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31/12/2014 | FRANCE | N°13DA00953

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 31 décembre 2014, 13DA00953


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...D...; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101462 du 2 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de la justice rejetant implicitement sa demande d'indemnisation relative à ses conditions de détention au sein de la maison d'arrêt d'Evreux, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a su

bi et, enfin, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...D...; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101462 du 2 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de la justice rejetant implicitement sa demande d'indemnisation relative à ses conditions de détention au sein de la maison d'arrêt d'Evreux, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi et, enfin, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ses conditions de détention dégradantes ;

4°) d'enjoindre à l'Etat d'effectuer les travaux nécessaires afin de rendre la maison d'arrêt d'Evreux conforme aux prescriptions du règlement sanitaire départemental, sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A... a été incarcéré à... ; qu'après avoir présenté une réclamation préalable, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande indemnitaire, laquelle a été rejetée par un jugement du 2 mai 2013 ; que M. A..., qui sollicite la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi lors de sa détention, fait appel de ce jugement ;

2. Considérant que la requête de M.A..., qui tend à l'engagement de la responsabilité de l'Etat, a le caractère d'un recours de plein contentieux ; que, dans le cadre d'un tel recours, le juge ne se borne pas à apprécier la légalité de la décision rejetant la demande d'indemnisation du demandeur, mais se prononce sur les mérites de la demande indemnitaire de l'intéressé ; que, dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir ni du défaut de motivation de la décision implicite ayant rejeté sa demande d'indemnisation, ni de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il en résulte comme le rappelle désormais l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009, que tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ; qu'en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap et de leur personnalité, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes ; que des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des articles D. 349 à D. 351, révèleraient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ;

4. Considérant, en premier lieu, que si la sur-occupation d'une seule et même cellule, par plusieurs détenus, peut, en raison des conditions et des modalités de cette occupation au regard notamment du nombre de détenus, de la superficie de cette cellule et des caractéristiques de ses aménagements, être de nature à établir l'existence de traitements inhumains et dégradants, le défaut de détention en cellule individuelle ne saurait, en tant que tel, constituer une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, M. A...ne peut utilement se prévaloir des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants, selon lesquelles chaque détenu devrait disposer d'une superficie de 7 m², qui, en tout état de cause, n'ont qu'une valeur de recommandation, ni des principes affirmés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, indépendamment de toute appréciation concrète des modalités et conditions de détention effectives qui lui ont été réservées dans chacune des cellules qu'il a occupées et qui caractériseraient les atteintes invoquées ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M.A..., qui a été détenu à la maison d'arrêt d'Evreux pendant la période du 13 avril 2010 au 4 août 2010, a tout d'abord occupé seul la cellule EPQ 105 du quartier des arrivants pendant une journée avant qu'un autre détenu y soit également affecté à partir du 14 avril 2010, puis un autre détenu à compter du 16 avril 2010, de telle sorte que cette cellule de 9 m² a été occupée par trois personnes du 16 avril 2010 au 22 avril 2010, date à laquelle le requérant a été transféré dans une autre cellule de même superficie en compagnie d'un autre prisonnierdétenu à... ; que sur sa demande, il a été ensuite affecté le 11 mai 2010 à la cellule EGQ 112 d'une superficie de 9 m² qu'il a partagée avec un autre détenu jusqu'au 27 mai suivant ; qu'à cette date, et toujours à sa demande, il a intégré la cellule EGQ 209 qu'il a occupée avec un compagnon de cellule jusqu'à la date de sa libération intervenue le 4 août 2010 ; que l'intéressé, qui n'a jamais invoqué de problèmes de santé et n'a d'ailleurs pas sollicité le bénéfice d'une cellule individuelle, a ainsi disposé pendant la majeure partie de son incarcération d'un espace personnel équivalent à environ 4,5 m² ; que si cet espace est effectivement très restreint, cet état de fait ne saurait à lui seul constituer un traitement dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans l'apprécier avec d'autres éléments tirés notamment des possibilités d'aération, d'éclairage ou des aspects de la vie en détention ; qu'à cet égard, outre que M. A...avait la faculté de bénéficier d'une promenade quotidienne de trois heures et qu'il a suivi une formation en hygiène et sécurité du 29 avril au 20 mai 2010 qui le maintenait en dehors de sa cellule, il est constant que les cellules occupées successivement par l'intéressé étaient équipées de fenêtres d'une dimension de 1,70 m de long pour une largeur de 1,20 m permettant d'assurer un renouvellement d'air dont les dispositions des articles D. 350 et D. 351 du code de procédure pénale n'exigent pas qu'il soit assuré par un système de ventilation mécanique ; que la luminosité des cellules est complétée par des néons fixés au plafond alors que leur chauffage s'effectue par des tuyaux qui les traversent ; que M. A... ne saurait, en outre, mettre en cause l'absence d'eau chaude dans les cellules et les douches collectives que les détenus ont la faculté d'utiliser au moins trois fois par semaine, alors que le système de distribution d'eau chaude, révisé en 2009, a été mis en service à partir du mois d'avril 2010 soit antérieurement à son arrivée et que l'existence de dysfonctionnements lors de son incarcération n'est pas établie par les pièces du dossier ; que les douches collectives, rénovées au cours du premier semestre 2007, se composent de cinq cabines avec cloison carrelée et dalle de sol en plastique, la ventilation étant assurée par une grille d'aération ; que si les sanitaires ne font effectivement pas l'objet d'un cloisonnement total, la garde des sceaux relève à juste titre qu'il est, en tout état de cause, impossible d'y procéder pour des motifs liés tant à la sécurité des membres de l'administration pénitentiaire, qui n'ont ainsi pas à pénétrer systématiquement dans les cellules pour s'assurer de la présence des détenus, qu'à celle des prisonniers dans le cadre notamment de la prévention des risques de suicide ; qu'il résulte de surcroît de l'instruction, que les sanitaires des cellules en cause font cependant l'objet d'un cloisonnement partiel par le biais de portes battantes permettant de favoriser un minimum d'intimité ; que, dès lors, M. A... n'établit pas que ses conditions d'incarcération à la maison d'arrêt d'Evreux auraient été contraires aux dispositions du code de procédure pénale et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et auraient été de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

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N°13DA00953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00953
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : ARAKELIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-31;13da00953 ?
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