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25/05/2010 | FRANCE | N°08DA01668

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 25 mai 2010, 08DA01668


Vu la requête sommaire, enregistrée par télécopie le 2 octobre 2008 et régularisée par la production de l'original le 6 octobre 2008, et le mémoire ampliatif enregistré par télécopie le 20 novembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 21 novembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, dont le siège est 2 avenue Oscar Lambret à Lille (59000), par Me Le Prado ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407038 du 1er juin 2007 par lequel le Tribunal admin

istratif de Lille l'a condamné à verser à M. Abdelil A une indemnité pro...

Vu la requête sommaire, enregistrée par télécopie le 2 octobre 2008 et régularisée par la production de l'original le 6 octobre 2008, et le mémoire ampliatif enregistré par télécopie le 20 novembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 21 novembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, dont le siège est 2 avenue Oscar Lambret à Lille (59000), par Me Le Prado ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407038 du 1er juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à M. Abdelil A une indemnité provisionnelle de 3 000 euros et a ordonné une expertise ;

2°) d'annuler le jugement n° 0407038 du 4 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à M. A une somme de 50 500 euros ainsi qu'à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix une somme de 4 221,92 euros ;

Il soutient qu'il est recevable à interjeter appel du jugement avant dire droit à l'occasion de l'appel contre le jugement au fond ; que les jugements sont insuffisamment motivés ; que c'est à tort que le Tribunal a considéré que la pose d'un plâtre fermé sur le jeune Saiffedin A était constitutive d'une faute dans la mesure où c'est une attelle ouverte qui lui a été posée conformément aux règles de l'art, ainsi que l'évoque l'expert dans son rapport ; qu'en outre, l'absence de remplacement de cette attelle n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ainsi que l'a retenu le second jugement ; que le seul fait qu'une compression soit survenue ne révèle pas l'existence d'une faute ; que seule l'apparition des symptômes du syndrome de Volkmann peut justifier la dépose d'un plâtre ; que l'absence de dépose de l'attelle n'est donc pas fautive ; qu'elle n'est en outre pas la cause du syndrome de Volkmann subi par le patient, probablement lié à son traumatisme initial ; subsidiairement, que seule une fraction de son préjudice pourrait être indemnisée au titre de la perte de chance ; que la perte de chance subie en l'espèce doit correspondre à un faible pourcentage ; qu'en allouant au jeune Saiffedin une somme de 47 000 euros pour une incapacité permanente partielle de 25 %, le Tribunal a procédé à une évaluation excessive ;

Vu les jugements attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2009, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix, ayant son siège 6 rue Rémy Cogghe à Roubaix cedex 1 (59065), par Me de Berny ; elle demande à la Cour de confirmer les jugements attaqués, de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE à lui verser une somme de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la discussion sur l'existence ou non d'un plâtre circulaire après l'opération est sans incidence sur l'existence d'une faute médicale commise par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, la compression étant en toute hypothèse due à un plâtre, circulaire ou non, qui était trop serré ; que les services du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE ont commis une faute en ne surveillant pas les symptômes apparus après la pose du plâtre, toute douleur devant faire suspecter une complication et devant entraîner l'ablation du plâtre en urgence, ce qui n'a pas été fait ; que l'expertise a mis en évidence le lien de causalité entre les séquelles subies et l'immobilisation plâtrée ; qu'en l'absence d'incertitude sur ce lien de causalité, la perte de chance est de 100 % ; qu'elle a engagé des débours à hauteur de 4 501,38 euros pour le traitement des suites de la faute médicale ; qu'elle a droit aux intérêts capitalisés sur cette somme à compter de la première demande et à une indemnité forfaitaire ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 18 juin 2009 et régularisé par la production de l'original le 29 juin 2009, présenté pour M. Abdelil A, représentant légal de l'enfant Saiffedin A, domicilié ..., par Me Maachi ; il demande à la Cour de rejeter la requête du centre hospitalier, de réformer les jugements attaqués pour porter l'indemnisation du préjudice esthétique à la somme de 12 250 euros et de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'instruction a démontré la faute du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE quelle que soit la nature du plâtre posé ; que le préjudice de la victime, très jeune et qui souffrira à vie d'un handicap important, a été exactement évalué sauf en ce qui concerne le préjudice esthétique, tous les doigts de la main droite étant rétractés et le poignet fléchi ;

Vu l'ordonnance en date du 9 mars 2010 portant la clôture de l'instruction au 9 avril 2010 à 16 heures 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif au montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376 -1 et L. 454 -1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que le 30 mai 2000, le jeune Saiffedin A, âgé de 4 ans, a été victime d'une fracture de la palette humérale au bras droit pour laquelle il a été pris en charge par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE où il a subi le même jour une opération d'ostéosynthèse à l'issue de laquelle a été posé un plâtre ; qu'il est resté hospitalisé jusqu'au 2 juin 2000, période pendant laquelle il s'est plaint de douleurs au coude, à la main et au poignet droits ; que les douleurs persistant après son retour à domicile, il a été de nouveau hospitalisé en urgence au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE le 8 juin 2000, date à laquelle son plâtre a été retiré et remplacé par un plâtre en résine ; que ce second plâtre a été enlevé le 12 juillet 2000 pour la mise en place de la rééducation ; que le 25 août 2000, suite à des symptômes de déficit fonctionnel apparus pendant ses congés à l'étranger, un syndrome dit de Volkmann a été diagnostiqué au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE ; que l'enfant reste atteint d'un déficit fonctionnel de la main et du poignet droits ; que par jugement en date du 19 janvier 2007, le Tribunal administratif de Lille, saisi d'une requête indemnitaire par les parents de Zaiffedin A et statuant après le dépôt d'un premier rapport d'expertise judiciaire en novembre 2002, a par jugement du 1er juin 2007 déclaré le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE responsable des préjudices subis par l'enfant, l'a condamné à verser à son père une somme de 3 000 euros à titre de provision et ordonné un supplément d'expertise aux fins d'évaluer lesdits préjudices ; que, par jugement en date du 4 juillet 2008, ce même Tribunal a condamné le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE à verser à M. A une somme de 50 500 euros, déduction faite de ladite provision, outre 4 221,92 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE relève appel de ces deux jugements, M. A demandant, par la voie de l'appel incident, que l'évaluation du préjudice esthétique de son enfant soit portée à 12 250 euros ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise des 26 novembre 2002 et 23 février 2008, que les séquelles fonctionnelles au bras droit dont reste atteint le jeune Saiffedin A ont pour origine exclusive la pose, le 30 mai 2000 à l'issue de son opération d'ostéosynthèse, d'une immobilisation plâtrée qui, quelle que soit sa forme ouverte ou fermée, était trop serrée et a engendré la compression et l'ischémie du bras droit et, par suite, l'atteinte neurologique définitive ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a, par son jugement du 1er juin 2007 qui est suffisamment motivé, jugé qu'il avait commis à cette occasion une faute qui à elle seule est de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice de Saiffedin A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que tant la survenue du syndrome de Volkmann par compression des nerfs du bras droit que la nature et l'étendue des atteintes neurologiques irréversibles subies par le jeune Saiffedin entre le 30 mai 2000, date de pose de son immobilisation plâtrée, et le 8 juin 2000, date à laquelle

celle-ci a été déposée, ont pour origine exclusive la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE et non le traumatisme initial ; que, dès lors, si le plâtre initialement posé avait été conçu dans les règles de l'art ou immédiatement déposé compte tenu des plaintes de l'enfant, aucun trouble neurologique ne serait apparu ; que, dans ces circonstances, le préjudice ne résulte pas d'une perte de chance ainsi que l'a jugé le tribunal administratif mais d'une faute médicale entraînant pour la victime le droit à obtenir réparation intégrale de son préjudice ; que dans ces conditions, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement du 4 juillet 2008, le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à réparer l'intégralité des préjudices subis par le jeune Saiffedin A et résultant de l'atteinte neurologique subie à son bras droit ;

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les atteintes neurologiques subies par l'enfant ont engendré un déficit fonctionnel évalué par l'expert au taux d'incapacité permanente partielle non contesté de 25 % ; que, par le jugement attaqué du 4 juillet 2008, le Tribunal administratif de Lille a fait une exacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 47 000 euros incluant les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice d'agrément, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la compression du bras droit subie par l'enfant du 30 mai au 8 juin 2000 ainsi que les suites des atteintes neurologiques ont engendré des douleurs évaluées par l'expert au niveau non contesté de 2 sur une échelle de 7 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a fait une exacte appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ; que M. A n'est, dès lors, pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement sur ce point ;

Sur l'application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'en vertu du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, égale au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans les limites d'un montant maximum fixé annuellement par arrêté ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix la somme de 955 euros qu'elle demande ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, qui est la partie perdante, à verser respectivement à M. A et à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE doivent, en revanche, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE est condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix une indemnité forfaitaire de 955 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE versera respectivement à M. A et à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE LILLE, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix et à M. Abdelil A.

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N°08DA01668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA01668
Date de la décision : 25/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-25;08da01668 ?
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