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30/04/2015 | FRANCE | N°12DA00840

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 30 avril 2015, 12DA00840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation solidaire de la SNC Appia Artois, de la SA Colas Nord-Picardie, de la SNC Cochery Bourdin Chaussée et de la SA Screg Nord-Picardie à verser à l'Etat la somme de 1 931 642,06 euros toutes taxes comprises (TTC) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2005, en réparation des désordres sur la chaussée de la route

nationale 17 entre Arras et Lens et la mise à la charge solidaire de ces sociét...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation solidaire de la SNC Appia Artois, de la SA Colas Nord-Picardie, de la SNC Cochery Bourdin Chaussée et de la SA Screg Nord-Picardie à verser à l'Etat la somme de 1 931 642,06 euros toutes taxes comprises (TTC) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2005, en réparation des désordres sur la chaussée de la route nationale 17 entre Arras et Lens et la mise à la charge solidaire de ces sociétés d'une somme de 45 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 0507448 du 27 mars 2012, le tribunal administratif de Lille a condamné solidairement ces sociétés à verser à l'Etat, pour les désordres affectant les surfaces nécessitant des purges profondes, la somme de 192 965,23 euros hors taxe (HT), assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2005, ces intérêts étant capitalisés à compter du 16 décembre 2010. Il a également mis à la charge solidaire de ces sociétés les frais d'expertise taxés et liquidés à hauteur de 96 503 euros TTC et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 8 juin 2012, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 juillet 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a limité à la somme de 192 965,23 euros HT l'indemnité au versement de laquelle ont été condamnées les sociétés précitées ;

2°) de condamner solidairement la SNC Eiffage Travaux Publics Nord venue aux droits de la société Appia Artois, - elle-même venue aux droits de la SNC Beugnet -, la SA Colas Nord-Picardie, la SNC Cochery Bourdin Chaussée et la SA Screg Nord-Picardie, à verser à l'Etat la somme complémentaire de 895 069,60 euros hors taxe (HT) en réparation des désordres affectant les surfaces nécessitant des purges superficielles.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, et notamment son article 18 ;

- le décret n° 2005-1499 du 5 décembre 2005 ;

- l'arrêté du préfet du Pas de Calais du 19 décembre 2005 portant constatation du transfert de routes nationales au département du Pas-de-Calais ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Michel Riou, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,

- et les observations de Me B...C..., représentant les sociétés intimées.

1. Considérant que, par un marché signé le 16 décembre 1993, l'Etat a confié au groupement composé, d'une part, de la société Beugnet, aux droits de laquelle est venue la société Appia Artois puis la société Eiffage Travaux Publics Nord et, d'autre part, de la société Colas Nord-Picardie, de la Société Screg Nord-Picardie et de la société Cochery Bourdin Chaussée, l'exécution des travaux d'aménagement de la route nationale (RN) 17 entre Arras et Lens à la hauteur du raccordement à l'autoroute A 26 ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à la direction départementale de l'équipement du Pas-de-Calais et la mise en circulation de cette voie a débuté le 2 octobre 1996, la réception sans réserve ayant été prononcée le 27 mai 1997 avec effet rétroactif au 16 octobre 1996 ; que, toutefois, eu égard à l'apparition de désordres affectant la voie, le ministre de l'équipement, du logement et des transports a obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Lille la désignation d'un expert, M.A..., qui a déposé son rapport le 6 juillet 2007 ; qu'en se fondant sur ce rapport d'expertise, l'Etat a recherché la réparation de deux types de désordres apparus à la suite des travaux d'aménagement de la voie réalisés par le groupement, ceux nécessitant, d'une part, des purges profondes sur une surface de 2 245 m² et, d'autre part, des purges superficielles sur une surface de 15 826,50 m² ; qu'à la suite de la demande enregistrée le 16 décembre 2005, présentée par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 27 mars 2012, a condamné solidairement la société Beugnet, la société Colas Nord-Picardie, la Société Screg Nord-Picardie et la société Cochery Bourdin Chaussée, membres du groupement d'entreprises, par son article 1er, à verser à l'Etat, en réparation des désordres affectant les surfaces nécessitant des purges profondes, une somme de 192 965,23 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2005 et de la capitalisation de ces intérêts au même taux à compter du 16 décembre 2010 et, par son article 2, a mis à leur charge solidaire les frais d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du 6 septembre 2007 à la somme de 96 503 euros TTC ; que, par son article 4, il a notamment rejeté la demande de réparation des désordres nécessitant des purges superficielles comme ne relevant pas de la responsabilité décennale des constructeurs ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel de ce jugement en ce que, par son article 4, il a exclu de la condamnation prononcée le coût des désordres affectant les surfaces nécessitant des purges superficielles ; que le groupement des constructeurs présente des conclusions d'appel incident tendant, à titre principal, à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement et, à titre subsidiaire, à leur réformation ;

Sur l'appel principal relatif aux désordres nécessitant des purges superficielles :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise précité, que les portions de voie, dont la couche de roulement présente des fissurations nécessitant des purges superficielles, représentaient environ un dixième de la surface totale de la chaussée et que ces désordres n'ont pas modifié les conditions d'utilisation de la route pour les véhicules en impliquant notamment une limitation permanente et supplémentaire de vitesse ; que le ministre n'établit pas, par le seul constat effectué en juin 2008, soit antérieurement aux travaux d'entretien de l'ouvrage entrepris plus de douze ans après la réception de ce dernier, une dégradation générale de l'état de la chaussée et ne démontre pas davantage que les défauts de surface constatés ont de manière certaine affecté la structure de la voie dès lors que leur réparation n'ont nécessité, postérieurement au délai d'épreuve, que des purges superficielles ; qu'enfin, il ne résulte ni du rapport de l'expert ni des autres pièces produites au cours de l'instruction que les désordres en cause auraient contraint le gestionnaire de la route à des réparations prématurées ou ayant excédé l'entretien normal de l'ouvrage ; que, dès lors, ces désordres, qui n'ont pas été de nature à rendre la chaussée impropre à sa destination ou à en compromettre la solidité, n'engagent pas la responsabilité décennale des constructeurs ; que, par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a exclu de la garantie décennale des constructeurs les désordres affectant les surfaces nécessitant des purges superficielles, situées dans la partie de la voie continuant à relever de la propriété de l'Etat ;

Sur l'appel incident relatif à l'existence d'un préjudice de l'Etat pour les surfaces nécessitant des purges profondes :

3. Considérant qu'aux termes du III de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 : " .-A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. / (...) / Ce transfert est constaté par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d'Etat mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l'année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 5 décembre 2005 relatif à la consistance du réseau routier national, visé ci-dessus : " Le réseau routier national est constitué des itinéraires suivants (...) : / - la route nationale 17 entre la route nationale 425 et l'autoroute A 211 puis l'autoroute A 21 à Lens ; (...) / Les routes nationales susmentionnées cesseront d'appartenir au réseau routier national au fur et à mesure de la mise en service des sections correspondantes de l'autoroute A 24 " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2005 portant constatation du transfert de routes nationales au département du Pas-de-Calais, visé ci-dessus : " Est constaté le transfert dans le réseau routier départemental, avec leurs dépendances et accessoires, des voies suivantes : (...) / - la RN 17, dans sa partie Sud, du département de la Somme à Arras (à l'exclusion de l'ouvrage de franchissement de la RN 425 par la RN 17), soit du PR 0 au PR 33 + 140 ; - la RN 17, dans sa partie Nord, de l'A 21 à l'A 1 (carrefour giratoire de Libercourt RN 17 / RD 919 / bretelle A 1), soit du PR 48 au PR 59 + 500 ; (...) " ;

4. Considérant que l'autoroute A 24 n'ayant pas été réalisée, la portion de route située entre le PR 33 + 140 et les bretelles de la RN 17 vers l'A 26 n'a pas, au regard des dispositions précitées du décret du 5 décembre 2005 et de l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2005, cessé de relever du réseau routier national ; qu'en revanche, la partie de la route nationale 17, affectée de désordres, comprise entre le PR 32 + 090 et le PR 33 + 140, relève, depuis le 5 décembre 2005, du réseau routier départemental ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que tous les désordres nécessitant des purges profondes affectent le tronçon situé entre les points de repère PR 32 + 090 et PR 33 + 140, soit ainsi qu'il vient d'être dit dans la partie transférée au département du Pas-de-Calais ; que si les dispositions précitées ont substitué, pour cette partie de la route nationale 17, le département dans les droits de l'Etat notamment en ce qui concerne les actions en responsabilité à l'égard des constructeurs engagées dans le cadre de la garantie décennale, ces mêmes dispositions n'ont pas eu pour objet ou pour effet de priver le propriétaire qui aurait subi, avant le transfert de compétence, un préjudice propre du fait de la carence des constructeurs, de demander à ces derniers réparation de ce préjudice ; que, toutefois, le marché de travaux de réfection de la voie, conclu le 13 octobre 2008 par l'Etat et produit par ce dernier dans le présent litige, avait pour objet la réfection de la chaussée à partir du point de repère PR 33 + 140 ; que l'Etat ne démontre pas avoir engagé des travaux de réfection en purges profondes pour cette partie du réseau ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du groupement d'entreprises, par la voie de son appel incident, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à l'Etat la somme de 192 965,23 euros hors taxe assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

Sur les frais d'expertise :

5. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, les frais d'expertise ; que, par suite, les sociétés intimées sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille les a mis à leur charge ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser aux sociétés Eiffage Travaux Publics Nord, Colas Nord-Picardie, Cochery Bourdin Chaussée et Screg Nord-Picardie au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 96 503 euros sont mis à la charge de l'Etat.

Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement du 27 mars 2012 du tribunal administratif de Lille sont annulés et, dans la même mesure, la demande présentée par l'Etat devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 4 : L'Etat versera la somme globale de 2 000 euros aux sociétés Eiffage Travaux Publics Nord, Colas Nord-Picardie, Cochery Bourdin Chaussée et Screg Nord-Picardie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et aux sociétés Eiffage Travaux Publics Nord, Colas Nord-Picardie, Cochery Bourdin Chaussée et Screg Nord-Picardie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00840
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Jean-Michel Riou
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : LE BRIQUIR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-04-30;12da00840 ?
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