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29/10/2009 | FRANCE | N°08DA01087

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 29 octobre 2009, 08DA01087


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 15 juillet 2008, présentée pour la société SONOTER TP, dont le siège est situé 30 rue Jacques Monod, Zone Industrielle n° 1 Netreville à Evreux (27000), anciennement dénommée SARL Ambroise Lucas, par le Cabinet Jean-Louis Debré, SELARL avocats ; la société SONOTER TP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601637 du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat d'adduction en eau potable de production et de

distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure (SAEP), d'une part, à l'...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 15 juillet 2008, présentée pour la société SONOTER TP, dont le siège est situé 30 rue Jacques Monod, Zone Industrielle n° 1 Netreville à Evreux (27000), anciennement dénommée SARL Ambroise Lucas, par le Cabinet Jean-Louis Debré, SELARL avocats ; la société SONOTER TP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601637 du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure (SAEP), d'une part, à l'indemniser des conséquences dommageables de la rupture du marché qu'elle avait conclu avec le SAEP en lui versant la somme de 260 618,36 euros et, d'autre part, à verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le SAEP à lui verser les sommes de 80 150,12 euros au titre des factures impayées du 29 juin 2005 au 28 décembre 2005, de 611,82 euros au titre des intérêts moratoires sur les factures impayées du 29 juin 2005 du 7 décembre 2005 et de 179 856,42 euros au titre du manque à gagner sur la campagne 2006 et du préjudice économique ;

3°) de condamner le SAEP à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande en justice présentée par la société SONOTER TP est recevable dès lors que les prestations dont elle demande le paiement ont été effectuées alors que la résiliation était acquise et que les dispositions contractuelles ne trouvaient donc plus à s'appliquer ; que la société SONOTER TP demande que le SAEP soit condamné à lui régler les prestations qui ont été exécutées soit sur ordre de service verbal, soit sur ordre de service écrit et produit les pièces justifiant de l'exécution des prestations qu'elle a facturées ; qu'elle s'est heurtée, dans le cadre de l'exécution du marché, à des difficultés matérielles non prévues qui ont eu pour effet d'accroître ses charges, et en vertu de la théorie des sujétions imprévues, elle a droit à une indemnité ; que les prestations qu'elle a réalisées du 29 juin 2005 au 28 décembre 2005 étaient indispensables au bon fonctionnement du service et le SAEP en a tiré profit alors que la société SONOTER TP s'est appauvrie ; qu'il y a donc eu enrichissement sans cause du SAEP qui ne l'a pas mise en demeure de cesser ses prestations ; que le SAEP n'a pas respecté les règles applicables à la résiliation d'un marché public ; que la décision de résilier le marché doit être notifiée au titulaire du marché, conformément aux dispositions contractuelles et réglementaires régissant ledit marché ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2008, présenté pour le syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure (SAEP), dont le siège est situé 4 rue du Verger à Marcilly-la-Campagne (27320), par la SCP Baron, Cosse, Gruau, qui conclut au rejet de la requête de la société SONOTER TP et à sa condamnation à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le litige est apparu le 16 septembre 2005, date à laquelle le président du SAEP a informé la société Ambroise Lucas, devenue société SONOTER TP, que, du fait du refus de cette dernière de signer l'avenant n° 3 portant augmentation du montant du marché à hauteur de 22 %, il était dans l'impossibilité de payer les différentes factures dont le paiement était réclamé par la société ; que la société SONOTER TP n'a saisi le SAEP d'un mémoire en réclamation que par courrier recommandé du 3 mars 2006, soit bien après l'expiration du délai de 30 jours prévu par l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services ; que, comme l'a retenu le Tribunal administratif de Rouen, la demande de la société SONOTER TP est irrecevable ; que si la société SONOTER TP sollicite le paiement de factures impayées du 29 juin 2005 au 28 décembre 2005 pour un montant de 80 150 euros, un tel montant ne peut être dû dès lors qu'en vertu du contrat et de l'avenant n° 2, le montant mensuel des prestations ne pouvait excéder 6 006,80 euros par mois, soit pour la période considérée 36 040,82 euros ; qu'en outre, la société SONOTER TP ne rapporte la preuve de prestations effectuées que dans la limite de 5 917,49 euros, en ce qui concerne ce poste de préjudice ; que la société SONOTER TP est mal fondée à invoquer un enrichissement sans cause du SAEP alors qu'elle a pris le risque de poursuivre ses prestations en toute connaissance de la résiliation du marché, suite à son refus de signer l'avenant n° 3 et en l'absence de toute décision de poursuite du SAEP ; que la théorie des sujétions imprévues ne peut trouver à s'appliquer dès lors qu'elle suppose un bouleversement de l'économie du contrat ou des difficultés exceptionnelles d'exécution qui ne sont pas démontrées en l'espèce ; qu'en vertu de l'article 24 du cahier des clauses administratives générales applicable, la personne publique peut mettre fin à tout moment à l'exécution des prestations par une décision de résiliation du marché ; qu'en outre, il n'était pas nécessaire pour le SAEP de prononcer la résiliation du marché dès lors que le montant du marché était atteint ; que le SAEP est également fondé à contester le quantum de la demande présentée pour un montant de 179 856,42 euros ; que la société SONOTER TP sollicite le paiement des sommes qu'elle aurait perçues si elle avait exécuté le contrat jusqu'à son terme mais les sommes réclamées ne sont pas justifiées au regard du montant maximum du marché, soit 198 224,55 euros sur 33 mois ; que la société SONOTER TP ne peut solliciter le paiement de la totalité des sommes qui auraient dû lui être versées dès lors qu'elle n'a supporté aucune des charges correspondantes ; qu'elle pouvait tout au plus solliciter la marge bénéficiaire dont elle aurait été privée, en produisant tous les justificatifs comptables, ce qu'elle n'a pas fait ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2009, présenté pour la société SONOTER TP, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que les prestations dont elle se prévaut sont vérifiables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services annexé au décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, suite à un appel d'offres ouvert, la société SONOTER TP s'est vu attribuer, par le syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure, un marché pour la réalisation d'interventions sur le réseau de distribution d'eau potable des communes composant le syndicat, interventions consistant notamment en la relève annuelle des compteurs des abonnés, la réparation de fuites, la mise en place d'un service d'astreinte, la fourniture et la pose de compteurs domestiques ; que le marché, dont la durée était fixée à 33 mois, devait être exécuté du 1er avril 2004 au 31 décembre 2006 ; que le prix du marché, fixé initialement à la somme de 196 345,81 euros toutes taxes comprises, a été modifié par un avenant signé le 6 avril 2005 et fixé à la somme de 198 224,55 euros toutes taxes comprises pour prendre en compte l'augmentation du nombre annuel de relevés de compteurs ;

Considérant que, par un courrier du 21 juin 2005, la société SONOTER TP a informé le syndicat d'adduction que le montant du marché était sur le point d'être atteint et a sollicité la conclusion d'un nouvel avenant pour augmenter le montant du marché ; que le syndicat d'adduction a proposé à la société requérante une augmentation du montant du marché à hauteur de 22 %, mais cette dernière, estimant que le montant de l'augmentation n'était pas suffisant, a refusé la signature de cet avenant, par un courrier en date du 24 août 2005 ; que, le 16 septembre 2005, le président du syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution a informé la société requérante qu'en raison de son refus de signer l'avenant n° 3 au marché, il était dans l'impossibilité de régler de nouvelles prestations ;

Considérant que la requête de la société SONOTER TP, anciennement dénommée SARL Ambroise Lucas, est dirigée contre le jugement du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure (SAEP) à l'indemniser des conséquences dommageables de la rupture du marché qu'elle avait conclu avec le SAEP en lui versant les sommes de 80 150,12 euros au titre des factures impayées du 29 juin 2005 au 28 décembre 2005, de 611,82 euros au titre des intérêts moratoires sur les factures impayées du 29 juin 2005 au 7 décembre 2005 et de 179 856,42 euros au titre du manque à gagner sur la campagne 2006 et du préjudice économique ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services : Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. La personne responsable du marché dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ;

Considérant que, dès lors que le plafond prévu par le marché et les avenants régularisés était atteint, celui-ci était de plein droit achevé, sans que l'intervention d'une nouvelle décision administrative soit nécessaire pour le constater ; que, de ce fait, le litige portant sur une période postérieure au marché, les dispositions précitées de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales n'étaient plus applicables ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif d'Amiens, qui a estimé la demande irrecevable pour non respect desdites dispositions, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société SONOTER TP devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation du syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

Considérant que, dans la mesure où les prestations à l'origine du présent litige ont été réalisées hors du marché conclu, la société SONOTER TP n'est pas fondée à demander le paiement de celles-ci sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la théorie des sujétions imprévues, le moyen n'étant au demeurant pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

Considérant que, pendant que les discussions relatives à la signature d' un nouvel avenant se poursuivaient entre les parties, la société SONOTER TP a continué d'effectuer les prestations prévues au marché ; que le syndicat ne soutient ni qu'il n'en était pas informé, ni qu'il s'y serait opposé et, d'ailleurs, il résulte de ses écritures qu'au cours de cette période, il a délivré trois ordres de service en vue de faire réaliser certains travaux ; que, dans ces circonstances, la société requérante a pu à bon droit estimer, jusqu'à la réception de la lettre du 16 septembre 2005 évoquée ci-dessus, qu'elle était autorisée à poursuivre intégralement l'exécution des tâches prévues par son marché ;

Considérant que les prestations effectuées par la société requérante au cours des mois de juillet, août et septembre 2005, ont été utiles au syndicat ; que, toutefois, la société requérante qui est une professionnelle du secteur a pris le risque de poursuivre ses prestations en toute connaissance de cause, alors que les relations contractuelles entre les parties avaient cessé et ce notamment après avoir été informée de ce que le syndicat refusait de prendre en charge les dites prestations ; qu'il y a lieu en conséquence, de laisser à la charge de celle-ci 15 % de son préjudice ; que, par ailleurs, dans ces circonstances, la société requérante n'est pas fondée à demander que son bénéfice, lequel doit être évalué à 5 %, soit inclus dans son préjudice ;

Considérant que le montant total des factures produites s'élève à la somme globale de 80 150,12 euros ; que si le syndicat fait valoir que la société SONOTER TP a été négligente dans l'accomplissement de certaines de ses prestations, il ne conteste pas que lesdites factures correspondent à des prestations réellement effectuées ; que, par suite, la société requérante est donc fondée à demander que le syndicat soit condamné, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, à lui verser une somme de 64 721,22 euros ;

Considérant qu'en tout état de cause, compte tenu de ce que le contrat qui la liait au syndicat s'est achevé en juin 2005, la société requérante n'est pas fondée à demander que le syndicat lui verse une somme qu'elle qualifie de manque à gagner et qui correspondrait au coût des prestations qu'elle aurait dû réaliser au cours de l'année 2006 ;

Sur les intérêts :

Considérant que la société SONOTER TP a droit aux intérêts de la somme de 64 721,22 euros à compter du 7 mars 2006, jour de la réception par le syndicat de sa réclamation préalable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SONOTER TP est seulement fondée à demander la condamnation du syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure à lui verser, au titre de l'enrichissement sans cause, la somme de 64 721,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SONOTER TP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche au titre des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge, du syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société SONOTER TP et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er: Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 6 mai 2008 est annulé.

Article 2 : Le syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure est condamné à verser à la société SONOTER TP la somme de 64 721,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2006.

Article 3 : Le syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure versera à la société SONOTER TP une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SONOTER TP et au syndicat d'adduction en eau potable de production et de distribution du Plateau de Saint-André-de-l'Eure.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

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N°08DA01087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01087
Date de la décision : 29/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET JEAN-LOUIS DEBRÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-29;08da01087 ?
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