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14/10/2008 | FRANCE | N°08DA00453

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 14 octobre 2008, 08DA00453


Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

7 mars 2008 par télécopie et confirmées par courriers originaux le 13 mars 2008, présentées pour M. Djafer X et Mme Murnika épouse X, demeurant ..., par l'Association d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, En-Nih, Bonduel, Lebas ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0705502-0705503 du 12 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 17 juillet 2007 du préf

et du Nord leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixa...

Vu les requêtes, enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

7 mars 2008 par télécopie et confirmées par courriers originaux le 13 mars 2008, présentées pour M. Djafer X et Mme Murnika épouse X, demeurant ..., par l'Association d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, En-Nih, Bonduel, Lebas ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0705502-0705503 du 12 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 17 juillet 2007 du préfet du Nord leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant comme pays de destination celui dont ils ont la nationalité ou tout autre dans lequel ils établissent être légalement admissibles, d'autre part, à ce que le tribunal enjoigne audit préfet de leur délivrer une carte de séjour sous astreinte de 155 euros par jour de retard ou, à défaut, de les admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de leur situation dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et, enfin, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de leur délivrer un titre de séjour temporaire dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à leur conseil la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Ils soutiennent que le préfet, qui ne se prononce pas sur leur droit au séjour, ne pouvait prendre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour datée du 23 juin 2005 sans méconnaître les dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de motivation dès lors que le préfet s'est borné à viser l'article L. 511-1 dudit code sans en rappeler les termes, et sans isoler de manière didactique ladite disposition dans une partie du corps de son arrêté spécifiquement relatif à la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, sur le plan de la légalité externe, cette décision viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que « l'extrême pauvreté, la discrimination dans les écoles et l'absence de programmes réellement intégrateurs et multiculturels privent les enfants de la communauté Roms de leur droit à l'éducation » ; que l'état de santé des deux enfants grièvement brûlés lors de l'incendie de leur caravane nécessite la continuité de soins importants qui ne pourront leur être prodigués dans leur pays d'origine ; que ladite décision portant obligation de quitter le territoire est encore entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la famille est intégrée en France où ils vivent depuis plus de quatre ans et sont sédentarisés, que leurs enfants ont été scolarisés à compter de la rentrée de septembre 2006, que leur fils décédé dans l'incendie de leur caravane est enterré dans la région, que la famille est dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, qu'ils sont dans l'impossibilité de recréer leur vie familiale dans leur pays d'origine, que la famille pouvait bénéficier de la possibilité de bénéficier d'un titre de séjour pour raisons humanitaires ; qu'enfin, ladite décision viole l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la seule mention de « retour dans son pays d'origine ou celui de son choix où il est effectivement admissible » ne suffit pas à regarder comme désignant le pays de renvoi ; que, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, ils soutiennent que l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour entraîne ipso facto la nullité de la décision obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois lié à la décision au regard du droit au séjour et de la décision fixant le pays de destination ; que cette décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, aucune mention du pays de destination ne figure dans le dispositif ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision en date du 21 janvier 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. et Mme X le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2008, présenté pour M. et Mme X, concluant aux mêmes fins que leurs requêtes ; ils soutiennent que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que les trois enfants scolarisés fournissent un travail de qualité et obtiennent des résultats plus qu'honorables ; que lesdites décisions violent, en outre, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'état de santé de M. X nécessite un traitement dont l'interruption risquera d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les pathologies dont il souffre ne peuvent être prises en charge dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2008, présenté par le préfet du Nord, concluant au rejet de la requête ; il soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est bien fondée en droit et est conforme aux prescriptions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'avait pas à subordonner sa décision au dépôt d'une demande de titre ; que les dispositions de l'article L. 511-1-I n'ont pas été méconnues ; que l'étude de la demande a bien été étudiée au regard de tous les cas de délivrance prévus par ledit code et que l'absence de visa de tous les articles utilisés ne saurait être considérée comme une erreur de droit ; que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est parfaitement motivée ; qu'elle n'est entachée ni d'une erreur de droit, ni d'un détournement de procédure ; qu'elle ne viole pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'entrée des requérants en France ne présente pas un caractère ancien ; qu'ils ne démontrent pas être isolés dans leur pays d'origine ; que la circonstance qu'ils soient accompagnés de leurs onze enfants, dont deux ont été blessés suite à l'incendie de leur caravane, ne fait pas obstacle à ce que la vie de famille se reconstitue dans le pays d'origine ; que chacun des deux époux a fait l'objet chacun d'un arrêté préfectoral portant refus de séjour et invitation à quitter le territoire auxquels ils n'ont pas déféré ; qu'il n'est nullement prouvé que la vie familiale ne puisse se poursuivre dans le pays dans lequel ils ont habituellement vécu ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse,

président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Antoine Mendras, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X, ressortissants monténégrins, déclarent être entrés en France le 11 août 2003 accompagnés de leurs sept enfants ; qu'ils ont sollicité le bénéfice de l'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui leur a été refusé par deux décisions du 31 octobre 2003, confirmées par la Commission des recours des réfugiés le 2 juin 2005 ; que, par deux arrêtés en date du 23 juin 2005, le préfet du Nord a procédé au retrait de leur récépissé de demandeurs d'asile valant autorisation provisoire de séjour et les a invités à quitter le territoire ; qu'interpellés le 25 juin 2007, le préfet du Nord leur a fait obligation respectivement, par deux arrêtés en date du 17 juillet 2007, de quitter le territoire français et a décidé qu'ils seraient reconduits à destination du pays dont ils ont la nationalité ou de tout pays dans lequel ils établissent être légalement admissibles ; que M. et Mme X relèvent appel du jugement en date du 12 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a refusé de faire droit à leurs demandes d'annulation de ces arrêtés ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) / L'étranger dispose pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet ne peut rendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir, dans la même décision, refusé, de manière explicite, un titre de séjour ;

Considérant que les arrêtés attaqués du 17 juillet 2007 par lesquels le préfet du Nord a fait obligation à M. et Mme X de quitter le territoire français, s'ils font référence, dans leurs motifs, à l'invitation à quitter le territoire français qui leur a été notifiée le 1er juillet 2005 et indiquent que les requérants ne justifient pas entrer dans l'un des cas prévus au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire ou une carte de résident, ne comportent, en revanche, dans leurs dispositifs, aucune décision se prononçant expressément sur le droit au séjour des intéressés et se bornent à faire référence à une précédente décision de refus de séjour ; que, par suite, M. et Mme X sont fondés à soutenir que les décisions du préfet du Nord faisant obligation à chacun d'entre eux de quitter le territoire français, qui ne sont assorties d'aucun refus de titre de séjour, sont dépourvues de base légale et à demander pour ce motif l'annulation ensemble desdites décisions et du jugement du Tribunal administratif de Lille rejetant leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique que soit délivrée à l'étranger une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer à M. et Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur leur droit au séjour ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, dès lors que M. et Mme X ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur avocat, Me Thiéffry, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 0705502-0705503 du Tribunal administratif de Lille du

12 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : Les décisions du 17 juillet 2007 du préfet du Nord faisant obligation à

M. et Mme X de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. et Mme X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit, à nouveau, statué sur leur droit au séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Thiéffry, avocat des époux X, la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Djafer X, à Mme Murnika épouse X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°08DA00453 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00453
Date de la décision : 14/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Antoine Mendras
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : AVOCATS DU 37

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-14;08da00453 ?
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