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25/11/2008 | FRANCE | N°08DA00418

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 25 novembre 2008, 08DA00418


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abdelkader X, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602644-0702464 du 18 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

27 septembre 2006 par laquelle le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision du 17 septembre 2007 par laquelle ce même préfet a refusé de lui délivre

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Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abdelkader X, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602644-0702464 du 18 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

27 septembre 2006 par laquelle le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision du 17 septembre 2007 par laquelle ce même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme, sous astreinte de 25 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

Il soutient que les décisions dont l'annulation est demandée sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences excessives sur sa situation personnelle alors qu'il a établi en France depuis plusieurs années le centre de ses intérêts, faute de pouvoir retourner dans son pays d'origine ; que l'autorité administrative n'est pas liée par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou par la Commission des recours des réfugiés (CRR) sur les faits allégués par le demandeur d'asile ; que l'autorité administrative reste tenue de vérifier que les mesures qu'elle prend ne comportent pas des conséquences manifestement excessives sur la situation personnelle de l'intéressé eu égard aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, sur ce point, les risques n'ont pas été suffisamment pris en compte dans la mesure où la première décision de l'Office s'appuie principalement sur l'absence de présentation personnelle de l'exposant alors qu'il n'avait pas reçu sa convocation en temps utile et n'a pu donc faire valoir ses droits, ni exercer les recours en temps utile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi sur réexamen, a rejeté la nouvelle demande en la déclarant irrecevable au motif que les faits soutenus n'avaient pas le caractère de faits nouveaux ; que le récit de l'exposant est pourtant suffisamment précis et circonstancié ; qu'il a été la cible d'attaques terroristes ; que, s'agissant de la situation personnelle et familiale de l'exposant, le préfet a indiqué dans sa décision du 17 septembre 2007 que ses parents vivaient en Algérie alors qu'ont été produits leurs actes de décès ; que les décisions de 2006 et 2007 sont rédigées en termes identiques avec mention que les parents de l'exposant vivent encore en Algérie ; que le préfet s'est donc appuyé sur des éléments erronés pour fonder sa décision ; que l'absence d'examen réel et sérieux des éléments de fait de la situation personnelle de l'exposant caractérise l'erreur manifeste d'appréciation ; que l'exposant n'a plus d'attaches dans son pays après le décès successif de ses parents ; qu'il ne peut retourner dans son pays où il ne peut exercer librement son métier et où il ne dispose d'aucune ressource et d'aucun logement ; que, depuis son arrivée sur le territoire français, l'exposant, qui est parfaitement francophone, est parvenu à s'intégrer ; qu'il a désormais reconstitué le centre de ses intérêts sur le territoire français ; que son état de santé justifie son maintien en France puisqu'à défaut de logement en Algérie et de ressources, il n'aurait aucune possibilité d'accès effective au traitement ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision en date du 31 mars 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu la mise en demeure adressée le 3 octobre 2008 au préfet de la Somme, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse,

président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, de nationalité algérienne, est entré en France le 22 janvier 2004, muni d'un visa court séjour et a sollicité l'asile politique le 5 avril 2004 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande le 1er septembre 2004 ; que M. X a déposé une demande de titre de séjour en septembre 2005 en raison de son état de santé ; que M. X relève appel du jugement en date du 18 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Somme en date du

27 septembre 2006 lui refusant son admission au séjour et, d'autre part, de l'arrêté du préfet de la Somme en date du 17 septembre 2007, refusant à nouveau son admission au séjour et assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité des décisions de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968, modifié : « (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un avis émis le 4 mai 2006, le médecin inspecteur de la santé publique, consulté par le préfet de la Somme sur la demande formée par M. X, a estimé que les problèmes de santé de l'intéressé pouvaient faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'en se bornant à alléguer qu'il ne pourrait pas effectivement avoir accès à ces soins sans assortir ce moyen des précisions permettant de l'apprécier, le requérant n'établit pas que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que

M. X est célibataire et sans enfant ; que l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie, pays où il a résidé jusqu'à l'âge de trente ans ; que la circonstance que le préfet aurait commis une erreur matérielle dans les deux décisions attaquées en indiquant que ses parents étaient en vie alors qu'il est établi qu'ils sont décédés en 2003, n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à avoir eu un caractère substantiel dans l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ; que, dans ces conditions, alors même que M. X serait bien inséré notamment à la société française, le refus de séjour attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ledit refus de séjour n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle du requérant ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions de refus d'admission au séjour qui, par elles-mêmes, n'impliquent pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;

Sur la légalité de la décision du 17 septembre 2007 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine » ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : « L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 » ; qu'aux termes de l'article

R. 313-22 du même code : « (...) Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) » ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il souffre de problèmes de santé nécessitant un traitement et des soins dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément permettant d'établir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Somme a, en prononçant la mesure d'obligation de quitter le territoire français en litige, méconnu les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme se serait cru lié par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de sa situation avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ; que si M. X fait valoir qu'il n'a pas reçu de convocation à l'audience de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en temps utile et n'a donc pu faire valoir ses droits, ce fait, à le supposer établi, est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement qu'il conteste qui fait suite à une demande de titre de séjour présentée en tant qu'étranger malade et non en qualité de réfugié ; que s'il soutient, par ailleurs, que l'activité de commerçant ambulant puis de libraire qu'il exerçait en Algérie l'exposait à être victime de rackets et que des membres de sa famille auraient été victimes d'actions terroristes, il ne justifie pas, par ces allégations qui sont dépourvues de toute précision, que son retour dans ce pays l'exposerait à subir des peines ou traitements inhumains ou dégradants proscrits par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. X ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelkader X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Somme.

N°08DA00418 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA00418
Date de la décision : 25/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-11-25;08da00418 ?
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