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07/07/2015 | FRANCE | N°13DA02008

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 07 juillet 2015, 13DA02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 14 161,68 euros en réparation du préjudice résultant du financement direct assuré par ses soins pour l'égal accès au droit et à la justice pour tous au profit des personnes admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, la somme de 11 856 euros correspondant au préjudice résultant de la privation de rémunération pour ses interventions au titre de l'aide juridictionnelle.



Par un jugement n° 1008036 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me B...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 14 161,68 euros en réparation du préjudice résultant du financement direct assuré par ses soins pour l'égal accès au droit et à la justice pour tous au profit des personnes admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, la somme de 11 856 euros correspondant au préjudice résultant de la privation de rémunération pour ses interventions au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 1008036 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de MeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2013 et le 10 juin 2015, Me D..., représentée par Me C...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 1er octobre 2013 ;

2°) de faire droit à sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 14 161,68 euros et 11 856 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Daniel Mortelecq, président,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution. / L'Etat affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau. / Le montant de cette dotation résulte, d'une part, du nombre de missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d'autre part, du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence. / Pour les aides juridictionnelles totales, l'unité de valeur de référence est majorée en fonction du volume des missions effectuées au titre de l'aide juridictionnelle au cours de l'année précédente au regard du nombre d'avocats inscrits au barreau. / La loi de finances détermine annuellement l'unité de valeur mentionnée au troisième alinéa du présent article " ; que l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 portant application de cette loi prévoit que la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale est déterminée en fonction du produit de l'unité de valeur prévue par la loi de finances et des coefficients qu'il détermine ; que cet article fixe les coefficients applicables aux différentes procédures juridictionnelles ainsi que, pour certaines procédures, les majorations applicables en fonction notamment des incidents de procédure et des mesures d'instruction décidées par le juge ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

2. Considérant que Me D... s'est prévalue devant le tribunal administratif de Lille de ce que le protocole d'accord conclu le 18 décembre 2000, entre le garde des sceaux, ministre de la justice, et les organisations professionnelles représentant les avocats, constituait un engagement contractuel de l'Etat dont l'absence de mise en oeuvre engageait la responsabilité de ce dernier pour défaut de respect de ses engagements contractuels ; que le protocole d'accord invoqué, dressant une liste de mesures pour améliorer les conditions d'indemnisation des avocats assurant la représentation des personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle et envisageant le dépôt d'un projet de loi au plus tard le 15 septembre 2001, constituait un exposé d'intentions dépourvu de valeur juridique et de force contraignante ; que, dès lors, Me D... ne peut utilement s'en prévaloir pour que soit engagée la responsabilité de l'Etat à raison du défaut de respect des stipulations de ce protocole ;

Sur la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 que la contribution versée aux avocats prêtant leur concours aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle n'implique pas que cette contribution, dont l'unité de valeur est déterminée annuellement par la loi de finances, couvre l'intégralité des frais et honoraires correspondants et que le législateur a ainsi entendu laisser à la charge des auxiliaires de justice une part du financement de l'aide juridictionnelle ; que le législateur, afin de garantir l'objectif d'intérêt général d'accès à la justice des plus démunis, a prévu un mécanisme de rétribution forfaitaire, qui laisse à la charge des avocats une partie des coûts liés à la mise en oeuvre de l'aide juridictionnelle ; que cette participation des avocats à la prise en charge de l'aide juridictionnelle trouve sa contrepartie dans le régime de représentation dont ils disposent devant les tribunaux qui, sauf exceptions définies par la loi, leur confère un monopole de représentation ; que, par suite, Me D... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat doit être engagée pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;

Sur la responsabilité pour risque de l'Etat :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1991 que l'Etat a instauré et mis à sa charge un mode de rétribution spécifique et exclusif au profit des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle ; que la circonstance que cette rétribution ne couvrirait pas les charges de fonctionnement des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle ne saurait ouvrir droit à réparation sur le fondement de l'obligation de garantir les collaborateurs du service public contre les risques que leur fait courir leur participation à l'exécution du service public ; qu'ainsi, Me D... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat doit être engagée à l'égard de l'avocat en sa qualité de collaborateur du service public de la justice sur le fondement de la responsabilité pour risque ;

Sur la responsabilité de l'Etat pour non-respect de ses engagements internationaux :

5. Considérant que le mécanisme de rétribution forfaitaire prévu par la loi du 10 juillet 1991, qui laisse à la charge des avocats chargés de la mission d'aide juridictionnelle une partie des coûts liés à cette aide, n'est pas par lui-même de nature à porter atteinte au droit des bénéficiaires de cette aide à un procès équitable et contradictoire préservant les droits de la défense ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des paragraphes 1 et 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques doivent être écartés ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, qui a suffisamment motivé son jugement et n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés au soutien d'un même moyen, a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Me D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B...D...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

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N°13DA02008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 13DA02008
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques - Responsabilité du fait de traités ou de conventions internationales.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques - Responsabilité du fait de la loi.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique - Responsabilité fondée sur l'obligation de garantir les collaborateurs des services publics contre les risques que leur fait courir leur participation à l'exécution du service.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP MASSON et DUTAT - CABINET THEMES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-07-07;13da02008 ?
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