La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2016 | FRANCE | N°13DA02195

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 13DA02195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Crysalide a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer l'annulation ou la résiliation du marché conclu le 30 mars 2011 entre la commune de Calais et la société IDP Consult service, portant sur l'établissement du plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, de condamner la commune à lui verser la somme de 16 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction et de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au

titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Crysalide a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer l'annulation ou la résiliation du marché conclu le 30 mars 2011 entre la commune de Calais et la société IDP Consult service, portant sur l'établissement du plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, de condamner la commune à lui verser la somme de 16 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction et de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1102253 du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Lille, par l'article 1er, a annulé le marché du 30 mars 2011, par l'article 2, a mis à la charge de la commune une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par l'article 3, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2013 et des mémoires, enregistrés les 7 janvier et 6 mai 2015, la commune de Calais, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 22 octobre 2013 annulant le marché ;

2°) de rejeter la demande de la société Crysalide ;

3°) de mettre à la charge de la société Crysalide la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas modifié substantiellement en cours de procédure les caractéristiques et conditions d'exécution du marché définies dans le règlement de consultation, dès lors que l'entreprise attributaire a, dans son offre, usé de la faculté prévue par ce règlement de proposer une " approche différente " ;

- les candidats étaient informés de la possibilité d'une négociation prévue par le code des marchés publics ;

- elle n'a d'ailleurs usé de cette faculté avec aucun des candidats ;

- le choix de l'entreprise attributaire n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des mérites de son offre ;

- l'offre de l'entreprise attributaire n'était pas anormalement basse ;

- la demande indemnitaire de la société Crysalide, reposant sur la perte de marge bénéficiaire, était infondée, cette société n'ayant aucune chance sérieuse d'emporter le marché et ne justifiant pas, en tout état de cause, de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2014 et un mémoire, enregistré sous forme de note en délibéré le 17 avril 2015, la société Crysalide, représentée par la SELARL Hourcabie-Pareydt-Gohon, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Calais de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 8 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

- les décisions n° 359994 du 4 avril 2014 et n° 383149 du 5 février 2016 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux.

Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...C..., représentant la commune de Calais et de Me A...B..., représentant la société Crysalide.

1. Considérant qu'à la suite d'un avis d'appel public à la concurrence publié le 29 novembre 2010, la commune de Calais a lancé une procédure adaptée de passation d'un marché portant sur l'établissement du plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics ; que le marché ayant été attribué à la société IDP Consult et signé avec celle-ci le 30 mars 2011, la société Crysalide, concurrent évincé, a demandé au tribunal administratif de Lille d'en prononcer l'annulation ou la résiliation et de condamner la commune de Calais à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière ; que la commune de Calais relève appel de l'article 1er du jugement du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé le marché du 30 mars 2011 ; que si la société Crysalide, qui conclut au rejet de la requête, indique succinctement dans le corps de son mémoire du 12 septembre 2014 en outre " former un appel incident ", elle ne formule explicitement aucune conclusion indemnitaire qui tendrait à remettre en cause l'article 3 qui a rejeté ses prétentions sur ce point et ne présente, en outre, aucun moyen d'appel critiquant la solution retenue par le tribunal pour rejeter la demande d'indemnisation qu'elle avait formée, devant lui, en qualité de candidat évincé ; que, par suite, les conclusions des parties dont la cour est saisie doivent être regardées comme étant seulement dirigées contre l'article 1er du jugement en litige ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics : " Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. / Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. / (...) " ; qu'aux termes du III de l'article 53 du même code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées " ; qu'aux termes de la deuxième phrase du 1° du I de l'article 35 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation " ;

3. Considérant que, selon l'acte d'engagement valant règlement de consultation, le marché portait sur l'établissement du plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, conformément aux textes réglementaires, afin de réaliser des itinéraires privilégiés à travers la ville, qui soient accessibles et continus pour les personnes à mobilité réduite ; que le marché prévoyait, notamment, un diagnostic de la situation existante, le recensement de tous les espaces publics générant des déplacements piétons, l'analyse de pertinence des itinéraires à aménager, en vue de les rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite selon l'importance de ces itinéraires, la préconisation et la programmation par ordre de priorité des travaux de mise en accessibilité, l'évaluation financière et la planification de ces travaux, ainsi que la mise en place d'outils de suivi ; qu'à cette fin, l'article 10 relatif aux " clauses techniques " prévoyait notamment au point 4 " organisation de l'étude " que le prestataire produise à l'appui de son offre une note détaillant sa méthodologie et l'organisation proposée ; que le C de l'article 10.5 rappelait la possibilité pour le prestataire de proposer " en la justifiant ", dans un " mémoire technique ", " une approche différente, prenant cependant en compte les éléments rappelés " dans le même article ; que, parmi ces éléments figurait la définition de deux périmètres, à savoir celui correspondant à " un état des lieux et diagnostic " portant sur " l'ensemble de la voirie et des espaces publics de la ville " soit pour la ville de Calais " 250 km de voirie (le double pour les trottoirs) " et celui correspondant à un " plan d'actions pour la mise en accessibilité " ; que l'article 10.5 indiquait que la longueur du " croisement des taux d'accessibilité constatés et des enjeux recensés " devait conduire à détailler l'étude sur environ le quart du linéaire d'itinéraires piétons concernés, soit une estimation de " 60 km +/- 10 km " ; que l'article 10.5 en déduisait que : " Dans son offre le candidat proposera un montant sur cette base mais aussi un coût d'aménagement au km qui permettra d'ajuster le montant final de la prestation pour correspondre au mieux aux choix du comité de pilotage et de la commission d'accessibilité " ; qu'un comité de pilotage ou une commission d'accessibilité devait, à la suite de la phase 1, valider les périmètres à prendre en compte pour la phase 2 avec une hiérarchisation des cheminements principaux à l'intérieur de ces périmètres ; qu'il était rappelé que " La longueur résultant des espaces dont l'étude sera détaillée devrait être d'environ 60 km +/- 10 km " ; que l'objectif de la phase 2 consistait en particulier à " définir des actions d'amélioration de l'accessibilité des cheminements piétons retenus lors de la phase 1 et d'en faire une programmation annuelle " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces diverses stipulations qu'il incombait au candidat de produire, à l'appui de son offre, une note expliquant sa méthodologie et l'organisation de l'étude qu'il entendait mettre en oeuvre ; que ces stipulations permettaient également à tout candidat de proposer une approche différente de celle retenue par le règlement de consultation, à condition d'en justifier et de prendre en compte " les éléments demandés " dans la partie " phasage " ; que l'ensemble de ces éléments devaient être validés, phase par phase, notamment par le comité de pilotage prévu au point 3 ; que si, dans le cadre d'une approche méthodologique différente de celle envisagée par le règlement de consultation, la prise en compte des éléments devait conduire à ne pas proposer un périmètre d'étude détaillée inférieur à 50 km, qui était le minimum exigé par la commune, cette obligation de prise en compte n'interdisait pas, si cela était justifié par une méthode d'approche différente, de proposer un périmètre d'étude pour le plan d'actions supérieur à 70 km, ce seuil ne présentant pas de caractère impératif ;

5. Considérant que le critère du mémoire technique comptait pour 60 % et celui des prix pour 40 % pour l'évaluation des offres ;

6. Considérant qu'il est constant que la société IDP Consult a entendu user de la faculté qui lui était donnée de proposer une méthodologie propre ; qu'elle a en particulier envisagé, au cours de la phase 1, de mettre en place une " sensibilisation et analyse du territoire (sur les 250 km de voirie) en se fondant principalement sur la mise en place de réunions techniques avec les services et d'ateliers de travail avec les partenaires associatifs " ; qu'elle a prévu au cours de la phase 2 un " diagnostic de terrain " et des " préconisations sur les 250 km de voirie qui sont analysés lors de parcours pédestres " ; qu'elle a, enfin, en phase 3, prévu un " programme de travaux et plan d'accessibilité sur les 250 km de voirie et l'ensemble des espaces publics ", ainsi que la mise en place d'un outil d'évaluation et de suivi des travaux d'accessibilité ; que la société IDP Consult a ainsi tenu compte de l'existence de deux périmètres d'études différents correspondant, pour l'un, au diagnostic et à l'état des lieux et, pour l'autre, à un plan d'actions ; qu'elle n'a pas fait porter ce second périmètre sur un linéaire inférieur à 50 km ; que si, pour le périmètre du plan d'action, elle a choisi de détailler son étude sur l'ensemble du linéaire de la ville, ce choix correspondait à sa méthode d'approche ; qu'il ne contraignait d'ailleurs pas la commune à réaliser son plan d'action sur la totalité du linéaire de la ville dès lors que la méthode de la société permettait d'effectuer un calcul du coût au kilomètre et ne faisait pas obstacle à une validation par le comité de pilotage d'un périmètre d'actions plus réduit ; que le planning pour le délai d'étude était conforme à celui du cahier des charges, ainsi que le nombre de réunions envisagé ; qu'en tout état de cause, l'offre de la société IDP Consult n'a pas été jugée la meilleure sur le plan technique par la commission de sélection contrairement à celle de la société Crysalide, qui, respectant la méthodologie prévue par le règlement de consultation avec un périmètre d'étude du plan d'actions correspondant à environ 60 km, a obtenu le maximum de points ; qu'en revanche, l'offre de la société IDP Consult, sans être la moins onéreuse, a été mieux notée au niveau du critère du prix que celle de la société Crysalide, qui était la plus chère de toutes ; que l'attribution du marché à la société IDP Consult est la résultante de ces critères qui a permis de la placer en tête des différents candidats ; qu'ainsi, en attribuant le marché à une offre retenant un périmètre d'études pour le plan d'action de mise en accessibilité supérieur à 70 km, la commune de Calais n'a pas modifié substantiellement les caractéristiques et les conditions d'exécution du marché telles que définies dans le règlement de la consultation mais a seulement pris en considération une offre reposant sur une méthodologie différente ainsi que le règlement de consultation le prévoyait ; que, par suite, le choix de la société IDP Consult n'est pas intervenu en méconnaissance du respect du principe d'égalité entre les candidats ; que, dans ces conditions, la commune de Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation du marché comme étant fondé sur une modification substantielle du règlement de la consultation ;

7. Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Crysalide devant la juridiction administrative à propos de la contestation de la validité du contrat ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Calais n'a mené aucune négociation avec les candidats ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le règlement de consultation ne précisait pas les critères d'appréciation des " meilleures offres " pour lesquelles la commune se réservait la possibilité d'une négociation est sans incidence sur la validité du contrat ;

9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de la société retenue ait présenté des insuffisances en termes de moyens mis en oeuvre ou de méthodologies, telles que la commune de Calais, en la choisissant, et notamment en lui attribuant une note technique de 54/60, ait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses mérites ;

10. Considérant que quatre entreprises candidates, sur neuf, ont proposé un prix inférieur à l'estimation fixée par le pouvoir adjudicateur ; que les propositions de prix de trois candidats étaient inférieures à celle de la société retenue ; que, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu des appréciations portées au rapport d'analyse des offres sur les prestations de ces différents candidats, la circonstance que le prix de l'offre choisie, soit 50 000 euros hors taxes, était inférieur d'environ 27 % à l'estimation, n'implique pas que la commune de Calais, en ne rejetant pas cette offre comme anormalement basse, ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la commune de Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé le contrat signé le 30 mars 2011 ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Crysalide une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Calais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Calais, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Crysalide et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Crysalide devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation ou à la résiliation du contrat en litige ainsi que les conclusions présentées en appel par cette société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Crysalide versera à la commune de Calais une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Calais, à la société IDP Consult et à la société Crysalide.

Délibéré après l'audience publique du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°13DA02195 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA02195
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Jean-Michel Riou
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-07;13da02195 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award