La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2010 | FRANCE | N°09DA00511

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 22 avril 2010, 09DA00511


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 26 mars 2009, présentée pour M. Miloud A, demeurant ..., par le cabinet d'Avocats Cochet, Denecker ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0802453-0802454-0802455-0802456 du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille, d'une part, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales portant chacune retrait de trois, trois, trois et deux points de son permis de conduire consécutive

ment aux infractions commises respectivement les 13 novembre 2003...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 26 mars 2009, présentée pour M. Miloud A, demeurant ..., par le cabinet d'Avocats Cochet, Denecker ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0802453-0802454-0802455-0802456 du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille, d'une part, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales portant chacune retrait de trois, trois, trois et deux points de son permis de conduire consécutivement aux infractions commises respectivement les 13 novembre 2003, 10 janvier 2005, 19 avril 2005 et 26 mars 2007, d'autre part, l'a condamné à payer une amende de 400 euros pour recours abusif ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réaffecter 11 points à son permis de conduire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le ministre de l'intérieur ne justifie ni du paiement des amendes forfaitaires ni à défaut de l'émission de titres exécutoires ; que la réalité des différentes infractions n'est ainsi pas établie ; que les articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route ne sont pas cités et leur contenu n'est pas repris ; qu'il n'a pas été informé que le traitement automatisé porte également sur les reconstitutions de points ; qu'il est fait état d'une information erronée sur le droit à copie ; que, s'il a été débouté de ses demandes, sa contestation n'était pas abusive puisque les premiers juges ont reconnu que les imprimés Cerfa n'étaient pas strictement conformes aux dispositions législatives en considérant que lesdites irrégularités ne devaient pas conduire à l'annulation des décisions attaquées ; que le conseil d'état n'a pas encore statué sur cette analyse juridique ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 7 avril 2009 fixant la clôture de l'instruction au 7 octobre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre, en date du 7 avril 2009, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que la procédure administrative de retrait de points dépend uniquement de la réalité de l'infraction telle qu'elle résulte de la procédure judiciaire ; qu'il se trouve en situation de compétence liée en procédant au retrait de points consécutif à l'infraction pénalement constatée ; qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier le bien-fondé d'une contestation basée sur une prétendue absence de paiement tout comme il n'appartient pas au ministre de l'intérieur d'apporter la preuve de l'émission d'un titre exécutoire ; que les informations figurant au relevé individuel du requérant doivent être considérées comme enregistrées au terme d'une procédure régulière ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que s'agissant de l'infraction relevée le 19 avril 2005, il n'a pas signé le procès-verbal, et n'a reçu ni la carte de paiement ni l'avis de contravention ; qu'il a été contraint au paiement d'une amende forfaitaire majorée par jugement en date du 5 septembre 2005 sans avoir obtenu l'information préalable prévue aux articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que s'agissant de l'infraction relevée le 13 novembre 2003, il n'a pas reconnu l'infraction et n'a pas reçu l'information préalable obligatoire prévue par le code de la route puisqu'il a immédiatement contesté l'avis de contravention et que l'agent verbalisateur ne lui a pas remis la copie de cet avis ;

Vu la lettre, en date du 23 février 2010, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Guillaume Mulsant, président de chambre, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A relève appel du jugement du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales portant chacune retrait de trois, trois, trois et deux points de son permis de conduire consécutivement aux infractions commises respectivement les 13 novembre 2003, 10 janvier 2005, 19 avril 2005 et 26 mars 2007 ;

Considérant que le titulaire du permis de conduire qui demande l'annulation d'une décision portant retrait de points ou invalidation de son permis ne peut se borner à produire le relevé d'information intégral issu du système national des permis de conduire où elle est enregistrée, mais doit produire la décision elle-même, telle qu'il en a reçu notification dans les conditions prévues à l'article R. 223-3 du code de la route ou, en cas d'impossibilité, apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication ; que suite à une invitation faite par la Cour, M. A produit en appel les diligences accomplies afin d'obtenir communication des décisions attaquées ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'infraction commise le 13 novembre 2003 :

Considérant, d'une part, qu'il ressort du procès-verbal relatif à l'infraction commise le 13 novembre 2003 et du modèle Cerfa fourni par l'administration que M. A a refusé de signer ledit procès-verbal ; que, nonobstant ce refus, l'intéressé doit être regardé comme ayant pris au préalable connaissance du contenu du document, qui contient l'ensemble des informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne les modalités de retrait de points, l'existence d'un traitement automatisé de ces points et la possibilité pour l'auteur de l'infraction d'y accéder ; que si l'article L. 223-3 du code de la route prévoit d'informer le contrevenant de la possibilité d'exercer son droit d'accès à un traitement automatisé de ses points conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du même code, la circonstance que les formulaires communiqués à l'intéressé ne faisaient pas référence aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route n'a toutefois pas privé le contrevenant d'une information indispensable pour contester la réalité de l'infraction et en mesurer les conséquences sur la validité du permis, dès lors que les informations utiles auxquelles font référence les articles en cause ont été portées à sa connaissance ; que ces informations utiles portent sur l'existence d'un traitement automatisé des retraits de points et du droit d'accès et de rectification aux informations concernant le permis de conduire dont dispose le contrevenant auprès d'autorités identifiées ; qu'il ressort de ce qui a été dit ci-dessus que l'intéressé a eu connaissance de ces informations utiles ; que la circonstance que les mentions sur l'avis de contravention aient indiqué que le contrevenant peut exercer, auprès du service préfectoral de son domicile, un droit d'accès au traitement automatisé, sans pouvoir en obtenir une copie, n'a pas privé l'intéressé d'une information constituant par elle-même une garantie substantielle ; qu'il en va de même s'agissant de la circonstance selon laquelle les mentions figurant sur l'avis de contravention n'aient pas indiqué que le traitement automatisé porte également sur la reconstitution de points ; que les modalités concrètes d'exercice du droit d'accès sont par elles-mêmes sans influence sur la légalité des décisions de retraits de points ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu, de ce fait, bénéficier de l'accomplissement de formalités substantielles en ce qui concerne la perte de ses points, l'existence d'un traitement automatisé et la possibilité d'y avoir accès ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des mentions figurant sur le relevé d'information intégral relatif à la situation du permis de conduire de M. A, fourni par l'intéressé lui-même, que la réalité de l'infraction en cause est établie par le paiement de l'amende forfaitaire majorée ou l'émission d'un titre exécutoire le 7 octobre 2004 ; que l'intéressé ne fait état d'aucun élément de nature à faire douter de l'exactitude de ces mentions ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que la réalité de ladite infraction n'est pas établie ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 19 avril 2005 :

Considérant que le ministre de l'intérieur a produit le procès-verbal de contravention dressé à l'occasion de l'infraction constatée le 19 avril 2005 ; que ce procès-verbal n'est pas signé par M. A et ne porte pas la mention selon laquelle il aurait refusé de signer ; que la circonstance que l'état civil, l'adresse et le numéro de permis du contrevenant figurent sur le second volet du procès-verbal produit ne suffit pas à établir que l'intéressé a reçu, lors de la constatation de cette infraction, l'information préalable requise par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; qu'ainsi, faute pour l'administration de démontrer que le requérant a bien été mis en possession du procès-verbal d'infraction et été destinataire de l'information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, le retrait de trois points consécutif à cette infraction doit être regardé comme intervenu au terme d'une procédure irrégulière et, par suite, comme entaché d'illégalité ;

En ce qui concerne les infractions commises les 10 janvier 2005 et 26 mars 2007 :

Considérant, en premier lieu, que le ministre de l'intérieur produit les procès-verbaux relatifs aux infractions commises les 10 janvier 2005 et 26 mars 2007 ; que, s'agissant de l'infraction commise le 10 janvier 2005, qui a été constatée sans interception du conducteur, M. A s'est désigné comme conducteur au moment des faits et a signé le formulaire d'accompagnement le 17 février 2005 ; qu'il s'est vu remettre le procès-verbal relatif à l'infraction en cause, qui comporte l'ensemble des informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que s'agissant de l'infraction commise le 26 mars 2007, le procès-verbal, qui signale qu'un retrait de points est encouru, est signé par le contrevenant et indique que celui-ci reconnaît l'infraction et s'est vu remettre la carte de paiement et l'avis de contravention qui comportent les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne les modalités de retrait de points, l'existence d'un traitement automatisé portant sur le retrait de ces points et la possibilité pour l'auteur de l'infraction d'y accéder ; que les informations utiles dont l'auteur de l'infraction doit avoir connaissance pour lui permettre de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis de conduire auxquelles font référence les articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route ont ainsi été portées à la connaissance de l'intéressé, quand bien même les avis de contravention ne citent pas ces articles ; que la circonstance que ces mentions aient indiqué que le contrevenant peut exercer, auprès du service préfectoral de son domicile, un droit d'accès au traitement automatisé, sans pouvoir en obtenir une copie, n'a pas privé l'intéressé d'une information constituant par elle-même une garantie substantielle ; qu'il en va de même s'agissant de la circonstance selon laquelle les mentions figurant sur les avis de contravention n'aient pas indiqué que le traitement automatisé porte également sur la reconstitution de points ; que les modalités concrètes d'exercice du droit d'accès sont par elles-mêmes sans influence sur la légalité des décisions de retraits de points ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu, de ce fait, bénéficier de l'accomplissement de la formalité substantielle prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne la perte de ses points, l'existence d'un traitement automatisé et la possibilité d'y avoir accès ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des mentions figurant sur le relevé d'information intégral relatif à la situation du permis de conduire de M. A, fourni par l'intéressé lui-même, que la réalité des infractions commises les 10 janvier 2005 et 26 mars 2007 a été établie par le paiement des amendes forfaitaires le jour même de la constatation desdites infractions ; que l'intéressé ne fait état d'aucun élément de nature à faire douter de l'exactitude de ces mentions ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que la réalité des infractions en cause n'est pas établie ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ; que, dès lors que la Cour annule, par le présent arrêt, une des quatre décisions de retrait de points du ministre de l'intérieur à l'encontre de M. A, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé abusif le recours de celui-ci ;

Considérant qui résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur portant retrait de trois points de son permis de conduire à la suite de l'infraction constatée le 19 avril 2005, et l'a condamné à payer une amende de 400 euros pour recours abusif ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'administration ayant retiré irrégulièrement trois points affectés au permis de conduire de M. A, le présent arrêt implique seulement que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales réaffecte trois points au capital du permis de conduire de celui-ci ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur portant retrait de trois points de son permis de conduire à la suite de l'infraction constatée le 19 avril 2005 et l'a condamné à payer une amende de 400 euros pour recours abusif.

Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur portant retrait de trois points du permis de conduire de M. A à la suite de la constatation de l'infraction commise le 19 avril 2005 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales de restituer trois points au capital du permis de conduire de M. A.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Miloud A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

''

''

''

''

2

N°09DA00511


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00511
Date de la décision : 22/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Guillaume Mulsant
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COCHET DENECKER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-04-22;09da00511 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award