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09/10/2008 | FRANCE | N°08DA00650

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 octobre 2008, 08DA00650


Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mehdi X, élisant domicile chez son conseil, Pôle juridique, 69 rue Jules Watteeuw à Roubaix (59100), par Me Clément ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800228, en date du 16 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2008 du préfet de l'Oise prononçant à son égard une mesure de reconduite à la f

rontière et désignant la Tunisie comme pays de destination de cette mesure ...

Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mehdi X, élisant domicile chez son conseil, Pôle juridique, 69 rue Jules Watteeuw à Roubaix (59100), par Me Clément ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800228, en date du 16 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2008 du préfet de l'Oise prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et désignant la Tunisie comme pays de destination de cette mesure et de l'arrêté du même jour décidant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté de reconduite à la frontière et la désignation de la Tunisie comme pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, dont les motifs ne mentionnent ni la date de son entrée en France, en 2001, ni la durée de son séjour, soit près de sept ans, ni les circonstances qui lui ont permis de demeurer dans ce pays et qui militent en faveur d'une régularisation, est insuffisamment motivé ; que le premier juge a relevé à juste titre que l'arrêté attaqué était entaché d'erreur de droit, compte tenu de ce que cette mesure était fondée sur une entrée irrégulière de l'exposant sur le territoire français, alors qu'il a pu établir être entré sous couvert d'un visa Schengen en cours de validité ; que, cependant, le premier juge n'a pu à bon droit procéder comme il l'a fait à une substitution de base légale, dès lors que rien n'établissait que l'arrêté critiqué aurait pu être pris en vertu du même pouvoir d'appréciation sur le fondement du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il établit résider en France de manière continue depuis 2001, soit depuis près de sept années ; qu'il justifie d'attaches privées et familiales stables sur le territoire français et y a noué des liens amicaux et sociaux ; que les attestations versées au dossier témoignent de la réalité et de la stabilité de ces attaches ; que l'arrêté attaqué a donc porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnu ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté comporte, compte tenu du développement et de la fixation de ses attaches privées et familiales en France et de son isolement dans son pays d'origine, des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa situation personnelle ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance, en date du 16 juin 2008, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 31 juillet 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'il a pu être procédé sans erreur de droit à la substitution de base légale opérée à juste titre par le premier juge ; que M. X n'a été privé à cette occasion d'aucune garantie procédurale ; que l'ancienneté du séjour de l'intéressé en France ne saurait avoir pour effet de le faire sortir du champ d'application du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. X est célibataire et sans enfant à charge ; qu'il n'a ainsi constitué aucune vie familiale sur le territoire français et n'allègue pas que des membres de sa famille seraient établis en France ; que, dans ces circonstances, malgré la durée du séjour de M. X et eu égard aux conditions de ce séjour, ledit arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; que la circonstance que ce dernier travaille n'est pas à elle seule de nature à faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise ; que M. X ne remplit aucune des conditions posées par l'accord franco-tunisien, modifié, pour prétendre de plein droit à une admission au séjour ; qu'enfin, la désignation du pays de renvoi est légale et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, dès lors que M. X ne conteste pas être de nationalité tunisienne et n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans ce pays ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;

Considérant que, par arrêté en date du 12 janvier 2008, le préfet de l'Oise a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant tunisien, et a décidé que l'intéressé devait être reconduit vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout pays dans lequel il serait légalement admissible, en se fondant sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que si M. X n'avait pu justifier être entré en France muni du visa requis, ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, il est cependant apparu en cours d'instruction devant le tribunal administratif que l'intéressé était entré en France muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour en cours de validité ; que, dans ces conditions, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a relevé d'office, pour rejeter, par jugement en date du 16 janvier 2008, la demande de M. X, que l'arrêté attaqué pouvait être légalement fondé sur les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du même code, qui visent le cas de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; que M. X forme appel de ce jugement ;

Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent notamment, sous le visa du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituaient le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise par le préfet de l'Oise à l'égard de M. X, nonobstant la circonstance que le fondement légal de cette mesure a ensuite été modifié par le juge ; qu'eu égard à ce qui précède, et alors même que ces motifs ne mentionnent pas la date de l'entrée de l'intéressé en France, ni la durée de son séjour et ne font pas état des conditions dans lesquelles il a vécu et travaillé sur le territoire français, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées par les dispositions susmentionnées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que si M. X est entré en France au cours de l'année 2003 sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour, il s'est maintenu sur le territoire national au-delà de la durée de validité de ce visa et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait ainsi, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au préfet de l'Oise de décider sa reconduite à la frontière ; que le premier juge a pu à bon droit substituer d'office ce fondement légal aux dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile initialement retenues par le préfet de l'Oise pour fonder la mesure de reconduite à la frontière contestée, dès lors que cette substitution de base légale n'a eu pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose, contrairement à ce que se borne à alléguer le requérant, du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que si M. X, qui est entré en France, ainsi qu'il a été dit, au cours de l'année 2003, fait état de ce que ses attaches privées et familiales seraient désormais fixées en France, où il a noué de nombreuses relations amicales et sociales, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'intéressé est célibataire et sans enfant ; que M. X n'établit pas, en outre, par ses seules allégations être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et eu égard notamment aux conditions du séjour de M. X, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, malgré les relations amicales et sociales qu'il a tissées en France et les possibilités d'insertion professionnelles qui seraient les siennes, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, ledit arrêté n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation, par voie de conséquence, de la désignation de la Tunisie comme pays de renvoi et celles aux fins d'injonction assortie d'astreinte qu'il présente doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mehdi X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N°08DA00650 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00650
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-09;08da00650 ?
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