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17/09/2009 | FRANCE | N°08DA01268

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 17 septembre 2009, 08DA01268


Vu, I, sous le n° 08DA01268, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 6 août 2008, présentée pour la SOCIETE DELMAS, dont le siège est 1 quai Colbert, BP 7007X au Havre Cedex (76080), représentée par son président-directeur général en exercice, par la SELARL Depinay, Lahami ; la SOCIETE DELMAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702728 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser au Port autonome du Havre la somme de 3 149 562,15 euros avec intérêts au taux légal à compter

du 18 octobre 2007 ;

2°) de recevoir ses appels en déclaration de jugeme...

Vu, I, sous le n° 08DA01268, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 6 août 2008, présentée pour la SOCIETE DELMAS, dont le siège est 1 quai Colbert, BP 7007X au Havre Cedex (76080), représentée par son président-directeur général en exercice, par la SELARL Depinay, Lahami ; la SOCIETE DELMAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702728 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser au Port autonome du Havre la somme de 3 149 562,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007 ;

2°) de recevoir ses appels en déclaration de jugement commun ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE DELMAS soutient que le jugement de première instance est irrégulier dans la mesure où il n'a pas donné suite à sa demande d'appel en déclaration de jugement commun dirigée contre le port autonome ; qu'à l'audience, les premiers juges ont entendu des observations orales présentées par un représentant du Port autonome du Havre qui n'était pas partie au litige ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur des moyens contestant à la domanialité publique du portique endommagé ; qu'en tout état de cause le portique n° 725 ne peut être assimilé à un immeuble susceptible de faire l'objet d'une contravention de grande voirie ; que l'Etat ne peut lui demander de remettre en état un engin déjà détruit et vendu avant la rédaction du procès-verbal de contravention de grande voirie ; que l'administration du port autonome est fautive en n'ayant pas suffisamment balisé le portique alors en arrêt technique, ce qui constitue un motif d'exonération de réparation du dommage ; que le rapport d'expertise ayant servi de référence à l'évaluation du montant des dommages est irrégulier, le sapiteur choisi par l'expert étant partie prenante dans le démantèlement de l'installation ; que les sommes demandées pour remettre en état le portique sont anormales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2008, présenté par le préfet de la Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la SOCIETE DELMAS à verser au Port autonome du Havre une somme de 3 663 738,10 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007 et de mettre à la charge de la SOCIETE DELMAS une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le préfet soutient que le portique endommagé est bien une dépendance du domaine public ; que la collision entre un des navires de la SOCIETE DELMAS et le portique n° 725, survenue le 4 juillet 2003, résulte d'une erreur d'appréciation du capitaine de ce navire et non d'une faute de l'administration ; que la somme demandée correspond bien au montant nécessaire pour remettre en état le portique n° 725 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté pour la SOCIETE DELMAS, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ses précédentes écritures ; la SOCIETE DELMAS soutient que les demandes reconventionnelles présentées par l'Etat sont irrecevables dans le contentieux de la grande voirie ; qu'au regard des dispositions du code général de la propriété publique le portique ne peut relever du domaine public ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2009, présenté pour la SOCIETE DELMAS ; elle persiste dans ses précédentes conclusions ;

Vu l'ordonnance en date du 18 mars 2009 portant clôture de l'instruction au 20 avril 2009 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre s'approprie les conclusions présentées par le préfet de la Seine-Maritime ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 avril 2009, présenté pour la SOCIETE DELMAS, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 17 avril 2009 et confirmé par la production de l'original le 24 avril 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ; le ministre soutient que la procédure n'a pas porté atteinte au principe du contradictoire, ni au respect des droits de la défense, toutes les pièces produites ont été portées à la connaissance du requérant ; qu'il était possible pour le tribunal administratif d'entendre lors de l'audience un représentant du Port autonome du Havre ; que la mise en oeuvre du code général de la propriété des personnes publiques n'a pas mis fin au régime de la contravention de grande voirie ; que le portique endommagé fait bien partie du domaine public portuaire ;

Vu l'ordonnance de réouverture d'instruction du 27 avril 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2009, présenté pour la SOCIETE DELMAS, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; la SOCIETE DELMAS soutient que le Port autonome du Havre n'était pas partie à l'audience devant le tribunal administratif, son représentant ne pouvait présenter devant les premiers juges des observations ainsi qu'il l'a fait et qu'il ressort de plus des termes du jugement que ce dernier n'a pas répondu à une demande d'explication du Tribunal ; que l'Etat n'ayant pas fait appel dans le délai imparti ne peut présenter des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la SOCIETE DELMAS à verser une somme de 3 633 738,10 euros ;

Vu, II, sous le n° 08DA02085, la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 22 décembre 2008, présentée pour la SOCIETE DELMAS, dont le siège est 1 quai Colbert, BP 7007X au Havre Cedex (76080), représentée par son président-directeur général en exercice, par la SELARL Depinay, Lahami ; la SOCIETE DELMAS demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0702728 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser au Port autonome du Havre la somme de 3 149 562,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007 ;

La SOCIETE DELMAS soutient que des moyens sérieux existent pour demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Rouen, notamment l'irrégularité du jugement suite à l'audition à la barre d'un représentant du Port autonome du Havre qui n'était pas partie au litige ; que les premiers juges se sont mépris sur l'appartenance du portique endommagé au domaine public ; qu'elle risque de perdre définitivement une somme qui ne devrait pas rester à sa charge en cas d'annulation du jugement ; que le versement d'une telle somme aurait des conséquences difficilement réparables pour les comptes de la société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 janvier 2009, présenté pour le Grand port maritime du Havre, dont le siège est Terre-plein de la Barre, BP 1413 au Havre Cedex, représenté par son directeur général en exercice, par la SCP Dubosc, Preschez, Chanson, Missoty, Morel, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE DELMAS la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le Grand port maritime du Havre soutient que le jugement du tribunal administratif n'est pas irrégulier, les premiers juges avaient tout le loisir d'entendre son représentant présent à l'audience pour obtenir des éclaircissements complémentaires ; que les dispositions du code général de la propriété publique ne dérogent pas aux dispositions anciennes du code des ports maritimes sur l'appartenance des engins de manutentions portuaires au domaine public ; que la collision ne peut être imputée à une faute de l'administration portuaire ; que la SOCIETE DELMAS ne peut invoquer un risque de perte définitive de la somme à laquelle elle a été condamnée en première instance en cas d'annulation de ce jugement, le Grand port maritime du Havre étant, en tant qu'établissement public de l'Etat, solvable ; que le paiement d'une telle somme pour la SOCIETE DELMAS ne devrait pas présenter de difficulté, son assureur l'ayant garantie pour ce dommage pour une somme supérieure à celle à laquelle elle a été condamnée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2009, présenté par le préfet de la Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE DELMAS une somme de 3 000 euros au profit du Grand port maritime du Havre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le préfet se prévaut des mêmes moyens que ceux analysés dans le mémoire en intervention du Grand port maritime du Havre ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2009, présenté pour la SOCIETE DELMAS, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 18 mars 2009 portant clôture de l'instruction au 20 avril 2009 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre s'approprie les conclusions présentées par le préfet de la Seine-Maritime à l'exception de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative auxquelles il renonce ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2009 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 24 avril 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que les affirmations de la requérante sur l'urgence de suspendre le jugement du tribunal administratif en raison de sa situation financière sont peu crédibles compte tenu des garanties présentées par son assureur ; que les pièces et documents demandés par la requérante ont été produites ; que les moyens de la requérante, en l'état de l'instruction, ne présentent pas un caractère sérieux ;

Vu l'ordonnance de réouverture d'instruction du 27 avril 2009 ;

Vu la note en délibéré en date du 2 juillet 2009 et son complément enregistré par télécopie le 3 juillet 2009 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer ;

Vu le décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code civil ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Lahami, pour la SOCIETE DELMAS ;

Considérant que les requêtes nos 08DA01268 et 08DA02085 de la SOCIETE DELMAS présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 08DA01268 :

Considérant que le 4 juillet 2003 le navire de commerce Roland Delmas , propriété de la SOCIETE DELMAS, a heurté lors d'une manoeuvre dans le Grand port maritime du Havre, lequel s'est substitué au Port autonome du Havre, le portique de manutention de conteneurs n° 725 situé sur le quai de Bougainville, lequel a été gravement endommagé puis démantelé par la suite ; que, le 4 avril 2007, un commandant de port adjoint a dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie transmis par le préfet de la Seine-Maritime le 18 octobre 2007 au Tribunal administratif de Rouen, qui, par jugement en date du 10 juillet 2008, a condamné la SOCIETE DELMAS à payer au Port autonome du Havre la somme de 3 149 562,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007 ; que la SOCIETE DELMAS relève appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques : Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. ; qu'aux termes de l'article L. 2111-6 du même code : Le domaine public maritime artificiel est constitué : / 1° Des ouvrages ou installations appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui sont destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime ; / 2° A l'intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transversale de la mer, appartenant à l'une des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 et concourant au fonctionnement d'ensemble des ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d'eau lorsqu'ils sont individualisables ; qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative ; qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code des ports maritimes : L'administration des ports maritimes de commerce, dont l'importance le justifie, est confiée à des organismes dénommés ports autonomes créés par décret en Conseil d'Etat. / Les ports autonomes sont des établissements publics de l'Etat, dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placés sous la tutelle du ministre chargé des ports maritimes et soumis au contrôle économique et financier de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article L. 331-1 du même code : Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à la conservation du domaine public des ports maritimes constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues au présent chapitre. / Ont compétence pour constater les contraventions en matière de grande voirie prévues par le présent livre et les textes pris pour son application : / 1° Les officiers de port et officiers de port adjoints (...) ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles précités du code général de la propriété des personnes publiques et du code des ports maritimes, et notamment de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, que le portique n° 725 constitue un bien domanial en tant qu'accessoire indispensable à l'exploitation du port autonome et ce, nonobstant son caractère mobilier ; que l'atteinte portée à ce bien est constitutive d'une contravention de grande voirie, dont la juridiction administrative est seule compétente pour en connaître et pour déterminer les frais de remise en état du domaine public ;

Considérant que si le portique n° 725 était loué à une société privée, cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la compétence de la juridiction administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres causes d'irrégularité soulevées :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, les parties peuvent présenter soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. Le président a la faculté de leur retirer la parole si elles ne sont pas en mesure de discuter leur cause avec la modération ou la clarté requises. / La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications. / Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des énonciations du jugement attaqué, d'une part, que l'agent du Port autonome du Havre, qui est intervenu à l'audience du tribunal administratif, n'était pas habilité à représenter le préfet de la Seine-Maritime et, d'autre part, que le Port autonome du Havre, partie à l'instance, n'avait pas présenté de conclusions écrites devant le Tribunal administratif de Rouen ce qui interdisait à son représentant de prendre la parole à l'audience ; qu'il n'est pas soutenu que l'audition de celui-ci aurait été souhaitée par une partie régulièrement représentée ; que, par suite, la SOCIETE DELMAS est fondée à soutenir que le jugement du 10 juillet 2008 a été rendu en méconnaissance des dispositions susrappelées du code de justice administrative et doit donc être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de la Seine-Maritime devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Sur l'appel en déclaration de jugement commun :

Considérant que seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement ; que le Port autonome du Havre étant partie à la présente instance, ne peut être regardé comme tiers aux parties en cause dans ladite instance ; que, par suite, les conclusions de la SOCIETE DELMAS tendant à ce que l'arrêt soit déclaré commun au Port autonome du Havre ne sont pas susceptibles d'être accueillies ;

Sur l'action publique :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 ; qu'il résulte des dispositions dudit article 7 que le délai de prescription a pour point de départ le dernier acte d'instruction ou de poursuite ; que l'infraction relevée à l'encontre de M. A, capitaine du Roland Delmas , a été commise le 4 juillet 2003 alors que le procès-verbal de contravention de grande voirie n'a été dressé que le 4 avril 2007 ; qu'en application des dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale, l'action publique était alors prescrite ;

Sur l'action domaniale :

Considérant que la SOCIETE DELMAS ne pourrait être déchargée du paiement des travaux de remise en état du domaine public que si elle établit que le dommage est uniquement imputable à un cas de force majeure ou à une faute inexcusable de l'administration assimilable à son égard à un véritable cas de force majeure ; qu'il résulte du rapport d'expertise établi par M. B, expert désigné par ordonnance du Tribunal de commerce du Havre du 10 juillet 2003, lequel document a été communiqué aux parties et peut être retenu à titre d'élément d'information, que l'avant-bec du portique n° 725 était resté en position horizontale le 4 juillet 2003 en raison d'opérations de maintenance, alors qu'en l'absence d'activité de manutention cette partie de l'engin devait être relevée ; que cet état de fait était connu des opérateurs portuaires et notamment de la station de pilotage du port du Havre ; que le navire Roland Delmas se livrant à une manoeuvre d'évitage, sous les conseils d'un pilote du port, à proximité immédiate du portique n° 725, le capitaine de ce navire a apprécié inexactement la distance séparant la rampe arrière de celui-ci avec le portique ; que, par suite, la SOCIETE DELMAS n'établit pas que l'accident résulterait d'un cas de force majeure, ni d'aucune faute de l'administration assimilable à un cas de force majeure qui soit de nature à la dégager de la responsabilité encourue ;

Considérant que la répression des contraventions de grande voirie a pour seul objet d'assurer le respect de l'intégrité du domaine public ; que l'auteur d'une contravention de grande voirie n'est fondé à demander une réduction des frais mis à sa charge que dans le cas où le montant des dépenses engagées en vue de réparer les conséquences de la contravention révèle, par son caractère anormal, une faute lourde de l'administration ; que la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il en est ainsi en l'espèce ;

Considérant que la SOCIETE DELMAS allègue qu'en l'absence de réfection du portique endommagé et compte tenu de sa démolition ultérieure, l'Etat n'a exposé aucun frais pour remettre en état cet ouvrage ; que cette démolition ultérieure du portique, intervenue avant l'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie, est sans incidence sur la régularité des poursuites ainsi que sur le droit aux frais de remise en état du domaine, en l'espèce, la réparation du portique n° 725 et uniquement celle-ci ;

Considérant que les frais de réparation du portique n° 725 ont été évalués par une entreprise spécialisée à la somme de 3 149 562,15 euros ; que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à demander que soient ajoutés à cette somme un devis complémentaire d'un montant de 284 910 euros qui n'est assorti d'aucune justification, les frais de surveillance et de suivi d'un montant de 32 848,76 euros occasionnés par les opérations de mise en sécurité et de démantèlement du portique n° 725, le coût de cette mise en sécurité estimé à 142 986,76 euros, les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal de commerce ainsi que les frais de procédure de référé engagés par le Port autonome du Havre devant ce Tribunal dont le montant total s'élève à la somme de 23 410,10 euros et qui ne se rapportent pas à la remise en état du domaine ; que la SOCIETE DELMAS est fondée à demander que soient déduits de la somme de 3 149 562,15 euros une somme de 149 979,15 euros relative à la prise en charge d'aléas ainsi que la somme de 27 533 euros relative à la location de terre-plein dont il n'est pas établi qu'elles correspondraient à des frais nécessaires à la remise en état du domaine ; que la SOCIETE DELMAS ne démontre pas, par ses seules affirmations, que la réparation du portique n° 725 ne nécessiterait pas son démontage, son transfert et son remontage ; que la société requérante n'apporte pas d'éléments de nature à prouver que les frais de démantèlement, de remontage du portique, de transfert avant travaux, de création d'une voie provisoire, de peinture, de fourniture d'un ensemble d'axes, de fourniture d'un lest en béton, de pose d'un nouvel avant bec, des études de démontage et de remontage, de remise en état des boggies du portique, de réparation des accès et de la fourniture de diverses pièces mécaniques seraient inutiles ou exagérés ; qu'ainsi, l'Etat est fondé à demander que la SOCIETE DELMAS soit condamnée à verser au Port autonome du Havre une somme de 2 972 050 euros destinée à remettre en état le domaine public ;

Considérant que la SOCIETE DELMAS se prévaut de ce qu'elle a constitué un fond de limitation de responsabilité conformément aux dispositions des articles 58 à 69 de la loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer et des articles 59 à 87 du décret du 27 octobre 1967 pris pour son application ; qu'en tout état de cause, si cette circonstance fait obstacle à toute mesure d'exécution de la part du Port autonome du Havre à l'encontre de la SOCIETE DELMAS et impose à ce dernier de produire sa créance entre les mains du liquidateur du fond de limitation de responsabilité, en revanche, elle est sans incidence sur le montant des frais de remise en état du domaine public qu'il appartient au seul juge administratif de déterminer ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etat est fondé à demander la condamnation de la SOCIETE DELMAS à payer au Port autonome du Havre la somme de 2 972 050 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007, date du dépôt du déféré ;

Sur la requête n° 08DA02085 :

Considérant que la Cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la SOCIETE DELMAS tendant à l'annulation du jugement du 10 juillet 2008 du Tribunal administratif de Rouen, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête présentée par cette dernière tendant au sursis à exécution dudit jugement ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SOCIETE DELMAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'Etat et du Port autonome du Havre les frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 08DA02085.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 10 juillet 2008 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE DELMAS et du Port autonome du Havre est rejeté.

Article 4 : la SOCIETE DELMAS est condamnée à verser au Grand port maritime du Havre, lequel s'est substitué au Port autonome du Havre, la somme de 2 972 050 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DELMAS, au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer et au Grand port maritime du Havre

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

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Nos08DA01268,08DA02085 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01268
Date de la décision : 17/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL DEPINAY LAHAMI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-09-17;08da01268 ?
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