La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2010 | FRANCE | N°10DA00857

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 25 novembre 2010, 10DA00857


Vu la requête, enregistrée le 14 juillet 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 16 juillet 2010 par la production de l'original, présentée pour le PREFET DU LOIRET, par Me Denizot ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001555 du 7 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, en date du 2 juin 2010, décidant de reconduire Mme Florence A à la frontière et la décision, du même jour, désignant le pays de destina

tion de cette mesure d'éloignement ;

2°) de rejeter la demande présentée par...

Vu la requête, enregistrée le 14 juillet 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 16 juillet 2010 par la production de l'original, présentée pour le PREFET DU LOIRET, par Me Denizot ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001555 du 7 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, en date du 2 juin 2010, décidant de reconduire Mme Florence A à la frontière et la décision, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le PREFET DU LOIRET soutient :

- qu'en estimant que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige avait porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte avait été pris, sans se prononcer expressément sur les attaches familiales conservées par l'intéressée dans son pays d'origine, ni sur son degré d'insertion dans la société française et de connaissance des valeurs de la République, ni encore sur la possibilité pour Mme A de poursuivre sa vie familiale au Congo, le premier juge a insuffisamment motivé son jugement, qui doit, dès lors, être annulé pour irrégularité ;

- qu'au fond, le premier juge a fait une inexacte application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, Mme A, qui a déclaré être entrée en France en 2005, ne peut pas se prévaloir d'un séjour ancien, ni régulier, hormis s'agissant de la période durant laquelle elle était titulaire de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée pour permettre l'examen de sa demande d'asile ; qu'en outre, l'intéressée ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où demeurent, selon ses propres déclarations, la plupart des membres de sa famille ; qu'à supposer même que la relation dont Mme A se prévaut avec un compatriote, titulaire d'une carte de résident, puisse être regardée comme stable et durable, celle-ci peut se poursuivre dans leur pays d'origine ; que le traitement contre la stérilité que l'intéressée indique suivre relève, en l'absence de prescription médicale, d'une convenance personnelle et ne saurait justifier un maintien sur le territoire français, alors d'ailleurs qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci ne pourrait être poursuivi dans le pays d'origine ; que Mme A, qui n'a pas sollicité son admission au séjour à un autre titre que l'asile, ne justifie d'aucun effort significatif d'intégration de nature à révéler une réelle volonté de vivre en France et d'y établir le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que, dans ces circonstances, ledit moyen devait être écarté ; que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige n'est pas davantage entaché, dans ces circonstances, d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intimée ;

- qu'aucun des autres moyens présenté par Mme A devant le premier juge n'est fondé ; qu'ainsi, en désignant le Congo comme pays de renvoi, l'autorité préfectorale n'a ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressée, dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision définitive et dont les allégations, concernant les risques qu'elle encourait en cas de retour dans son pays d'origine, ne sont étayées par aucun élément probant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 4 août 2010, par laquelle le président délégué par le président de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 20 septembre 2010 à 16 h 30 ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête du PREFET DU LOIRET a été communiquée à Mme A qui n'a produit aucun mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai a désigné M. Daniel Mortelecq, président de la 2ème chambre, en tant que juge d'appel des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président désigné, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, en date du 7 juin 2010, l'arrêté du 2 juin 2010 par lequel le PREFET DU LOIRET a décidé de reconduire Mme A, ressortissante congolaise née le 20 juillet 1973, à la frontière ainsi que, par voie de conséquence de cette annulation, la décision, du même jour, désignant la République du Congo (Brazzaville) comme pays de destination de cette mesure, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que l'intéressée, entrée sur le territoire français au cours de l'année 2005, établissait vivre maritalement, depuis lors, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable dix ans et suivre un traitement médical contre la stérilité et, qu'ainsi, ledit arrêté avait porté au droit de l'intéressée, dans les circonstances de l'espèce et eu égard notamment à l'ancienneté et à la stabilité de la vie commune dont celle-ci se prévalait, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure de reconduite à la frontière avait été prise et, dès lors, méconnaissait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DU LOIRET forme appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant, alors même qu'il ne s'est pas prononcé expressément sur la possibilité pour Mme A de poursuivre sa vie familiale au Congo, ni sur les attaches familiales que l'intéressée aurait conservées dans son pays d'origine, ni même sur son degré d'insertion dans la société française, le premier juge, en retenant les motifs susénoncés pour justifier l'annulation de l'arrêté et de la décision en litige, n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige :

Considérant que si, comme le soutient le PREFET DU LOIRET, Mme A est entrée irrégulièrement en France au cours de l'année 2005 et si elle s'y est maintenue, depuis lors, dans des conditions irrégulières de séjour, hormis durant une courte période durant laquelle elle était titulaire d'une autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée pour permettre l'examen de la demande d'asile qu'elle avait formée, il n'est pas sérieusement contesté que l'intéressée vit maritalement depuis son arrivée en France, ce dont elle justifie par les pièces qu'elle verse au dossier, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable dix ans qui lui a été délivrée le 5 septembre 2002, qui réside habituellement sur le territoire français depuis la fin de l'année 1998 et qui a vocation à y demeurer ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier et, notamment, de plusieurs certificats médicaux produits en première instance que Mme A est suivie médicalement en France pour une stérilité secondaire ; qu'en tirant de ces éléments et de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, alors même que Mme A n'a pas établi être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni n'a justifié d'une insertion notable à la société française, que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige avait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte avait été pris, le premier juge n'a pas fait, contrairement à ce que soutient le PREFET DU LOIRET, une inexacte application des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU LOIRET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 2 juin 2010 décidant de reconduire Mme A à la frontière, de même que la décision distincte, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que le PREFET DU LOIRET demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU LOIRET est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à Mme Florence A.

Copie sera transmise au PREFET DU LOIRET.

''

''

''

''

N°10DA00857 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10DA00857
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : DENIZOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-11-25;10da00857 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award