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12/12/2014 | FRANCE | N°13DA00713

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 12 décembre 2014, 13DA00713


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2013, présentée pour M. A...B...et M. C... B..., demeurant..., et la SNC B..., dont le siège est 122 chemin du Vieux Moulin à Roncherolles-sur-le-Vivier (76160), par la SCP Silie, Verilhac et associés ;

MM. B... et la SNC B...demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement nos 1101123-1103539 du 14 mars 2013 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a notamment, par son article 2, limité la condamnation de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier à verser à la SNC B...la somme de 10 000 euros et, par son article 4, rejet

é le surplus des conclusions qu'ils avaient présentées ;

2°) de condamn...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2013, présentée pour M. A...B...et M. C... B..., demeurant..., et la SNC B..., dont le siège est 122 chemin du Vieux Moulin à Roncherolles-sur-le-Vivier (76160), par la SCP Silie, Verilhac et associés ;

MM. B... et la SNC B...demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement nos 1101123-1103539 du 14 mars 2013 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a notamment, par son article 2, limité la condamnation de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier à verser à la SNC B...la somme de 10 000 euros et, par son article 4, rejeté le surplus des conclusions qu'ils avaient présentées ;

2°) de condamner la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier à verser, d'une part, à la SNC B...la somme complémentaire de 270 000 euros et, d'autre part, à MM. A...et C...B..., à chacun, la somme de 12 250 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier la somme de 2 000 euros, chacun, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- faute d'avoir pris les mesures permettant le rétablissement de la circulation sur le pont, ouvrage public, qui constitue l'unique voie de passage pour leurs véhicules, la commune a engagé sa responsabilité ;

- les arrêtés pris pour limiter le tonnage admis sur le pont sont disproportionnés et ne prévoient pas la possibilité d'une sortie unique ;

- ils n'ont commis aucune faute exonératoire de la responsabilité communale ;

- la responsabilité de la commune est engagée pour rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que le préjudice subi par la SNC B...est anormal ;

- la SNC B...a subi des préjudices résultant de la paralysie de son activité commerciale correspondant à des dépenses supplémentaires exposées pour faire face à cette situation, à des charges indues, à une perte d'image vis-à-vis de sa clientèle, au risque de perte de ses licences de transport, et aux vols subis sur le matériel stocké de force sur place ;

- MM. B...ont subi un préjudice moral et une perte de droits à la retraite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2013, présenté pour la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier, représentée par son maire en exercice, par la SELARL Laporte, Vermont et associés, qui conclut ;

1°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 du jugement nos 1101123-1103539 du 14 mars 2013 du tribunal administratif de Rouen qui l'a condamnée à verser à la SNC B...une somme de 10 000 euros, ou à la réformation du jugement ;

2) au rejet des prétentions des appelants ;

3°) à la mise à la charge de la SNCB..., de M. A...B...et de M. C...B...de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- les pertes subies sont uniquement imputables à la SNC B...et à ses dirigeants ;

- la SNC B...et MM. B...ne justifient pas avoir subi de préjudices ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 février 2014, présenté pour MM. B...et la SNC B... qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, et portent leurs demandes indemnitaires à la somme de 300 000 euros au bénéfice de la SNCB..., et demandent, en outre, la condamnation de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier à la somme supplémentaire de 500 000 euros ;

Ils font valoir que cette somme complémentaire correspond au montant des travaux à effectuer pour permettre l'ouverture du pont à la circulation routière sans restriction de poids ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2014, présenté pour la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier, par la SELARL Vermont, Trestard, Gomond, Laporte et associés, qui porte sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 3 000 euros, demande le rejet des conclusions indemnitaires nouvelles présentées par la SNCB... et maintient le surplus de ses conclusions par les mêmes moyens ;

Elle soutient que la demande indemnitaire de la SNC B...tendant à sa condamnation à la somme de 500 000 euros est irrecevable comme nouvelle en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 13 novembre 2014 du président de la cour désignant M. Laurent Domingo pour exercer les fonctions de rapporteur public à l'audience du 27 novembre 2014 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public,

- et les observations de Me Marie Verilhac, avocat de MM. B... et de la SNCB..., et de Me Jérôme Vermont, avocat de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier ;

Sur les conclusions indemnitaires nouvelles :

1. Considérant que les conclusions, figurant dans le mémoire enregistré le 7 février 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, et tendant à la condamnation de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier à verser à la SNC B...la somme supplémentaire de 500 000 euros, n'ont, en tout état de cause, pas été présentées en première instance ; qu'elles ne correspondent pas à une aggravation des préjudices nés, selon les intéressés, de la dégradation du pont et de sa fermeture temporaire à la circulation des véhicules poids lourds de plus de 3,5 tonnes, dont seule l'indemnisation avait été recherchée devant les premiers juges ; qu'elles se fondent sur une situation nouvelle créée, après la restauration du pont qui a pris fin en juillet 2012, par l'édiction d'un nouvel arrêté pris par les maires des communes limitrophes de Darnétal et de Roncherolles-sur-le-Vivier, interdisant la circulation sur le pont aux véhicules poids lourds de plus de 29 tonnes ; qu'ainsi, ces conclusions, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent être, pour ce motif, rejetées ;

Sur les autres conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la faute retenue par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un rapport rendu le 8 février 2011 par le centre d'études techniques de l'équipement (CETE), que l'état de délabrement du pont sur le Robec était tel qu'une limitation de son franchissement était rendue indispensable ; qu'en y interdisant la circulation aux véhicules de plus de 3,5 tonnes, dans l'attente de sa restauration, la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier n'a pas pris une mesure disproportionnée aux risques d'effondrement constatés par les services techniques ; que s'il est vrai que cette interdiction rendait alors impossible la circulation des véhicules poids lourds de première catégorie que la SNC B...avait l'habitude de stationner, de l'autre côté du pont, sur un terrain lui appartenant situé 122 chemin du Vieux Moulin à Roncherolles-sur-le-Vivier, cette circonstance ne rendait toutefois pas à elle seule illégale l'interdiction édictée, alors même que le pont constituait l'unique voie de sortie de ces véhicules, dès lors que la mesure était, ainsi qu'il a été dit, justifiée par des risques avérés d'atteinte à la sécurité publique ; qu'en outre, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rouen, il n'appartenait pas à l'autorité municipale de faire preuve de diligences particulières pour assurer la sortie des véhicules de la société ; qu'en revanche, il lui appartenait, saisie par la société d'une demande exceptionnelle de dérogation à la mesure de police présentée en vue d'assurer la sortie des véhicules de leur enclavement, d'examiner la possibilité d'une telle dérogation au regard des nécessités de l'ordre public ; qu'il résulte de l'instruction que, prenant en compte la situation de l'entreprise, la commune a pris l'initiative de plusieurs propositions destinées à aménager notamment, en avril 2011 ou en juillet 2011, une sortie exceptionnelle de l'ensemble des véhicules de la société entreposés au-delà du pont, moyennant des mesures de consolidation temporaire du tablier de l'ouvrage ; que la société s'y est toutefois refusée à raison des craintes d'effondrement alléguées ou de restrictions tenant aux modalités de contrôle des chronotachygraphes, sans proposer d'autres solutions alternatives réalisables ; qu'ainsi, et dans les circonstances de l'espèce, le maire de la commune n'a pas fait un usage illégal des pouvoirs généraux de police, ni de ceux concernant la circulation des véhicules, qu'il tient du code général des collectivités territoriales, et ce, alors même que les arrêtés de police municipaux successifs qui sont intervenus, au cours de la période d'avril 2011 à juillet 2012, date à laquelle le pont a été consolidé, n'étaient pas assortis de dérogations prévoyant explicitement la possibilité d'une sortie exceptionnelle des véhicules de la société ; que, par suite, la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer sa condamnation à indemniser la SNCB..., le tribunal administratif de Rouen a retenu que le retard de la commune dans la mise en place de modalités de sortie des véhicules constituait une faute dans l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens reposant sur la responsabilité sans faute ou pour faute de la commune soulevés par MM. B...et la SNC B...devant la juridiction administrative ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

4. Considérant, en premier lieu, que les mesures légalement prises, dans l'intérêt général, par les autorités de police peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal, grave et spécial ;

5. Considérant que le pont sur le Robec, construit en 1847 à des fins privées, n'avait pas été conçu pour supporter une circulation régulière de véhicules de fort tonnage et n'avait pas été renforcé par la SNC B...en fonction de l'évolution de son activité ; que le rapport du CETE, mentionné au point 2, a indiqué que les structures de l'ouvrage avaient été fragilisées par le passage répété de ce type d'engins ; que, dès lors, l'état du pont résultait en grande partie des caractéristiques de l'ouvrage initial, de taille réduite, et des conditions de son utilisation, par des engins de grand gabarit, pour les besoins de l'activité exercée par la SNCB..., sans que la société qui en avait revendiqué la propriété, avant d'y renoncer dans la période récente, assure son entretien ; que, par suite, la survenance des dégradations affectant le pont et l'obligation de sa fermeture temporaire à la circulation des véhicules poids lourds pour permettre sa conservation et sa restauration n'ont excédé qu'en partie les aléas que comportait nécessairement son usage par la SNCB... ; que, dans ces conditions et compte tenu des justificatifs produits par la société, il ne résulte pas de l'instruction que la paralysie de la partie de l'activité de la société liée à l'utilisation des véhicules de première catégorie, stationnés au 122 chemin du Vieux Moulin à Roncherolles-sur-le-Vivier, présente, pendant la période de restriction de la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes, un caractère de gravité tel que le préjudice spécial subi par la SNC B...devrait être regardé comme une charge ne lui incombant normalement pas ; qu'en outre, et ainsi qu'il a été dit au point 2, la paralysie de cette partie de l'activité de la société résulte également du comportement de celle-ci qui n'a pas donné suite aux solutions de sortie des véhicules proposées par la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier, alors même qu'il n'est pas établi qu'elles s'avéraient inappropriées ; que, par suite, la SNC B...n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de cette commune pour rupture du principe d'égalité devant les charges publiques à raison des arrêtés de police légalement pris ; qu'enfin, les préjudices personnels dont MM. B...se prévalent ne présentent pas de lien de causalité suffisamment direct avec le dommage invoqué ;

6. Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point précédent, ni la SNCB..., ni MM. B...ne sont fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier pour rupture du principe d'égalité devant les charges publiques à raison de l'état du pont à compter de son incorporation dans le domaine public communal comme voie communale ;

En ce qui concerne les autres moyens présentés au titre de la responsabilité pour faute :

7. Considérant qu'avant son incorporation dans le domaine public comme voie communale, le pont prolongeant un chemin rural relevait à ce titre du domaine privé de la commune, conformément aux dispositions de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime ; que cette collectivité n'avait donc pas d'obligation d'entretien en vertu de l'article L. 161-5 du même code ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier aurait cherché, notamment dans l'exercice des prérogatives qui lui sont confiées, à nuire à l'activité de l'entreprise B... ou à celle de ses dirigeants ; que, par suite, MM. B...et la SNC B...ne sont pas fondés à soutenir que cette commune aurait commis une faute à ce titre ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier est fondée, par son appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à indemniser la SNC B...et, d'autre part, que les conclusions indemnitaires, tendant à la réformation des articles 2 et 4 du même jugement, présentées, au titre de son appel principal, par MM. B...et la SNCB..., doivent être rejetées ; que les articles 3 et 5 du jugement relatifs aux conclusions présentées en première instance par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative doivent, par voie de conséquence, être annulés ;

10. Considérant que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative par les appelants, qui sont parties perdantes, doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidaire de ces derniers une somme de 2 000 euros réclamée par la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier sur le fondement de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. B... et de la SNC B...est rejetée.

Article 2 : Les articles 2 à 5 du jugement du 14 mars 2013 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 3 : MM. B...et la SNC B...verseront solidairement à la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à M. C... B..., à la SNC B...et à la commune de Roncherolles-sur-le-Vivier.

Délibéré après l'audience publique du 27 novembre 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Michel Riou, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 décembre 2014.

Le président-rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Sylviane Dupuis

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N°13DA00713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00713
Date de la décision : 12/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-03-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Conception et aménagement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Domingo
Avocat(s) : SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-12;13da00713 ?
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