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25/03/2010 | FRANCE | N°09DA01664

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 25 mars 2010, 09DA01664


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Khalid A, demeurant ..., par Me Clément ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903469 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2009 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, d'autre part

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Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Khalid A, demeurant ..., par Me Clément ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903469 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2009 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, d'autre part, à ce que le Tribunal enjoigne audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous la même astreinte, enfin, à la condamnation de l'Etat à verser à Me Clément, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de faire droit à sa demande présentée en première instance ;

Il soutient que, s'il est entré pour la dernière fois en France le 10 avril 2008, il vit en France depuis 2004, même s'il est retourné en Italie afin de faire renouveler son titre de séjour, et s'est marié à Lille le 23 septembre 2006 ; qu'il a établi sa résidence habituelle en France depuis 5 ans et vit par ailleurs avec son épouse depuis l'année de leur mariage ; qu'il a quitté lé Maroc depuis près de 15 ans ; qu'avant de s'établir en France, il a vécu en situation régulière en Italie pendant 10 ans et y est toujours titulaire d'un titre de séjour, bien que ne vivant plus en Italie ; que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, entré en France en 2004, il vit régulièrement avec son épouse depuis leur mariage en septembre 2006 ; qu'un enfant est né de leur union le 23 avril 2008 et son épouse, ressortissante marocaine comme lui, est titulaire d'une carte de résident valable 10 ans à compter du 19 octobre 2003 ; qu'il est francophone et bien intégré dans le Nord de la France où il a tissé un réseau social important et où réside sa soeur Mina, de nationalité française ; que son épouse a présenté une demande de regroupement familial et s'est vu opposer un refus, ne remplissant pas les conditions de logement et de ressources exigées ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 2 novembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2010, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. A déclare séjourner en France depuis 2004, alors qu'il a lui-même indiqué dans son formulaire être entré en France depuis 2008 ; que le requérant appartient à la catégorie des étrangers ouvrant droit au regroupement familial et ne peut invoquer directement le bénéfice de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne justifie pas se trouver dans un cas particulier qui nécessiterait son admission exceptionnelle sur place ; que la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, concernant la décision d'obligation de quitter le territoire français, elle ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que la requête de M. A est dirigée contre le jugement du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2009 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, né en 1970, a quitté son pays d'origine pour l'Italie en 1994 où il a vécu régulièrement et en dernier lieu sous couvert d'un titre de séjour valable du 28 septembre 2007 au 27 septembre 2009 ; qu'il déclare être entré en France en 2004 et a épousé le 23 septembre 2006 à Lille une compatriote titulaire d'un titre de résident valable 10 ans à compter du 19 octobre 2003 ; qu'un enfant est né de cette union le 23 avril 2008 et M. A déclare vivre régulièrement avec son épouse depuis leur mariage et n'être retourné en Italie qu'occasionnellement, notamment pour le renouvellement de son titre de séjour ; qu'il ressort d'une attestation produite par Mme B, et alors même qu'il s'agit d'une circonstance postérieure à la décision attaquée, qu'elle est enceinte et attend ainsi la naissance d'un deuxième enfant ; qu'en outre, il ressort de plusieurs attestations produites pour la première fois en appel que M. A s'est bien intégré en France où réside l'une de ses soeurs qui est de nationalité française, qu'il existe une vrai communauté de vie entre les époux depuis leur mariage et qu'il subvient aux besoins de son enfant ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et nonobstant celle que M. A n'est pas isolé au Maroc, où résident notamment ses parents ainsi qu'un frère et une soeur, le requérant est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif de Lille, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et qu'elle méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, par voie de conséquence de l'annulation de la décision du préfet du Nord refusant de délivrer un titre de séjour à M. A, la décision dudit préfet portant obligation pour l'intéressé de quitter le territoire français doit également être annulée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 17 mars 2009 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que l'exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'un refus de titre de séjour au motif que ce refus porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte excessive au regard des exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique normalement que l'administration délivre le titre sollicité ou un titre présentant des garanties suffisantes au regard du droit que l'intéressé tire de l'article 8 de cette convention, sous réserve de changements dans les circonstances de droit et de fait depuis la date de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, il y a lieu, en l'espèce, d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer au requérant une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve de changements dans les circonstances de droit et de fait ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Clément renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903469 du 29 septembre 2009 du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Nord du 17 mars 2009 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. A une carte de séjour d'un an portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve des changements intervenus dans les circonstances de droit ou de fait depuis la date de l'arrêté annulé.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me Clément en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Clément renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Khalid A, au préfet du Nord et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01664
Date de la décision : 25/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-03-25;09da01664 ?
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