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25/09/2014 | FRANCE | N°13DA01587

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 25 septembre 2014, 13DA01587


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302258 du 19 août 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. A...C..., a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 août 2013 par lequel il a décidé la remise aux autorités roumaines de M. C...ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 14 août 2013 assignant ce dernier à résidence ;

2°) de rejeter la demande de M. C...;

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Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302258 du 19 août 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. A...C..., a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 août 2013 par lequel il a décidé la remise aux autorités roumaines de M. C...ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 14 août 2013 assignant ce dernier à résidence ;

2°) de rejeter la demande de M. C...;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Michel Riou, premier conseiller,

- et les observations de Mme Perrine Hamon, rapporteur public ;

1. Considérant que M. C...a sollicité le 13 juin 2013, après son entrée en France, son admission au séjour au titre de l'asile ; que le préfet de la Seine-Maritime, après avoir constaté qu'il avait auparavant déposé une demande d'asile en Roumanie le 29 avril 2012 puis en Autriche le 15 décembre 2012, a refusé de l'admettre provisoirement au séjour par une décision du 31 juillet 2013 et a sollicité sa prise en charge par ces deux pays ; que la Roumanie ayant accepté le 9 août 2013 de le réadmettre, le préfet a, par un arrêté du 13 août 2013, prononcé sa remise aux autorités roumaines ; qu'enfin, par un arrêté du 14 août 2013, il a assigné M. C... à résidence ; qu'il relève appel des articles 2 et 3 du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, saisi par M.C..., après avoir rejeté les conclusions dirigées contre le refus d'admission provisoire au séjour, a annulé la décision de remise aux autorités roumaines et, par voie de conséquence, la décision d'assignation à résidence ;

Sur les conclusions du préfet de la Seine-Maritime dirigées contre les articles 2 et 3 du jugement attaqué :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le jugement :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas, en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ; que l'article 15 de ce même règlement dispose que : " Tout Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher les membres d'une même famille ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. (...) " ;

3. Considérant que M.C..., ressortissant syrien né le 28 avril 1977, entré en France pour la première fois en 2012 à l'âge de trente-cinq ans, est célibataire et sans enfant à charge ; que si sa soeur y réside régulièrement et l'héberge depuis son arrivée en France, il est constant qu'il a vécu séparé de celle-ci pendant six années et n'en est pas dépendant ; qu'en outre, la circonstance qu'il soit porteur du virus de l'hépatite B, pour laquelle il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement soit nécessaire, ne constitue pas une circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées du règlement (CE) n° 343/2003 ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision contestée de remise aux autorités roumaines, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a considéré que le refus de mettre en oeuvre les clauses dites dérogatoire et humanitaire précitées du règlement (CE) n° 343/2003 était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M.C..., et pour en déduire que l'arrêté du même jour prononçant l'assignation à résidence de M. C...devait, par voie de conséquence, être annulé ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant la juridiction administrative, à l'encontre de ces deux décisions ;

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la remise aux autorités roumaines :

5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 : " Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a obtenu, le 17 juillet 2013, une note d'information relative aux modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003, de ses délais et de ses effets, rédigée en anglais, langue qu'il a déclaré maîtriser " parfaitement " lors du dépôt de sa demande d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 manque en fait ;

7. Considérant que les moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus d'admission au séjour, de la violation de l'article 53-1 de la Constitution, et de " la responsabilité de l'Etat français " ne sont, en tout état de cause, pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M.C..., célibataire et sans enfant à charge, a peu d'attaches familiales en France, si bien qu'ainsi, et compte tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'aux termes du e) du 1 de l'article 16 du règlement (CE) n° 343/2003 : " L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de: (...) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le ressortissant d'un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre. " ;

10. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision des autorités roumaines du 9 août 2013 acceptant la reprise en charge de M. C...est fondée sur les dispositions précitées en vertu desquelles la demande d'asile de M. C...pouvait être rejetée dès lors qu'il se trouvait non sur le territoire roumain mais sans permission sur le territoire français ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du e) du 1 de l'article 16 du règlement (CE) n° 343/2003 en prononçant la réadmission de M. C...en Roumanie ;

11. Considérant, d'autre part, qu'alors même que les autorités roumaines ont accepté la reprise en charge de M. C...après le rejet de sa demande d'asile, la décision de réadmission n'implique pas nécessairement, par elle-même, compte tenu notamment de l'existence de voies de recours dans le pays de prise en charge, que les autorités roumaines procèdent à l'éloignement de M. C...vers la Syrie ;

12. Considérant que la suspension, par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 16 novembre 2013, d'une décision du préfet de la Seine-Maritime prononçant de nouveau la réadmission de M. C...vers la Roumanie est par elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 13 août 2013 attaqué ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 13 août 2013 prononçant sa remise aux autorités roumaines ;

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 13 que M. C...n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision d'assignation à résidence, de l'illégalité de la décision de remise aux autorités roumaines ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 relatif aux modalités du transfert : " 1. Le transfert vers l'État responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : / a) à l'initiative du demandeur (...); / b) sous la forme d'un départ contrôlé (...) ; / c) sous escorte (...) " ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : / (...) / 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) " ;

17. Considérant que la seule circonstance que M. C...se soit présenté aux différentes convocations de la préfecture de la Seine-Maritime dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile n'a pas pour effet d'entacher d'erreur d'appréciation la décision de l'assigner à résidence, ni de faire obstacle à ce que M. C...quitte le territoire français pour la Roumanie de sa propre initiative ou sous la forme d'un départ contrôlé ainsi que prévu par les dispositions précitées du règlement (CE) n° 1560/2003 ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions de remise aux autorités roumaines et d'assignation à résidence prises à l'encontre de M. C...;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

19. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées par Me D...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 19 août 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant à l'annulation des décisions de remise aux autorités roumaines et d'assignation à résidence prises à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...C...et à Me B...D....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°13DA01587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA01587
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Erstein
Rapporteur ?: M. Jean-Michel Riou
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : VEYRIERES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-09-25;13da01587 ?
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