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22/01/2015 | FRANCE | N°14DA00810

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 22 janvier 2015, 14DA00810


Vu, I, sous le n° 14DA00810, le recours enregistré le 13 mai 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201640 du 13 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen qui a annulé, à la demande de M. A...B..., l'arrêté du 21 mars 2012 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'intérêt général et approuvé les travaux prévus par le programme pluriannuel de restauration et d'entretien de la rivière l'Iton ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le t

ribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment ...

Vu, I, sous le n° 14DA00810, le recours enregistré le 13 mai 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201640 du 13 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen qui a annulé, à la demande de M. A...B..., l'arrêté du 21 mars 2012 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'intérêt général et approuvé les travaux prévus par le programme pluriannuel de restauration et d'entretien de la rivière l'Iton ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les travaux en litige sont des travaux d'entretien qui, en application de l'article R. 122-4 du code de l'environnement, sont dispensés d'étude d'impact ;

- les actions identifiées par le préfet comme n'entrant pas dans la catégorie des travaux d'entretien n'avaient pas, compte tenu de leur coût et du seuil financier applicable, à être précédées d'une étude d'impact ;

- pour le surplus, il reprend à son compte les observations produites en première instance par le préfet de l'Eure ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2014, présenté pour M. A... B..., par la SELARL Baugas, qui conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- l'arrêté attaqué qualifie à tort l'ouvrage hydraulique (OH) 115, correspondant à un ancien fossé créé de main d'homme, de cours naturel de la rivière ;

- le choix du tracé retenu par l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 janvier 2015, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu, II, sous le n° 14DA00830, le recours enregistré le 15 mai 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-5 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement n° 1201640 rendu le 13 mars 2014 par le tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que les moyens de sa requête d'appel sont sérieux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2014, présenté pour M. A... B..., par la SELARL Baugas, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juillet 2014, présenté pour M. B... qui porte ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 2 000 euros et, pour le surplus, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 janvier 2015, présentée pour M.B... ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,

- et les observations de Me Pierre Baugas, avocat de M.B... ;

1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 21 mars 2012 par lequel le préfet de l'Eure avait déclaré d'intérêt général et approuvé les travaux prévus par le programme pluriannuel de restauration et d'entretien de la rivière l'Iton, le tribunal administratif de Rouen, après avoir cité les dispositions des articles L. 122-1, R. 122-4 et R. 122-8 du code de l'environnement, s'est fondé sur le coût des travaux " programmés " par le préfet d'un montant selon lui de plus de 2,6 millions d'euros et n'a pas précisé les raisons qui expliquent la qualification donnée à la nature des travaux, ouvrages ou aménagements au regard de ces mêmes dispositions ; que la seule considération de leur montant ne suffit pas à justifier la solution retenue ; que, par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est insuffisamment motivé, doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur le défaut d'étude d'impact :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. Ces projets sont soumis à étude d'impact en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 122-4 du même code dans leur rédaction alors applicable : " Ne sont pas soumis à la procédure d'étude d'impact les travaux d'entretien et de grosses réparations, quels que soient les ouvrages ou aménagements auxquels ils se rapportent. Les travaux de modernisation et de renforcement mentionnés à l'article R. 122-5 ne font l'objet d'une étude d'impact que lorsqu'ils dépassent les seuils fixés à l'article R. 122-8 " ; qu'en vertu du I de l'article R. 122-8 du même code : " (...) Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact, sous réserve des dispositions de l'article R. 122-9, les aménagements, ouvrages et travaux dont le coût total est inférieur à 1 900 000 euros. En cas de réalisation fractionnée, le montant à retenir est celui du programme général de travaux " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 215-14 du code de l'environnement : " Sans préjudice des articles 556 et 557 du code civil et des chapitres Ier, II, IV, VI et VII du présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d'eau. L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article " ;

6. Considérant que les travaux en litige se répartissent, en premier lieu, en des travaux de restauration de la continuité écologique, en deuxième lieu, en des travaux de restauration de la ripisylve et, en dernier lieu, en des travaux d'entretien et de surveillance du cours d'eau, pour un montant total d'environ 3 millions d'euros sur cinq ans ; qu'ils s'inscrivent dans les objectifs d'une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, fixés par l'article L. 211-1 du code de l'environnement, et notamment ceux de restauration de la qualité des eaux et de rétablissement de la continuité écologique des eaux superficielles au sein d'un bassin hydrographique, conformément aux 3° et 7° de cet article ; que le préfet de l'Eure faisait valoir devant le tribunal qu'ils correspondaient pour l'essentiel à la notion d'entretien régulier des cours d'eau définie à l'article L. 215-14 du même code précité et que la programmation de travaux d'une autre nature n'imposait pas la réalisation d'une étude d'impact, dès lors que leur montant demeurait inférieur au seuil fixé à l'article R. 122-8 du code de l'environnement ; que, tant en première instance qu'en appel, M. B...ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause tant le chiffrage que la classification des travaux projetés au regard des dispositions des articles R. 122-4 et R. 122-8 du code de l'environnement, tels qu'ils ont été retenus par le préfet de l'Eure ; que, dès lors et alors même qu'ils ne figurent pas parmi les travaux dispensés d'étude d'impact en vertu de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble de ces opérations correspondaient à des travaux de modernisation et de renforcement ou que la part qui correspondrait à de tels travaux aurait été d'un montant supérieur ou égal à 1 900 000 euros pour l'application des dispositions de l'article R. 122-8 du même code ; que, dès lors, ils n'avaient pas à être précédés d'une étude d'impact ; que, par suite, le moyen de M. B...tiré du vice de procédure pour défaut d'étude d'impact doit être écarté ;

Sur le vice entachant l'enquête publique :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / (...) / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet " ;

8. Considérant que si le commissaire enquêteur n'a pas, en méconnaissance des dispositions précitées, consigné ses observations dans un document séparé du rapport, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance aurait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou aurait privé les intéressés d'une garantie ; que, par suite, le moyen de M. B...tiré d'un vice de procédure entachant le déroulement de l'enquête publique doit être écarté ;

Sur la qualification erronée du cours de l'Iton aux droits des parcelles de M. B... :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la quasi-totalité du débit de l'Iton s'écoule via un fossé constituant le point bas de la vallée, au travers des parcelles appartenant à M.B... ; qu'à supposer que, dans les années 1970, ce fossé servait uniquement à décharger occasionnellement l'Iton en période de crue, il constitue désormais l'un des cours de la rivière et permet l'écoulement naturel des eaux ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral aurait à tort incorporé dans le programme pluriannuel de restauration et d'entretien " l'ancien fossé " traversant ses parcelles comme faisant partie du cours naturel de l'Iton ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

10. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions du recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 14DA00830 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Article 2 : Le jugement du 13 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à M. A... B....

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Michel Riou, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 janvier 2015.

Le président-rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Sylviane Dupuis

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Nos14DA00810,14DA00830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00810
Date de la décision : 22/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-03 Eaux. Travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : SELARL BAUGAS ; SELARL BAUGAS ; SELARL BAUGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-01-22;14da00810 ?
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