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09/07/2015 | FRANCE | N°14DA01995

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 09 juillet 2015, 14DA01995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 21 mai 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1402858 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, le p

réfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 21 mai 2014 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1402858 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,

- et les observations de Me A...E..., représentant M.B....

Sur le motif d'annulation du jugement attaqué :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;

2. Considérant que les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ; qu'ainsi, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points ;

3. Considérant que M. B...s'est prévalu, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sa bonne insertion sur le territoire français avec sa compagne, MmeC..., et ses deux enfants ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., sa compagne et leurs enfants ne sont présents en France que depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée ; que la durée du séjour et les emplois occupés n'ont été rendus possibles qu'à la faveur de l'examen de l'instruction des demandes d'asile déposées par le couple ; que les services rendus par M.B..., notamment comme animateur bénévole d'un club sportif, à la commune du Mesnil-Esnard qui a accueilli la famille et l'a hébergée, ne présentent pas un caractère exceptionnel qui justifierait par eux-mêmes une admission au séjour ; que la circonstance que les filles du couple sont scolarisées en école maternelle et primaire ne constitue pas, en dépit des bons résultats scolaires de l'aînée, des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, compte tenu des conditions du séjour de M. B... en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit des protestations émanant de divers groupes de soutien, que son admission exceptionnelle au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a retenu l'erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de la situation de M. B...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 précité pour annuler le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la juridiction administrative ;

Sur le refus de séjour :

5. Considérant que l'arrêté comporte, en ce qui concerne le refus de séjour, les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde, notamment en faisant référence à la demande présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à la situation familiale de l'intéressé ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

6. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. B... et notamment des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels qu'il faisait valoir dans sa demande de titre de séjour ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., ressortissant kosovar né en 1981, déclare être entré en France irrégulièrement le 15 avril 2012 et avoir été rejoint par sa compagne, Mme C...de même nationalité que lui et par leurs deux filles nées en 2006 et en 2010, le 29 octobre 2012 ; qu'il s'y est maintenu régulièrement le temps de l'instruction de sa demande d'asile, définitivement rejetée le 9 octobre 2013 ; que M. B...a ensuite présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 10 décembre 2013 ; que les attaches familiales de l'intéressé en France sont constituées de sa compagne et de leurs filles ; qu'il ne justifie pas en être dépourvu dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans ; qu'ainsi, compte tenu des conditions du séjour de l'intéressé en France et de sa durée et en dépit de la bonne insertion de la famille dans la commune d'accueil où est né un mouvement de soutien en leur faveur, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris ; qu'il n'a, dès lors, pas méconnu, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B... ;

8. Considérant que les filles de M. B...étaient âgées de huit et quatre ans à la date de la décision attaquée ; que rien ne fait obstacle à ce qu'elles puissent suivre leurs parents qui ont tous deux la même nationalité et font l'un et l'autre l'objet d'une mesure d'éloignement vers leur pays d'origine ; qu'alors même que la décision aurait pour effet d'interrompre leur scolarité en France, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas, par les décisions en litige et dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants et, par suite, n'a pas méconnu le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour serait illégal ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

11. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui, comme telle, doit être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors et compte tenu de ce qui a été dit au point 5, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

12. Considérant que pour les raisons que celles exposées au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale ;

Sur le délai de départ volontaire :

14. Considérant que M. B...n'allègue pas s'être prévalu auprès de l'administration de circonstances particulières nécessitant que, à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à trente jours lui fût accordé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle et familiale de M. B...et aurait ainsi commis une erreur de droit en assortissant l'obligation de quitter le territoire d'un délai de départ volontaire de trente jours ;

Sur le pays de destination :

15. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;

16. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; que, par ailleurs, le préfet, qui a relevé, au demeurant, dans les visas de sa décision, que la demande d'asile de M. B...avait été définitivement rejetée, n'avait pas à indiquer en quoi il estimait que la vie ou la liberté de l'étranger n'étaient pas menacées dans son pays ;

17. Considérant que M.B..., dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il encourrait des risques le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M.B..., annulé son arrêté du 21 mai 2014 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Me E...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402858 du 27 novembre 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...B...et à la SELARL Eden avocats.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA01995 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01995
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-07-09;14da01995 ?
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