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06/10/2015 | FRANCE | N°14DA00665

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 06 octobre 2015, 14DA00665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation des arrêtés du 3 mars 2014 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1400689 du 7 mars 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions refusant un délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2014, le préfet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation des arrêtés du 3 mars 2014 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1400689 du 7 mars 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions refusant un délai de départ volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2014, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur l'appel principal du préfet de la Seine-Maritime :

1. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1et L. 561-2 (...) " ;

2. Considérant que, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M.A..., le préfet de la Seine-Maritime, après avoir visé les dispositions du d) et du f) de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intéressé n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est précédemment soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français en date du 3 octobre 2011 assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans ; que cette mesure d'éloignement lui a été notifiée le 5 octobre 2011 ; que si l'intéressé prétend qu'il n'a jamais reçu le pli contenant la mesure en cause, il résulte des mentions précises et concordantes figurant sur l'accusé de réception qui a été retourné à l'expéditeur par les services de la poste que le pli a été présenté le 5 octobre 2011 à l'adresse communiquée par M. A... à la préfecture ; qu'en l'absence de ce dernier, le préposé a alors laissé un avis de mise en instance qui est demeuré sans effet dès lors que le pli est revenu à l'administration avec la mention " non réclamé " ; que dans ces conditions, M.A..., auquel le pli ayant contenu l'obligation de quitter le territoire français doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié, n'est pas fondé à faire valoir qu'il en ignorait l'existence ; qu'ainsi, il entrait, comme l'a estimé le préfet, dans le champ d'application du d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'eu égard au comportement de M. A...tant dans le passé que lors de son interpellation à l'occasion de laquelle il a revendiqué son refus de quitter le territoire, le préfet ait fait une inexacte appréciation des risques de fuite présentés par l'intéressé ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à l'intéressé et, par voie de conséquence, la décision le plaçant en rétention administrative ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et de son placement en rétention administrative ;

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, aucune date n'était fixée pour la célébration du mariage de M. A...et de sa compagne et que les bans n'avaient pas été publiés malgré l'invitation qui lui en a été faite par les services de la commune de Rouen ; que l'irrégularité du séjour en France de M. A...a été constatée le 2 mars 2013, lorsque l'intéressé a été interpellé pour des faits de recel ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant revêtu un caractère précipité et ayant eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de M. A... ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

En ce qui concerne la rétention administrative :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 3 mars 2014 a été signé par M. Guillet, secrétaire général adjoint de la préfecture de la Seine-Maritime ; que ce dernier était titulaire d'une délégation de signature du 25 avril 2013, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'habilitant à signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Maire, secrétaire général, toutes les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes dont ne font pas partie les arrêtés de rétention administrative ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que M. Maire n'ait pas été absent ou empêché à la date à laquelle a été signé l'arrêté du 3 mars 2014 par lequel il a été décidé de placer M. A...en rétention administrative ; que le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit dès lors être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention ou de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien ou de placement ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. (...) " ; qu'il ressort des procès-verbaux de police que M. A...comprend et parle le français ; que, par suite, il ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité auraient été méconnues ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 4, que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision le plaçant en rétention administrative par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° : Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 dudit code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

9. Considérant qu'eu égard au comportement passé de M.A..., caractérisé tant par la soustraction à une précédente mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans dont il ne peut sérieusement prétendre qu'il en ignorait l'existence qu'au fait que l'intéressé, qui a fait le choix de vivre dans la clandestinité, a formellement réitéré son intention de se maintenir irrégulièrement sur le territoire français sans déférer à cette nouvelle obligation de quitter le territoire français, les circonstances qu'il ait été en possession d'un passeport et ait mentionné qu'il résidait avec une ressortissante française au 142 rue de Lausanne à Rouen, ne permettent pas, à elles seules, de le regarder comme présentant des garanties de représentation effectives au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a pu ordonner le placement en rétention administrative de l'intéressé en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1 et 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, a annulé, d'une part, la décision par laquelle il a refusé d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A...et, d'autre part, l'arrêté prononçant la rétention administrative de ce dernier ;

Sur l'appel incident de M.A... :

11. Considérant qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'obligation de quitter le territoire français et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

13. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il est entré en France le 31 août 2008 pour y poursuivre des études, qu'il vit désormais dans ce pays avec une ressortissante française et qu'il est bien intégré dans la société française, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé a été déclaré défaillant à de nombreuses reprises aux examens de fin d'année universitaire durant la période au cours de laquelle il bénéficiait d'un titre de séjour en qualité d'étudiant et ne peut justifier de l'obtention d'aucun diplôme, d'autre part, qu'il n'établit pas à la date de l'arrêté contesté de l'ancienneté de la vie maritale dont il se prévaut depuis le mois de novembre 2011 ; que la circonstance, postérieure à cet arrêté, qu'il se soit marié le 26 avril 2014, demeure sans incidence sur sa légalité ; qu'enfin, l'intéressé n'est pas dépourvu de toute attache familiale au Maroc où résident ses parents ainsi que les membres de sa fratrie ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment aux conditions de séjour en France de M. A..., qui n'a pas cru au demeurant devoir déférer à une mesure d'interdiction de retour sur le territoire national prise à son encontre pour une durée de deux ans, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 3 mars 2014 par le préfet de la Seine-Maritime aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prononcée ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1400689 du 7 mars 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de l'appel incident et la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation du refus de délai de départ volontaire et de son placement en rétention administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA00665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00665
Date de la décision : 06/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-10-06;14da00665 ?
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