des dépenses de restaurant pour des repas pris avec son épouse ou avec d'autres invités, que l'entreprise l'a désigné comme le bénéficiaire exclusif de ces dépenses qu'elle a d'ailleurs qualifiées de somptuaires et injustifiées au cours de l'enquête de gendarmerie et que les notes de restaurant comptabilisées par l'entreprise ne mentionnaient pas le nom des clients prétendument invités ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, le service justifie du caractère personnel de l'avantage procuré à M. X par la société SEGD ; qu'en se bornant à affirmer que l'interlocuteur départemental aurait estimé à tort que seulement 10 % des dépenses de restaurant en litige revêtaient un caractère professionnel, le contribuable n'est pas fondé à soutenir que cette proportion devrait être inversée et que 90 % des frais avaient été engagés dans l'intérêt de l'entreprise et non dans le sien propre ; que les autres sommes demeurant en litige remboursées à M. X au cours de l'année 2000 pour l'achat de divers cadeaux et de billets de match de football sans indication de leurs bénéficiaires réels présentent également la nature d'avantages imposables ;

Considérant, en dernier lieu, que par sa proposition de rectification du 2 août 2004, le vérificateur avait imposé entre les mains de M. X les dépenses de chasse prises en charge par la société SEGD sur le fondement des dispositions précitées du e) de l'article 111 du code général des impôts ; que l'administration fait valoir au contentieux en invoquant cette fois les dispositions de l'article 111-c) du code général des impôts que le gérant de la société de chasse Maison forestière de Germaine a déclaré dans le cadre de l'information judiciaire que la souscription d'actions de chasse par la société SEGD ne correspondait à aucune réalité professionnelle ; que cette appréciation est corroborée par les déclarations de M. X lui-même qui a indiqué avoir participé à des parties de chasse en dehors de tout intérêt professionnel et que la société SEGD a également contesté l'aspect professionnel de ces dépenses ; que, ce faisant, le service établit que la prise en charge de ces dépenses par la société SEGD a procuré un avantage au requérant au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'en faisant valoir que M. X, qui disposait d'une délégation de pouvoirs très étendue au sein de la société SEGD, avait sciemment participé aux opérations comptables ayant conduit aux distributions litigieuses dont il est l'exclusif bénéficiaire, l'administration, qui n'était pas tenue de motiver séparément chaque avantage analysé, établit la mauvaise foi de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille, qui a répondu à l'ensemble de ses moyens et n'a pas inversé la charge de la preuve à son détriment, a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Régis X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

N°08DA00184 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA00184
Date de la décision : 21/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP FIDELE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-08-21;08da00184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award