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05/05/2011 | FRANCE | N°09DA01802

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 05 mai 2011, 09DA01802


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 30 décembre 2009 et confirmée par la production de l'original le 7 janvier 2010, présentée pour la société SMEG SA, dont le siège est 119 rue Hoche à Dourges (62119), par la SELARL Pichavant, Chetrit ; la société SMEG SA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0500133-0502776 du 29 octobre 2009 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire du 18 juillet 2005 portant sur l'obligation de payer la s

omme de 487 129,84 euros, ensemble le rejet en date du 22 septembre 2005 ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 30 décembre 2009 et confirmée par la production de l'original le 7 janvier 2010, présentée pour la société SMEG SA, dont le siège est 119 rue Hoche à Dourges (62119), par la SELARL Pichavant, Chetrit ; la société SMEG SA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0500133-0502776 du 29 octobre 2009 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire du 18 juillet 2005 portant sur l'obligation de payer la somme de 487 129,84 euros, ensemble le rejet en date du 22 septembre 2005 du recours gracieux formé contre ce titre ;

2°) d'annuler ce titre exécutoire du 18 juillet 2005 et ce rejet du 22 septembre 2005 ;

3°) de condamner le port autonome du Havre à lui verser une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la communauté économique européenne devenue la communauté européenne ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 2008-1037 du 9 octobre 2008 instituant le grand port maritime du Havre ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Dubosc, pour le grand port maritime du Havre ;

Considérant que, la société SMEG SA, autorisée par le port autonome du Havre à construire et exploiter un silo horizontal de stockage de céréales en vrac par une convention d'occupation temporaire du 9 avril 1987, stockait dans ce silo, depuis le 30 octobre 2001, des farines animales ; que par une délibération de son conseil d'administration du 29 mars 2002, le port autonome du Havre, a décidé d'appliquer à la société SMEG SA, à compter

du 30 octobre 2001, les conditions financières d'utilisation du domaine public afférentes à l'activité de stockage de farines animales, au titre des redevances domaniales ; qu'il a émis à ce titre pour les années 2004 et 2005 deux états exécutoires, l'un le 24 août 2004 et l'autre

le 18 juillet 2005 pour avoir paiement respectivement de 908 454,43 euros et

de 487 129,84 euros ; que par le jugement susvisé du 29 octobre 2009, le Tribunal administratif de Rouen a déchargé la société SMEG SA de la redevance due pour l'année 2004 et rejeté le surplus de ses conclusions ; que la société SMEG SA relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'état exécutoire émis le 18 juillet 2005 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, dans son mémoire enregistré le 8 octobre 2009 la société SMEG SA a contesté devant les premiers juges l'assiette du stockage des farines animales ainsi que le tarif de la redevance retenu par le port autonome du Havre devenu, par l'effet de l'article 1er du décret susvisé du 9 octobre 2008, le grand port maritime du Havre ; que si le Tribunal a statué sur la surface en litige, il ne s'est pas prononcé sur le prix de la redevance d'occupation ; que le jugement est ainsi entaché d'une insuffisance de motivation et doit, dès lors, être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par la société SMEG SA au tribunal administratif ;

Sur la régularité du titre exécutoire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi

du 12 avril 2000 susvisée : Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 4 de la même loi : (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ;

Considérant que l'état exécutoire du 18 juillet 2005 comporte, de manière lisible, le nom, les initiales du prénom et la qualité du signataire, et permet d'identifier ce dernier sans

ambiguïté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le prénom n'est porté que par des initiales doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'un état exécutoire doit indiquer, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, les bases de la liquidation de la dette pour le recouvrement de laquelle il est émis à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ;

Considérant que le titre de perception émis à l'encontre de la société SMEG SA, le

18 juillet 2005, auquel est joint la facture en date du 1er mars 2005, comporte des mentions suffisantes en ce qui concerne la surface, le montant, l'objet et la période de la créance ; qu'ainsi la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, faute de justifier la surface retenue, l'état exécutoire serait insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 28 du code du domaine de l'Etat, encore en vigueur à la date de l'état exécutoire contesté : Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l'autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. / Le service des domaines constate les infractions aux dispositions de l'alinéa précédent en vue de poursuivre, contre les occupants sans titre, le recouvrement des indemnités correspondant aux redevances dont le Trésor a été frustré (...) ; qu'aux termes de l'article 1er de la convention susmentionnée du 9 avril 1987 : Le Port Autonome du Havre autorise le permissionnaire à construire et à exploiter, sous le régime de l'autorisation d'outillage privé avec obligation de service public un silo horizontal de stockage de céréales en vrac, ainsi que les outillages de desserte, sur la rive Sud du Grand Canal du Havre, aux conditions définies dans les documents annexés à la présente convention (...) ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le grand port maritime du Havre aurait autorisé postérieurement à la conclusion de cette convention, notamment par des correspondances échangées entre les parties, la société requérante à stocker dans l'enceinte dudit silo horizontal des farines animales ; qu'en particulier, si dans sa lettre du 12 novembre 1991 à la société SMEG SA, le directeur du port autonome indique se rallier aux propositions techniques et tarifaires que le permissionnaire lui a faites et contenues dans le document annexé à ladite lettre, il ne ressort pas du contenu de cette annexe que la modification alléguée aurait été autorisée ;

Considérant que la société SMEG SA aboutit à un tarif de redevance de 1,8946 euros hors taxes par m² et par an après actualisation selon l'indice du coût de la construction et conversion à l'euro du tarif de 2,85 F par an et par m² de terrain occupé retenu par le conseil d'administration du port autonome du Havre dans sa délibération du 13 septembre 1974 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, conformément à cette même délibération, le grand port maritime du Havre a retenu ce résultat de 1,8946 euros hors taxes qui correspond au tarif 1-1 des terrains sans plan d'eau ou en bordure de plan d'eau des tarifs généraux des redevances d'occupation temporaire actualisés depuis 1974 ; qu'il a également appliqué à ce montant le coefficient d'intérêt portuaire K3 de ces tarifs généraux correspondant aux activités ayant un rapport plus ou moins éloigné avec l'économie portuaire ; que la société SMEG SA ne critique pas ledit coefficient ; qu'il suit de là que ce tarif ne peut être regardé comme entaché d'erreur de fait ou de droit ;

Considérant que la société SMEG SA ne peut utilement invoquer ni les dispositions de l'article R. 128-3 du code du domaine de l'Etat qui subordonnent la conclusion par le préfet du département d'une convention d'occupation du domaine public d'une durée excédant 18 ans à l'autorisation préalable du ministre de tutelle, ni celles des articles L. 34-3 et L. 34-5 du même code relatives à l'information des créanciers du permissionnaire en cas de retrait de l'autorisation d'occupation temporaire dès lors que l'état exécutoire en litige ne résulte pas de l'application de ces dispositions ;

Considérant qu'en second lieu, qu'aux termes de l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne : Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. / Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à : / a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables (...) ; que l'article L. 420-2 du code de commerce prohibe l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;

Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative, affectataire du domaine public, lorsque celui-ci est le siège d'activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération, pour la gestion de ce domaine, non seulement l'intérêt du domaine et l'intérêt général, mais encore les diverses règles, tels que le principe d'égalité et l'interdiction de l'abus de position dominante prévu par l'article 82 précité du traité instituant la Communauté européenne et les dispositions précitées du code de commerce, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités ;

Considérant, en premier lieu, qu'en concluant, le 11 juillet 2000, une convention d'occupation du domaine public avec une société concurrente de la requérante l'autorisant dans des conditions matérielles comparables le stockage de farines animales en contrepartie de redevances annuelles d'un montant similaire à celui en litige, le grand port maritime du Havre n'a pas, nonobstant les méthodes de gestion différentes de ces deux sociétés, méconnu le principe d'égalité ;

Considérant, en second lieu, qu'à l'appui de son moyen tiré de ce que l'établissement portuaire abuserait de sa position dominante à l'égard du marché pertinent constitué par les terrains qu'il est en mesure d'offrir à la concurrence, la société requérante n'établit, ni même n'allègue, que le tarif contesté serait disproportionné par rapport à d'autres tarifs pratiqués pour des activités semblables, ou hors de proportion avec l'avantage attendu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la demande de la société SMEG SA tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 487 129,84 euros, dont le paiement a été réclamé par l'état exécutoire du 22 septembre 2005 doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du grand port maritime du Havre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société SMEG SA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société SMEG SA le versement au grand port maritime du Havre d'une somme de 1 500 euros sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 octobre 2009 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de la société SMEG SA est rejetée.

Article 3 : La société SMEG SA versera au grand port maritime du Havre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMEG SA et au grand port maritime du Havre.

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N°09DA01802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01802
Date de la décision : 05/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Dominique Naves
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL PICHAVANT - CHETRIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-05-05;09da01802 ?
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