La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2015 | FRANCE | N°15DA00422

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 03 décembre 2015, 15DA00422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2014 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1403998 du 13 février 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 m

ars 2015, M.D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2014 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1403998 du 13 février 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2015, M.D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 février 2015 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 24 septembre 2014 du préfet de l'Oise ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au grief tiré de ce que le refus implicite de la préfecture de lui accorder un rendez-vous constituait une violation de son droit à être entendu avant que toute mesure individuelle défavorable soit prise à son encontre, ni au moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de l'Oise a méconnu son droit de voir sa situation examinée d'une manière impartiale, équitable et exempte de discrimination ;

- le préfet de l'Oise a méconnu son droit à être préalablement entendu, tel que protégé par le droit de l'Union européenne, notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- il n'est pas établi que la décision contestée ait été prise par une autorité valablement habilitée par une délégation de signature régulièrement publiée ;

- cette décision est fondée sur des faits matériellement inexacts ;

- pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, le préfet de l'Oise a commis une erreur d'appréciation pour l'application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2015, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que, si avant de rejeter une demande qui lui est présentée, le tribunal administratif doit, à peine d'irrégularité de son jugement, expressément écarter, à l'exception de ceux qui seraient inopérants, l'ensemble des moyens exposés au soutien de cette demande, il n'est toutefois jamais tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments présentés par le requérant à l'appui de ces moyens ; que le grief tiré d'un refus implicite de la préfecture de lui accorder un rendez-vous, auquel M. D...fait reproche aux premiers juges de n'avoir pas répondu, constituait un argument au soutien du moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Oise de son droit à être entendu préalablement au prononcé de toute mesure individuelle défavorable, tel que protégé par le droit de l'Union européenne, notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ; qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens a répondu à ce moyen ;

2. Considérant qu'il ressort des motifs de ce jugement que les premiers juges ont estimé qu'en soutenant que la décision de refus de séjour contestée, d'une part, procédait d'une violation du principe d'impartialité, d'autre part, s'inscrivait dans le cadre d'une différence de traitement injustifiée de demandes de même nature entre les départements constitutive d'une erreur manifeste d'appréciation, M. D...avait, en réalité, entendu soulever le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée de détournement de pouvoir ; qu'ils n'ont, compte tenu de cette requalification, par omis d'examiner le moyen tiré de ce que ladite décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige ;

4. Considérant que M. D...a sollicité son admission au séjour dans le but de pouvoir exercer une activité salariée en France ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé cette admission au séjour et lui a également fait obligation de quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, alors même que les services préfectoraux n'ont pas communiqué à M. D...les avis défavorables émis par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie sur sa demande, ce qu'au demeurant aucun texte ne leur imposait de faire, et n'auraient pas donné suite à deux demandes de rendez-vous, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à l'intervention de telles mesures, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union, en particulier par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, n'a pas été méconnue ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 24 septembre 2014 contesté que, pour refuser de délivrer à M.D..., ressortissant kosovar, le titre de séjour que celui-ci avait sollicité, le préfet de l'Oise a retenu, au vu notamment de deux avis successivement émis les 4 et 19 septembre 2014 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie, d'une part, que la société Cobat Constructions, dont le siège est situé à Méru et qui se proposait d'embaucher l'intéressé en tant que maçon coffreur, avait été mise en cause pour infractions aux législations relatives au travail et à la protection sociale, d'autre part, que cette société et M. D... n'avaient pas répondu à des demandes formulées par le service instructeur, enfin, que la situation de l'emploi s'avérait défavorable au projet d'embauche de M. D..., dont l'employeur potentiel ne justifiait pas avoir préalablement recherché des candidats sur le marché du travail ; que, dans ces conditions, à supposer que les motifs tirés des infractions imputées à la société Cobat Constructions, de ce que cette dernière n'aurait pas justifié de recherches sur le marché du travail et du défaut de réponse de cette société et de M. D... à des demandes du service reposeraient sur des faits matériellement inexacts, la décision contestée n'est pas fondée sur ces seuls motifs, mais aussi sur celui tiré de ce que la situation de l'emploi était défavorable au projet d'embauche de l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise aurait pris une décision différente en se fondant sur ce seul motif, qui suffisait à justifier légalement le refus opposé par l'arrêté en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur de fait de nature à en affecter la légalité doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / (...) " ;

7. Considérant qu'il est constant que le métier de maçon coffreur ne figure pas sur la liste, annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, des métiers en tension en région Picardie, pour lesquels la situation de l'emploi n'est pas opposable ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier et notamment de l'avis émis le 19 septembre 2014 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Picardie, que le rapport entre le nombre d'offres d'emploi et le nombre de demandes s'établissait, pour ce métier et à la date de l'arrêté contesté, à 0,3 pour le département de l'Oise, correspondant à 214 demandes pour 64 offres ; que, si, pour contester l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de l'Oise au vu notamment de cet avis, M. D...produit les résultats d'une enquête sur les besoins de main-d'oeuvre dans l'Oise en 2014, accessible sur le site Internet de Pôle emploi et qui fait apparaître que plusieurs catégories de métiers d'ouvriers peu qualifiés du bâtiment et travaux publics connaîtraient des difficultés de recrutement, d'une part, les données contenues dans cette enquête ne concernent pas précisément le métier de maçon coffreur, d'autre part, il n'est pas contesté que cette enquête résulte seulement d'intentions d'embauche recueillies des employeurs dans le cadre d'un sondage opéré au cours de l'année précédente ; qu'ainsi, ce document n'est pas, à lui seul, de nature à remettre en cause le motif retenu par le préfet de l'Oise, selon lequel la situation de l'emploi dans le département de l'Oise était défavorable au projet d'embauche de M.D... ; que, par suite, pour refuser, pour ce motif, de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de l'Oise, qui ne s'est pas fondé sur des faits inexacts, n'a pas commis d'erreur d'appréciation pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant que, d'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, la décision de refus de séjour contestée est légalement fondée ; que, d'autre part, le fait que plusieurs demandes d'autorisation de travail formées en vue d'embaucher des ressortissants kosovars ont été accueillies dans le département des Hauts-de-Seine, tandis que des demandes ayant le même objet, au nombre desquelles figure celle concernant M.D..., ont été rejetées, ne saurait suffire à révéler une inégalité de traitement entre des candidats à l'embauche, dont il n'est pas établi qu'ils se trouveraient dans des situations identiques ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Oise n'aurait pas examiné la demande de titre de séjour de l'intéressé d'une manière impartiale, équitable et exempte de discrimination doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 19 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président

de la formation de jugement

Signé : O. NIZETLe greffier,

Signé : B. LEFORT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Béatrice Lefort

''

''

''

''

1

3

N°15DA00422

1

7

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00422
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nizet
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP HAMEAU - GUERARD - BONTE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-03;15da00422 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award