La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2015 | FRANCE | N°13DA02126

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 25 juin 2015, 13DA02126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la SAS Ecotera a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les décisions de refus implicites du préfet de la Somme de lui délivrer les permis de construire huit éoliennes sur le territoire des communes d'Authie, de Bus-les-Artois et de Louvencourt formant le parc éolien dit du " Haut pays d'Authie " nées le 6 septembre 2010 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

D'autre part, les SAS Ecotera et Ecotera Développement ont demandé au tribunal adminis

tratif d'Amiens d'annuler les décisions du 26 juillet 2011 du préfet de la rég...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la SAS Ecotera a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les décisions de refus implicites du préfet de la Somme de lui délivrer les permis de construire huit éoliennes sur le territoire des communes d'Authie, de Bus-les-Artois et de Louvencourt formant le parc éolien dit du " Haut pays d'Authie " nées le 6 septembre 2010 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

D'autre part, les SAS Ecotera et Ecotera Développement ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les décisions du 26 juillet 2011 du préfet de la région Picardie rejetant les huit demandes de permis de construire concernant l'implantation de huit éoliennes, sur le territoire des communes d'Authie, de Bus-les-Artois et de Louvencourt formant le projet de parc éolien dit du " Haut pays d'Authie ".

Par un jugement nos 1100332-1102660 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2013 et le 3 juin 2015, les SAS Ecotera et Ecotera Développement, représentées par Me D...C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Picardie de délivrer à la SAS Ecotera, dans un délai d'un mois, les permis de construire sollicités ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen des demandes de permis de construire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code des transports ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret du 21 août 2008 portant délégation de signature ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant les sociétés Ecotera et Ecotera développement.

Une note en délibéré présentée par les SAS Ecotera et Ecotera développement a été enregistrée le 11 juin 2015.

1. Considérant que, dans le cadre du projet dit du " Haut pays d'Authie ", la SAS Ecotera a sollicité le 23 mars 2009 la délivrance de permis de construire huit éoliennes sur le territoire des communes d'Authie, Bus-les-Artois et Louvencourt, situées dans le département de la Somme ; que ces demandes adressées au préfet de la Somme ont fait l'objet de décisions implicites de rejet nées le 6 septembre 2010, deux mois après la réception du rapport du commissaire enquêteur, en application des dispositions des articles R. 423-20 et R. 424-2 du code de l'urbanisme ; que la SAS Ecotera a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande, enregistrée le 2 février 2011, sous le n° 1100332, tendant à l'annulation de ces décisions implicites de rejet, ainsi que de celle née le 14 décembre 2010 du silence gardé sur son recours gracieux ; que, toutefois, pendant l'instruction de cette instance, le préfet de la région Picardie, qui s'est saisi du dossier, en vertu d'un arrêté du 26 juillet 2010 par lequel il avait décidé, à partir du 1er septembre 2010, de mettre en oeuvre le pouvoir d'évocation en matière d'éolien qu'il tire de l'article 2 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, issu du décret n° 2010-146 du 16 février 2010, a pris, le 26 juillet 2011, huit arrêtés rejetant expressément les demandes de permis de construire de la SAS Ecotera ; que cette dernière, ainsi que la SAS Ecotera Développement destinataire des arrêtés, ont alors adressé au tribunal administratif d'Amiens des conclusions, enregistrées le 21 septembre 2011 sous le n° 1102660, tendant à l'annulation de ces décisions expresses de rejet ; que les SAS Ecotera et Ecotera Développement relèvent appel du jugement nos 1100332-1102660 du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté l'ensemble des conclusions dirigées contre les décisions implicites de rejet et les refus explicites d'accorder les huit permis de construire sollicités ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 6 mai 2009 du ministre de la défense ; que ce moyen n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les SAS Ecotera et Ecotera Développement enregistrées devant le tribunal administratif d'Amiens sous les nos 1100332 et 1102660 ;

Sur les conclusions dirigées contre les décisions implicites de rejet :

4. Considérant que lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première ;

5. Considérant qu'il suit de ce qui précède que la SAS Ecotera ayant contesté, ainsi qu'il a été dit au point 1, dans le délai de recours à la fois les décisions implicites et explicites de rejet des demandes de permis de construire huit éoliennes qu'elle avait présentées à l'autorité préfectorale, ses conclusions d'annulation doivent être regardées comme étant dirigées uniquement contre les décisions expresses de rejet ;

Sur la légalité des refus de permis de construire :

6. Considérant que l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense " ; qu'aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile alors en vigueur : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération est de nature à porter atteinte à la sécurité aérienne à raison de sa hauteur qui dépasse 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense ; qu'à défaut d'accord de l'un de ces ministres, cette autorité est alors tenue de refuser le permis de construire ;

7. Considérant, d'une part, que le ministre de la défense était compétent, sur le fondement des dispositions précités des codes de l'urbanisme et de l'aviation civile, pour se prononcer sur l'édification d'éoliennes susceptibles de constituer un obstacle à la navigation aérienne ; que, d'autre part, les dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement n'interdisent pas au ministre de la défense de déléguer sa signature à d'autres personnes que celles mentionnées dans ce décret ; qu'en vertu des dispositions du décret du 21 août 2008 régulièrement publié portant délégation de signature du ministre de la défense, le général de brigade aérienne Patrick Charaix, adjoint " territoire national " du commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes, avait qualité pour signer l'avis du 6 mai 2009 au nom du ministre compétent ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du ministre de la défense doit être écarté ;

8. Considérant que les arrêtés attaqués ont été pris sur le fondement de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile précité, qui règlemente l'établissement d'installations de grande hauteur à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement ; que l'autorisation spéciale ministérielle ainsi prévue, dont le but est d'assurer la sécurité de la navigation aérienne, n'a ni pour objet, ni pour effet, d'imposer une sujétion relative à l'organisation générale de la défense nationale au sens de l'alinéa 11 de l'article 34 de la Constitution ; qu'ainsi, ces dispositions n'empiètent pas sur la compétence du législateur pour déterminer de telles sujétions ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6352-1 du code des transports en vigueur à compter du 1er décembre 2010 : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumis à l'autorisation spéciale de l'autorité administrative. / Les catégories d'installations et les conditions auxquelles peuvent être soumises leur établissement sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 7 de l'ordonnance du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports : " Sont abrogés, sous réserve des dispositions des articles 9 et 16 : / 1° Dans le code de l'aviation civile : / b) Dans la partie réglementaire : (...) les deux premiers alinéas de l'article R. 244-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de la même ordonnance : " L'abrogation des dispositions mentionnées à l'article 7 ne prendra effet qu'à compter de la publication des dispositions réglementaires du code des transports pour ce qui concerne les articles, parties d'articles ou alinéas suivants : 1° Dans le code de l'aviation civile : (...) w) Au premier alinéa de l'article R. 244-1, les mots : " du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense " (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'à compter du 1er décembre 2010, les anciennes dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile ont été codifiées dans la partie législative du code des transports, à l'exception de la détermination des ministres compétents pour se prononcer sur l'autorisation spéciale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait méconnu l'étendue de sa compétence ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que les articles R. 244-1 du code de l'aviation civile et R. 425-9 du code de l'urbanisme ne méconnaissent pas l'objectif de clarté et d'intelligibilité des normes ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la hauteur des éoliennes, pales à la verticale comprises, empiète sur l'espace défini pour l'approche par les aéronefs de la base aérienne de Cambrai, compte tenu de la marge de 300 mètres nécessaire afin de compenser une éventuelle imprécision des instruments de vol ; qu'ainsi, en refusant d'autoriser l'installation des éoliennes en litige, le ministre de la défense, alors qu'au jour où il a rendu sa décision la base aérienne de Cambrai était toujours active, n'a pas entaché son refus, qui comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde, d'une erreur dans l'appréciation des obstacles à la navigation aérienne que ces aérogénérateurs étaient susceptibles de constituer ; que la circonstance alléguée que d'autres aérogénérateurs empièteraient sur l'espace défini pour l'approche par les aéronefs de la base aérienne de Cambrai est sans incidence sur la légalité de cette décision du ministre de la défense ; que, par suite, le préfet de la région Picardie était tenu de refuser les permis de construire sollicités ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'autorité préfectorale était en situation de compétence liée pour refuser de délivrer les permis de construire en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du préfet sur l'impact acoustique du parc éolien présenté par les SAS Ecotera et Ecotera Développement est, dès lors, inopérant ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande en tant qu'elle émane de la SAS Ecotera développement, que les SAS Ecotera et Ecotera Développement ne sont pas fondées à demander l'annulation des arrêtés du préfet de la région Picardie leur refusant la délivrance de permis de construire huit éoliennes sur le territoire des communes d'Authie, Bus-les-Artois et Louvencourt ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les demandes des SAS Ecotera et Ecotera Développement sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ecotera, à la SAS Ecotera Développement et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

''

''

''

''

N°13DA02126 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA02126
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - Servitudes d'utilité publique affectant l'occupation des sols.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-06-25;13da02126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award