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07/05/2015 | FRANCE | N°14DA01012

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 mai 2015, 14DA01012


Vu la décision n° 359739 du 11 juin 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 11DA01015 du 22 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Douai et renvoyé l'affaire à la cour ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 3 octobre 2014, présentés pour Mme L...J..., Mme G...N..., Mme H...M..., M. KamelM..., M. HamedM..., Mme I...M..., Mme D...M..., M. A...M..., M. F...M..., Mme K...M...-O..., Mme E...M..., élisant domicile... ; les consorts M...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n

0900036 du 11 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rej...

Vu la décision n° 359739 du 11 juin 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 11DA01015 du 22 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Douai et renvoyé l'affaire à la cour ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 3 octobre 2014, présentés pour Mme L...J..., Mme G...N..., Mme H...M..., M. KamelM..., M. HamedM..., Mme I...M..., Mme D...M..., M. A...M..., M. F...M..., Mme K...M...-O..., Mme E...M..., élisant domicile... ; les consorts M...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900036 du 11 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser, d'une part, à Mme J...la somme de 20 000 euros et à chacun des autres requérants la somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice moral subi du fait du décès d'HocineM..., leur fils et frère au centre pénitentiaire de Loos et, d'autre part, la somme de 3 000 euros au titre des frais funéraires restés à leur charge ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser ces indemnités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me Sophie Legrand, avocat des consorts M...;

1. Considérant qu'Hocine M...souffrait depuis 1982 d'une pathologie psychiatrique lourde comportant notamment un délire de persécution associé à des troubles du comportement, ayant donné lieu, avant son incarcération, à de nombreux placements dans des établissements hospitaliers spécialisés ; qu'incarcéré depuis le 11 décembre 2012, son état mental s'est encore gravement dégradé au point que l'administration pénitentiaire a été conduite, à plusieurs reprises à compter du mois de novembre 2005, à demander son hospitalisation d'office en urgence au motif qu'il était totalement perturbé et imprévisible, n'ayant plus sa place en milieu pénitentiaire ; qu'Hocine M...a finalement été hospitalisé d'office du 20 janvier 2006 au 13 février 2006 puis est retourné en détention ; qu'il s'est suicidé par pendaison dans sa cellule dans la nuit du 26 au 27 mars 2006 au centre de détention de Loos ;

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que si Hocine M...était soumis à une surveillance particulière lors de ses mouvements hors cellule, il est constant qu'il n'était soumis à aucune surveillance dans sa cellule alors même qu'il avait déjà été gravement brûlé en septembre 2003 à la suite d'un incendie qu'il y avait allumé ; qu'alors qu'un rapport du 18 novembre 2005 du médecin psychiatre en vue de son hospitalisation d'office évoquait une " situation intolérable " et un risque de passage à l'acte auto-agressif, l'intéressé a été placé à sept reprises en quartier disciplinaire pendant soixante et onze jours entre le 10 novembre 2005 et le 17 janvier 2006 à raison de dégradations graves et répétées et de violences commises ; que durant son hospitalisation d'office à compter du 24 janvier 2006, au cours de laquelle il avait été traité par neuroleptiques retard, il a été maintenu en contention des quatre membres ; que la demande du 13 février de levée de cette hospitalisation a été formulée sous la condition expresse d'une prise en charge au sein du service médico-psychiatrique régional de la maison d'arrêt, " pour consolidation de son état " ; qu'il est retourné en détention et a fait l'objet d'un suivi par un médecin psychiatre à six reprises jusqu'au jour de son suicide ; qu'en outre, l'administration, qui avait pris cette décision le 21 mars, ne l'a pas informé qu'il devait être transféré le 28 mars, le lendemain de son suicide, dans un service de la maison centrale de Château-Thierry spécialisé dans l'accueil des détenus psychotiques, afin de bénéficier d'une prise en charge adaptée ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du rapport du médecin légiste qu'alors que le suicide d'Hocine M...est intervenu entre 23h00 et minuit, son corps n'a été retrouvé qu'à 5h35 lors de l'ouverture des portes des cellules à la vacation du matin ; qu'en dépit de la gravité de son état psychiatrique connu de l'administration et alors qu'une note de service de janvier 1994 prévoyait que les détenus dépressifs ou à risque devaient faire l'objet d'un contrôle visuel à chaque ronde, les différentes rondes effectuées au cours de la nuit du 26 au 27 mars 2006 se sont limitées à des rondes d'écoute sans contrôle visuel ; que par suite et alors que les détenus atteints de troubles mentaux sont particulièrement vulnérables et que les autorités ont le devoir de les protéger, le décès d'Hocine M...doit être regardé comme la conséquence directe d'une faute née d'un défaut de surveillance du service pénitentiaire de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts M...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi à raison du décès de leur fils et frère ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par les consorts M...;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les requérants en condamnant l'Etat à verser une somme de 15 000 euros à Mme L...J..., mère d'HocineM..., et une somme de 6 000 euros chacun à Mme G...N..., Mme H...M..., M. KamelM..., M. HamedM..., Mme I...M..., Mme D...M..., M. A...M..., M. F...M..., Mme K...M...-O..., Mme E...M..., frères et soeurs d'Hocine M...;

7. Considérant que les consorts M...justifient des frais exposés en vue de l'enterrement d'HocineM... ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros à ce titre ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux consorts M...d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 mars 2011 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à Mme L...J...une somme de 15 000 euros et une somme de 6 000 euros chacun à Mme G...N..., Mme H...M..., M. KamelM..., M. HamedM..., Mme I...M..., Mme D...M..., M. A...M..., M. F...M..., Mme K...M...-O..., Mme E...M....

Article 3 : L'Etat est condamné à payer aux consorts M...une somme de 3 000 euros au titre des frais d'enterrement d'HocineM....

Article 4 : L'Etat versera aux consorts M...la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts M...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme L...J..., Mme G...N..., Mme H...M..., M. KamelM..., M. HamedM..., Mme I...M..., Mme D...M..., M. A...M..., M. F...M..., Mme K...M...-O..., Mme E...M...et au garde des Sceaux, ministre de la justice.

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N°14DA01012

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N° "Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01012
Date de la décision : 07/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : ASSOCIATION BROCHEN-ARNOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-05-07;14da01012 ?
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