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12/05/2015 | FRANCE | N°14DA00610

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 12 mai 2015, 14DA00610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeA..., en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à leur verser, ainsi qu'à chacun de leurs deux enfants des sommes s'élevant respectivement à 50 000 euros, 40 000 euros et 30 000 euros en réparation des divers préjudices subis à la suite de la tentative de suicide de M. A...survenue le 22 mai 2008 dans l'enceinte de la maison d'arrêt d'Amiens.

Par un jugement n° 1203158 du 18 février

2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeA..., en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à leur verser, ainsi qu'à chacun de leurs deux enfants des sommes s'élevant respectivement à 50 000 euros, 40 000 euros et 30 000 euros en réparation des divers préjudices subis à la suite de la tentative de suicide de M. A...survenue le 22 mai 2008 dans l'enceinte de la maison d'arrêt d'Amiens.

Par un jugement n° 1203158 du 18 février 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2014, M. et Mme C...A..., en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants, représentés par Me F...D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 février 2014 ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance et d'ordonner, le cas échéant, une mesure d'expertise aux fins de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. A...ainsi que l'étendue des différents préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me D...dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Marjanovic, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...a été placé le 20 mai 2008 en détention préventive à la maison d'arrêt d'Amiens ; que le 22 mai 2008, en fin de matinée, il a fait une tentative de suicide ; que le 3 août 2012, les consorts A...ont sollicité auprès de l'administration pénitentiaire l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette tentative de suicide ; que, par courrier du 19 septembre 2012, le garde des Sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à la réparation des préjudices subis par eux et leurs deux enfants ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire en défense de la garde des Sceaux, ministre de la justice, a été enregistré par le greffe du tribunal administratif d'Amiens le 21 octobre 2013, avant la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance à la date du 29 novembre 2013 ; qu'il appartenait dès lors au tribunal, qui a d'ailleurs visé et analysé ce mémoire, de le communiquer aux requérants ; que dans les circonstances de l'espèce, cette abstention a été de nature à préjudicier aux droits des requérants ; que le tribunal a donc méconnu les exigences qui découlent des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction ; qu'il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif d'Amiens ;

5. Considérant que les vices propres affectant la décision par laquelle l'administration rejette la demande préalable à fin d'indemnisation formée par un administré, dont l'objet est uniquement de lier le contentieux, sont sans incidence sur le droit de cet administré à obtenir l'indemnité qu'il sollicite ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision par laquelle la garde des Sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande indemnitaire des époux A...est inopérant et doit dès lors être écarté ;

6. Considérant que la responsabilité de l'Etat du fait des services pénitentiaires en cas de dommage résultant du suicide d'un détenu, ou d'une tentative de suicide de ce dernier, peut être recherchée seulement en cas de faute ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a été signalé auprès du service médico-psychologique régional dès le jour de son incarcération à la maison d'arrêt d'Amiens, le 20 mai 2008, comme présentant une fragilité psychologique ; qu'à la suite des préconisations de ce service et alors que l'intéressé, placé en détention préventive, avait droit, en vertu des dispositions de l'article 716 du code de procédure pénale, à être incarcéré dans une cellule individuelle, il a été décidé, pour tenir compte de son état psychologique, de l'affecter dans une cellule qu'il partageait avec un autre détenu ; qu'à la suite d'une tentative d'automutilation à l'avant-bras le 21 mai 2008 justifiée par le souhait de M. A...de se voir affecter dans un centre pénitentiaire situé à proximité du domicile de ses proches, l'administration pénitentiaire, après consultation du médecin de l'unité spécialisée, a décidé d'une part de placer le détenu sous surveillance spéciale en renforçant la fréquence des rondes des gardiens, d'autre part de le transférer dès le lendemain, le 22 mai 2008 à 14 heures, au centre pénitentiaire de Beauvais ; qu'en dépit de ces diverses mesures, M. A...a essayé d'attenter à ses jours le 22 mai 2008 vers 10h30 à la faveur de l'absence momentanée, pendant une vingtaine de minutes, de son codétenu convoqué aux services sociaux ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier notamment des déclarations de ce dernier consignées sur procès-verbal de police, que le comportement de M. A..., qui lui avait fait part de sa satisfaction d'avoir obtenu son transfert dans un autre établissement pénitentiaire, était normal ; que l'intéressé ne présentait pas d'état dépressif particulier de nature à laisser suspecter l'existence d'une phase de crise suicidaire aiguë nécessitant le renforcement des mesures particulières déjà mises en place par l'administration pénitentiaire lors de l'incarcération de M.A... ; que, par suite, alors même que l'intéressé est demeuré seul pendant quelques minutes dans sa cellule, l'Etat n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., Mme E...B...épouse A...et à la garde des Sceaux, ministre de la justice.

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N°14DA00610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00610
Date de la décision : 12/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP DELARUE - VARELA - MARRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-05-12;14da00610 ?
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