La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2015 | FRANCE | N°14DA00149

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 25 juin 2015, 14DA00149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Chauny à lui verser les sommes de 3 980,70 euros et 15 000 euros en réparation des préjudices respectivement financier et moral nés du refus de lui accorder la protection fonctionnelle, la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions de l'existence et du préjudice moral subis à raison de l'illégalité de sa mutation et la somme de 6 000 euros en réparation de la réintégration tardive dans ses anci

ennes fonctions.

Par un jugement n° 1102863 du 21 novembre 2013, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Chauny à lui verser les sommes de 3 980,70 euros et 15 000 euros en réparation des préjudices respectivement financier et moral nés du refus de lui accorder la protection fonctionnelle, la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions de l'existence et du préjudice moral subis à raison de l'illégalité de sa mutation et la somme de 6 000 euros en réparation de la réintégration tardive dans ses anciennes fonctions.

Par un jugement n° 1102863 du 21 novembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Chauny à verser à Mme B...une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral né de l'illégalité de la décision de mutation et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2014, MmeB..., représentée par Me A... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 1 000 euros la réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de condamner la commune de Chauny à lui verser les sommes de 3 980,70 euros et 15 000 euros en réparation des préjudices respectivement financier et moral nés du refus de lui accorder la protection fonctionnelle, la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions de l'existence et du préjudice moral subis à raison de l'illégalité de sa mutation, la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du retard apporté à l'exécution des décisions de justice ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chauny la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me D...C..., représentant MmeB....

1. Considérant que MmeB..., bibliothécaire territoriale et directrice de la médiathèque André Malraux à Chauny depuis 2000, a été déchargée de cette fonction par une décision du maire de cette commune en date du 7 décembre 2006 à la suite de vives tensions avec ses trois collaboratrices ; que Mme B...a fait, à cette date, l'objet d'une mesure de mutation et s'est vu attribuer une mission de médiateur de la lecture au sein du centre culturel Le Forum, sans diminution de rémunération ; que cette décision a été annulée par un jugement du 17 février 2009 du tribunal administratif d'Amiens confirmée par la décision n° 333408-333409 du 14 janvier 2011 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, au motif que cette mutation constituait une sanction déguisée ; que Mme B...a alors demandé à être indemnisée des préjudices subis à raison du refus du maire de Chauny de lui accorder la protection fonctionnelle, de l'illégalité de la décision de mutation et du retard mis à exécuter ce jugement et la décision du Conseil d'État ; qu'elle relève appel du jugement du 21 novembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité à laquelle la commune de Chauny a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice moral né de l'illégalité de la décision de mutation et a rejeté le surplus de sa demande ; que la commune de Chauny, par la voie de l'appel incident, relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1 000 euros à Mme B...;

Sur l'appel principal de MmeB... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle (...) " ;

3. Considérant qu'une faute d'un agent d'une collectivité territoriale qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d'une particulière gravité, doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent, alors même que, commise à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service et qu'un tiers qui estime qu'elle lui a causé un préjudice peut poursuivre aussi bien la responsabilité de la collectivité territoriale devant la juridiction administrative que celle de son auteur devant la juridiction judiciaire et obtenir ainsi, dans la limite du préjudice subi, réparation ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les trois collaboratrices de Mme B...ont déposé plainte le 14 février 2007 contre celle-ci avec constitution de partie civile pour harcèlement moral ; qu'au demeurant cette procédure pénale a fait l'objet le 15 novembre 2010 d'une ordonnance de non-lieu ; que les faits reprochés à Mme B... dans l'exercice de ses fonctions, constitués par une insuffisance d'encadrement d'une équipe de trois personnes, par un manque d'organisation rationnelle du travail, par une absence de communication orale avec son équipe, et par une incapacité à modifier ses méthodes de travail, ne peuvent être qualifiés de faute personnelle de nature à justifier le refus d'octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle ; que dès lors, la commune de Chauny était tenue d'accorder cette protection à Mme B...à l'occasion des poursuites pénales dont elle faisait l'objet ; que par suite, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'indemniser des frais inhérents à la protection fonctionnelle que la commune lui a refusée par une décision du 3 juillet 2008 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif d'Amiens ;

6. Considérant que les dispositions précitées de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 font obligation à la collectivité dont dépend l'agent de prendre en charge les frais inhérents à cette protection, lesquels peuvent comprendre les honoraires de l'avocat librement choisi par cet agent ; qu'il y a lieu dès lors de condamner la commune de Chauny à verser à Mme B... la somme de 3 980,70 euros dont elle justifie, au titre de ses frais d'avocat et de déplacements afférents à la procédure pénale dont elle faisait l'objet ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il l'a été dit au point 1, la décision du 7 décembre 2006 du maire de Chauny procédant à la mutation de Mme B...sur un poste de médiateur de la lecture a été annulée par un jugement du 17 février 2009 du tribunal administratif d'Amiens devenu définitif au motif qu'il s'agissait d'une sanction disciplinaire déguisée ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de la commune de Chauny ; que c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont alloué à Mme B...la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral de ce chef ;

8. Considérant que Mme B...n'établit pas que la commune de Chauny serait à l'origine d'une campagne de presse concernant ses difficultés à la médiathèque ; que dès lors, ses conclusions à fin de réparation des troubles dans les conditions de l'existence consécutifs à la publication d'articles dans la presse locale doivent être rejetées ;

9. Considérant que l'annulation par le jugement du 17 février 2009 du tribunal administratif d'Amiens de la décision de mutation dont Mme B...avait fait l'objet faisait obligation à la commune de Chauny de la réintégrer dans son emploi ; qu'il résulte de l'instruction que la requérante a été réintégrée à compter du 1er septembre 2011 dans ses fonctions de directrice de la médiathèque André Malraux ; que cette réintégration faisait suite à la décision n° 333408-333409 du 14 janvier 2011 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, confirmant le jugement d'annulation du 17 février 2009 ; qu'il est toutefois constant que la commune de Chauny avait demandé, dans un premier temps auprès de la cour administrative d'appel de Douai puis auprès du Conseil d'Etat, outre l'annulation de ce jugement, le prononcé de son sursis à exécution ; que la commune de Chauny soutient sans être contredite avoir reçu Mme B... dès le 1er mars 2011 en vue de sa réintégration, lui avoir confirmé par écrit le 10 mars 2011 qu'elle serait réintégrée dans ses fonctions antérieures et avoir procédé à différentes réunions de travail en mai et juin 2011 afin d'en définir les modalités pratiques ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et alors que son affectation comme médiateur de la lecture n'a pas été à l'origine d'une diminution de sa rémunération, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le délai mis par la commune de Chauny pour exécuter ces décisions de justice aurait présenté un caractère excessif de nature à lui causer un préjudice ; que les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent dès lors être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Chauny à lui verser la somme de 3 980,70 euros en réparation au titre de ses frais d'avocat et de déplacements afférents à la procédure pénale dont elle faisait l'objet ;

Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Chauny :

11. Considérant qu'ainsi qu'il l'a été dit aux points 1 et 7, l'illégalité de la décision de mutation de Mme B...sur un poste de médiateur de la lecture était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Chauny ; que dès lors, la commune de Chauny n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué l'a condamnée à verser à Mme B...une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral en procédant ; que par suite, ses conclusions d'appel incident doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune de Chauny la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à Mme B...de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Chauny est condamnée à verser à Mme B...une somme de 3 980,70 euros.

Article 2 : Le jugement du 21 novembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 4 : La commune de Chauny versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'appel incident de la commune de Chauny et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B...et à la commune de Chauny.

''

''

''

''

1

2

N°14DA00149

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00149
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : CABINET DE CASTELNAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-06-25;14da00149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award