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23/09/2010 | FRANCE | N°08DA01661

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 23 septembre 2010, 08DA01661


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 septembre 2008 et régularisée par la production de l'original le 1er octobre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. David A, demeurant ..., par Me Desurmont, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Lille n° 0701190 du 22 juillet 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000, 2

001 et 2002 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 septembre 2008 et régularisée par la production de l'original le 1er octobre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. David A, demeurant ..., par Me Desurmont, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Lille n° 0701190 du 22 juillet 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le vice-président du tribunal administratif ne pouvait régulièrement rejeter comme manifestement irrecevable la demande du contribuable transmise d'office par le service à la juridiction sur le fondement de l'article R. 222-1-7° du code de justice administrative, dès lors que l'absence de moyens de fait ou de droit dans la réclamation initiale au service a été régularisée par la production de mémoires complémentaires contenant de tels moyens, devant le Tribunal au cours de la première instance ; que le rappel d'impôt sur le revenu concernant en 2000 la prime pour l'emploi n'est pas motivé au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que l'administration n'a pas démontré l'appréhension par M. A d'avantages occultes au sens de l'article 111c du code général des impôts ; que le quantum de cet avantage est exagéré ; qu'en effet, M. A n'était ni associé, ni dirigeant de la Sarl Salomé ; que le service n'a pas mis en oeuvre la procédure de l'article 1117 du code général des impôts ; que l'administration reconnaît elle-même dans ses explications que M. A n'occupait pas le logement objet de l'avantage occulte de façon exclusive ; que le service ne pouvait calculer l'avantage consenti en 2000 sur la base de loyers versés en 1998 et 1999, années prescrites, ou d'une prime d'assurance versée pour une période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2001 ; que la même erreur a été commise en ce qui concerne 2001, concernant la prime d'assurance versée au titre de la période d'avril 2001 à mars 2002, de même pour l'évaluation de l'année 2002 ; que l'application des intérêts de retard pour 2000 et 2001 est insuffisamment motivée ; que l'application des pénalités de mauvaise foi est insuffisamment motivée sur le fond dès lors que seul le comportement de la société Salomé est en cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête aux motifs que c'est à bon droit que le vice-président du Tribunal administratif de Lille a considéré que la réclamation transmise d'office au Tribunal était insuffisamment motivée et était irrecevable pour ce motif ; que l'administration a établi que M. A occupait réellement le logement en litige et bénéficiait ainsi d'un avantage occulte qu'il a appréhendé ; que la reprise de prime pour l'emploi n'est pas un redressement spécifique mais la conséquence du redressement en matière de revenus de capitaux mobiliers et n'a donc pas à être motivée ; que l'avantage consenti à M. A tant qu'il était salarié était bien occulte puisque la société ne l'a pas déclaré, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts ; que cet avantage est a fortiori occulte après le départ de M. A de la société ; que l'avantage n'a pas été exagéré dès lors qu'il correspond aux sommes que M. A aurait dû régler chaque année concernée pour occuper ce logement ; que les informations sur le calcul des intérêts de retard ont été suffisantes ; que l'application des pénalités de mauvaise foi est établie par la circonstance que M. A ne pouvait ignorer qu'il occupait un logement à titre gratuit ; que la mauvaise foi est également établie par l'importance de la dissimulation et sa répétition durant trois années ;

Vu la décision contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R*222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ; qu'aux termes de l'article R*200-1 du livre des procédures fiscales : Les dispositions du code de justice administrative sont applicables aux affaires portées devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d'appel, sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent livre (...) ; qu'aux termes de l'article R*200-3 du même livre : Dans le cas où l'administration soumet d'office le litige à la décision du tribunal administratif, celui-ci est saisi par un mémoire établi et notifié dans les conditions prévues à l'article R*200-4. La réclamation initiale du contribuable vaut requête au tribunal ; qu'il résulte de ces dispositions que le cas où l'administration fiscale soumet d'office au tribunal administratif la réclamation d'un contribuable, en vertu des dispositions particulières de l'article R*200-3 du livre des procédures fiscales n'entre pas dans le champ d'application du 7° de l'article R*222-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, suite à la réclamation présentée par M. A le 28 décembre 2006 concernant les impositions supplémentaires en litige, le service a, le 21 février 2007, saisi d'office le Tribunal administratif de Lille de la demande du requérant, en application des dispositions de l'article R*200-3 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de ce qui précède que le vice-président du Tribunal administratif de Lille ne pouvait régulièrement recourir aux dispositions du 7° de l'article R*222-1 du code de justice administrative pour rejeter, par l'ordonnance attaquée, la demande de première instance, dès lors que le Tribunal était saisi d'office ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions contestées :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ;

Considérant que l'administration a réintégré dans le montant de l'impôt dû par M. A au titre de l'année 2000, celui de la prime pour l'emploi à laquelle il avait pu prétendre en application des dispositions de l'article 200 sexies du code général des impôts à concurrence d'une somme de 167 euros ; qu'il résulte des termes de la notification de redressement que le service s'est borné à faire figurer le montant de la prime précédemment accordée dans les tableaux des droits dus et la récapitulation des sommes dues au titre des conséquences financières du contrôle, en ne précisant ni la nature de cette somme désignée seulement comme impôt restitué à tort , ni les motifs du redressement ; que dans ces conditions, le contribuable est fondé à soutenir que ledit chef de redressement était insuffisamment motivé au sens des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu d'accorder la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu en litige au titre de l'année 2000, à concurrence de ce redressement ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions contestées :

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la Sarl Salomé, dont le requérant a été le salarié jusqu'au 26 octobre 2000, le service a notifié à M. A, par lettre n° 2120 du 30 juin 2003, des redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour les années 2000, 2001 et 2002 au titre d'avantages occultes que lui aurait octroyés ladite société pendant les années en litige par la mise à disposition d'un logement loué par cette dernière rue Dammartin à Roubaix ; que lesdits redressements ont été notifiés selon la procédure de redressement contradictoire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils ont été acceptés par le contribuable, dès lors que l'administration se borne à faire valoir que la notification de redressement a été retournée à l'envoyeur et n'allègue pas que le contribuable aurait accepté tacitement ou non les redressements ; qu'il incombe, par suite, au service, d'apporter la preuve que M. A a été le bénéficiaire desdits avantages ; que pour ce faire, l'administration s'appuie sur la déclaration des gérants de la société qui ont déclaré au cours de la vérification de leur comptabilité que M. A avait occupé le logement en cause, sans que la période d'occupation de ce logement soit précisée ; que l'administration s'appuie également sur le fait que les déclarations annuelles de salaire de M. A souscrites par la société portaient l'adresse du logement en question, sur le fait que M. A a réglé en 1999 des travaux réalisés dans cet appartement aux frais avancés de la société et sur les termes d'un courrier d'avril 2000 adressé à la société Salomé par un fournisseur indiquant qu'il avait agi sur directives du requérant pour effectuer des travaux d'entretien d'une chaudière de l'immeuble en cause ; que ce faisant, et alors que M. A ne conteste pas sérieusement avoir occupé le logement de la rue Dammartin jusqu'au terme de son contrat de travail, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que, au-delà du mois d'octobre 2000, où a pris fin l'emploi du requérant au sein de la société Salomé, ce dernier a occupé de façon permanente et exclusive ledit logement, générant ainsi à son profit un avantage occulte dont le financement aurait été assuré par la société Salomé ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder la décharge des impositions contestées en ce qu'elles prennent pour base le montant des loyers et primes d'assurance acquittées par la société Salomé pour le logement de la rue Dammartin à Roubaix pour la période postérieure au mois d'octobre 2000 ;

Considérant, en second lieu, qu'en application du principe d'annualité de l'impôt, peuvent seules être incluses dans le revenu distribué au bénéficiaire d'une rémunération ou d'un avantage occulte, les sommes correspondant aux rémunérations et avantages effectivement perçus ou mis à sa disposition au titre de l'année d'imposition ; que M. A est, par suite, fondé à contester la prise en compte, dans les bases de l'imposition, des loyers versés par la société Salomé pour les périodes antérieures au 1er janvier 2000 et à soutenir également que seule la prime d'assurance versée au titre de la période pendant laquelle il a bénéficié de l'avantage doit être prise en compte pour le calcul du revenu distribué ; qu'il résulte de ce qui précède que le redressement notifié au titre de l'année 2000, qui reste seul maintenu, ne peut avoir pour base que les loyers et primes d'assurance payés par la société au titre de la période de janvier à octobre 2000, soit 65 074,50 francs (9 920,54 euros) ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder dans cette limite la réduction en base de l'imposition contestée au titre de l'année 2000 ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant, en premier lieu, que les intérêts de retard maintenus à la charge de M. A en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts n'ont pas le caractère d'une sanction au sens de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à en contester la régularité par le moyen qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une motivation notifiée avant leur mise en recouvrement dès lors que le point de départ de leur calcul, résultant d'ailleurs de la seule application des dispositions de l'article 1727 A du code général des impôts alors en vigueur, n'aurait pas été précisé dans la notification de redressement du 30 juin 2003 ;

Considérant, en second lieu, que la mauvaise foi du contribuable ne saurait être caractérisée, ainsi que le soutient l'administration fiscale, pour justifier l'application des pénalités au taux de 40 % prévues par l'article 1729 du code général des impôts alors en vigueur, par la seule circonstance que M. A aurait occupé, au cours de l'année 2000, un logement dont il n'avait d'ailleurs pas, ainsi que le reconnaît le service, la jouissance exclusive ; que dès lors que l'administration n'établit pas l'intention délibérée de M. A d'éluder l'impôt, il y a lieu d'accorder la décharge des pénalités de mauvaise foi sur le reliquat des impositions en litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder la décharge totale, en droits et pénalités, des impositions contestées en ce qui concerne les années 2001 et 2002, d'accorder la réduction, en droits et pénalités, dans la limite de 9 920,54 euros en base, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A a été assujetti au titre de l'année 2000, d'accorder la décharge des pénalités de mauvaise foi sur le reliquat de l'imposition au titre de l'année 2000 ainsi, enfin, que la réduction d'un supplément de 167 euros en droits au titre de l'année 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de M. A fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat, à ce titre, une somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Lille n° 0701190 du 22 juillet 2008 est annulée.

Article 2 : M. A est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 et 2002.

Article 3 : La base de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. A est assujetti au titre de l'année 2000 est réduite, en droits et pénalités, dans la limite de 9 920,54 euros.

Article 4 : M. A est déchargé, au surplus, à hauteur de 167 euros en droits, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000.

Article 5 : Il est accordé à M. A la décharge des pénalités de mauvaise foi sur le reliquat de l'impôt sur le revenu de l'année 2000.

Article 6 : L'Etat est condamné à verser une somme de 1 500 euros à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. David A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA01661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA01661
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP AVOCATS DU NOUVEAU SIECLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-09-23;08da01661 ?
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