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24/01/2013 | FRANCE | N°11DA01910

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 24 janvier 2013, 11DA01910


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 14 décembre 2011, présentée pour M. B...D...et pour M. C...A..., demeurant..., par Me J.-P. Martin, avocat ;

MM D...et A...demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0802635 du 3 novembre 2011 en tant que le tribunal administratif de Rouen les a condamnés, par son article 2, à garantir, avec la société BETCI, la société PHI 2 et la société JP Tohier et associés, la région Haute-Normandie de la condamnation prononcée à son encontre correspondant à la somme de 559 412,

52 euros toutes taxes comprises (TTC) qu'elle doit verser, en vertu de l'article ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 14 décembre 2011, présentée pour M. B...D...et pour M. C...A..., demeurant..., par Me J.-P. Martin, avocat ;

MM D...et A...demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0802635 du 3 novembre 2011 en tant que le tribunal administratif de Rouen les a condamnés, par son article 2, à garantir, avec la société BETCI, la société PHI 2 et la société JP Tohier et associés, la région Haute-Normandie de la condamnation prononcée à son encontre correspondant à la somme de 559 412,52 euros toutes taxes comprises (TTC) qu'elle doit verser, en vertu de l'article 1er, à la société Léon Grosse ;

2°) de rejeter la demande d'appel en garantie présentée à leur encontre par la région Haute-Normandie ;

3°) de mettre à la charge de la région Haute-Normandie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- qu'aucune mission diagnostic n'ayant été confiée à la maîtrise d'oeuvre, ils n'ont commis aucune faute en s'abstenant d'y procéder ;

- qu'en tout état de cause, la région veut assimiler, à tort, le diagnostic à un véritable audit pour démontrer que la maîtrise d'oeuvre a insuffisamment exécuté les prestations de diagnostic et est responsable de l'insuffisance des structures et de l'allongement du délai d'exécution ;

- que les difficultés rencontrées en cours de chantier résultent uniquement du défaut d'information donnée par le maître d'ouvrage sur le bâtiment en cause ;

- qu'en tout état de cause, le montant de la condamnation prononcée par le tribunal administratif devra être réformé compte tenu des erreurs commises dans l'étendue du préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2012, présenté pour la région Haute-Normandie, dont le siège social est situé 5 rue Robert Schuman, BP 1129 à Rouen (76174) cedex 1, représentée par son président en exercice, par Me J. Buès, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de MM D...et A...de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir :

- que la maîtrise d'oeuvre s'était vu confier une mission de diagnostic par le marché, ainsi qu'elle l'a reconnu dans sa réclamation, et pour laquelle elle a reçu une rémunération ;

- qu'aucune mission esquisse n'a été confiée à la maîtrise d'oeuvre ;

- que l'objet du marché et la circonstance que le maître d'ouvrage ne disposait pas des plans aurait dû conduire la maîtrise d'oeuvre à réaliser sérieusement une mission diagnostic, notamment celle portant sur des structures existantes ;

- que la conduite d'un diagnostic avec diligence aurait permis de déceler les défauts structurels des bâtiments ;

- que la somme de 305 328,41 euros au titre de laquelle les appelants ont été appelés à garantir la région correspond bien aux conséquences des défauts structuraux des bâtiments F et G, outre l'allongement du chantier ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 30 août 2012 et confirmé par la production de l'original le 31 août 2012, présenté pour la société Léon Grosse, dont le siège social est situé rue de l'Avenir à Aix-les-Bains (73106) cedex, représentée par Me F. Malbesin, avocat, qui demande de constater que la requête d'appel est limitée à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué, conclut à la confirmation du jugement et à la mise à la charge de MM D...et A...ou, à défaut, de la région Haute-Normandie de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir :

- que c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné la région Haute-Normandie à lui verser les sommes respectives de 365 924,06 euros TTC, au titre des travaux supplémentaires réalisés, et de 245 850,78 euros TTC, au titre de l'allongement du chantier en cause ;

- que si le tribunal a cependant commis une erreur en déduisant de ces sommes le coût des études confiées à la société BETCI, elle a décidé de ne pas former d'appel incident dès lors que l'appel principal ne porte pas sur le montant de ces condamnations ;

Vu les mémoires, enregistrés les 24 octobre et 20 décembre 2012, présentés pour MM D...et A...qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public,

- et les observations de Me A. de la Ferté Saint-Senectére, avocat de la région Haute-Normandie ;

1. Considérant que, par un jugement en date du 3 novembre 2011, le tribunal administratif de Rouen a condamné la région Haute-Normandie, maître d'ouvrage d'une opération de travaux de construction et de réhabilitation sur le lycée hôtelier de Canteleu, à verser à la société Léon Grosse, attributaire du lot n° 3 " terrassement, gros oeuvre, structures métalliques, maçonnerie ", la somme de 559 412,52 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des travaux supplémentaires réalisés et des coûts supportés consécutifs à l'allongement de six mois de la durée des travaux ; que le même jugement, par son article 2, a fait droit, à hauteur du montant de la condamnation citée ci-dessus, à la demande d'appel en garantie présentée par la région Haute-Normandie à l'encontre de MM D...et A...et des sociétés BETCI, PHI 2, JP. Tohier, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, au motif que les travaux supplémentaires et les retards dans l'exécution de ces travaux sont imputables à l'insuffisance de diagnostic porté sur les bâtiments F et G de l'ouvrage en cause ; que M. D...et M. A... demandent, en appel, la réformation de ce jugement en tant qu'il les a condamnés à garantir la région Haute-Normandie des condamnations prononcées à son encontre ;

2. Considérant que, pour contester la condamnation d'appel en garantie prononcée à leur encontre, les appelants soutiennent que le marché de maîtrise d'oeuvre que la région Haute-Normandie leur a attribué ne comportait aucune mission de diagnostic qui aurait été de nature à leur permettre de déceler, avant le commencement des travaux, les anomalies de structures constatées qui sont à l'origine des travaux supplémentaires supportés par la société Léon Grosse, et qu'en tout état de cause, la découverte de ces anomalies était imprévisible au regard des sondages qu'ils avaient effectués ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les sondages réalisés par les maîtres d'oeuvre sur les structures des bâtiments F et G du lycée de Canteleu, lesquels ne devaient faire l'objet que de travaux de réhabilitation, n'avaient révélé aucun défaut de solidité des structures, ni aucune autre anomalie ; que les défauts ensuite découverts, consistant en la présence de ferraillages hors normes pour des murs de remplissage, n'ont pu être décelés qu'à l'occasion de la démolition de murs intérieurs à ces bâtiments ; qu'au regard de leur nature et de leur caractère imprévisible pour la maîtrise d'oeuvre, ces anomalies ont pu être qualifiées, selon les propres termes de l'expert, de " brèches aux règles de l'art lors de la construction des locaux, brèches que rien ne permettait d'imaginer et qui montrent que la réalité défie parfois tant la fiction que le vraisemblable " ; qu'il est, par ailleurs, constant que les maîtres d'oeuvre n'avaient, malgré leur demande, pu obtenir de la région Haute-Normandie les plans de la construction, des archives ou toute autre pièce susceptibles de les renseigner sur les caractéristiques des bâtiments en cause ; qu'elle n'avait pas davantage obtenu d'information ou de mise en garde sur ce point lors des questions/réponses avec la région au sujet du projet de réhabilitation ; que, dans ces conditions, et à supposer même qu'en dépit du caractère ambiguë des stipulations contractuelles sur ce point, la maîtrise d'oeuvre devrait être regardée comme ayant été chargée d'une mission de diagnostic telle que définie par les dispositions du 15 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, aucune faute à l'origine des travaux supplémentaires engagés par la société Léon Grosse ne peut lui être reprochée dans l'exercice de cette mission à propos de l'absence de détection de la présence de ces ferraillages et des conséquences qui en ont résulté sur le déroulement du chantier ;

4. Considérant qu'en l'absence de tout autre moyen présenté sur ce point par la région à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre en première instance, il résulte de ce qui précède que M. D... et M. A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif les a condamnés à garantir la région Haute-Normandie des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Léon Grosse ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué et de rejeter la demande en garantie présentée par la région Haute-Normandie à l'encontre des appelants ;

5. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la région Haute-Normandie, d'une part, le versement à M. D...et à M. A...d'une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés en première instance et en appel, ainsi que, d'autre part, le versement à la société Léon Grosse d'une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature pour l'instance d'appel ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour mette à la charge des appelants, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que réclame la région Haute-Normandie au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 3 novembre 2011 est annulé en tant qu'il condamne M. D...et M. A...à garantir la région Haute-Normandie à hauteur de la somme de 559 412,52 euros TTC mise à sa charge.

Article 2 : La demande présentée par la région Haute-Normandie à l'encontre de M. D... et de M. A...est rejetée.

Article 3 : La région Haute-Normandie versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La région Haute-Normandie versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La région Haute-Normandie versera à la société Léon Grosse une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à M. C...A..., à la région Haute-Normandie et à la société Léon Grosse.

Copie sera adressée pour information au préfet de la région Haute-Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 3 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur,

- Mme Agnès Eliot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2013.

Le rapporteur,

Signé : A. ELIOTLe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Sylviane Dupuis

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N°11DA01910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA01910
Date de la décision : 24/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité du maître de l'ouvrage et des constructeurs à l'égard des tiers - Actions en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Moreau
Avocat(s) : MARTIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-01-24;11da01910 ?
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