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26/04/2016 | FRANCE | N°15DA01398

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 26 avril 2016, 15DA01398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune d'Hébuterne (Pas-de-Calais) à réparer les préjudices résultant de la pollution d'un pâturage et de lui enjoindre de mettre à sa disposition une pâture saine et de mettre en conformité son réseau d'assainissement.

Par un jugement nos 0701927-0905525 du 25 novembre 2011, le tribunal administratif de Lille lui a accordé une indemnité de 14 490 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 12

DA00229 du 5 février 2013, la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur la requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune d'Hébuterne (Pas-de-Calais) à réparer les préjudices résultant de la pollution d'un pâturage et de lui enjoindre de mettre à sa disposition une pâture saine et de mettre en conformité son réseau d'assainissement.

Par un jugement nos 0701927-0905525 du 25 novembre 2011, le tribunal administratif de Lille lui a accordé une indemnité de 14 490 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 12DA00229 du 5 février 2013, la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur la requête de l'intéressé, a porté à 20 188 euros l'indemnité mise à la charge de la commune et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 367484 du 27 juillet 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur la période de responsabilité de la commune d'Hébuterne, sur l'évaluation des préjudices subis par M. A...et sur les conclusions à fin d'injonction présentées par ce dernier et renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 février 2012, le 25 septembre 2015 et le 5 février 2016, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour, dans la limite du renvoi :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille du 25 novembre 2011 en ce qu'il a limité à la somme de 14 490 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune d'Hébuterne en réparation des préjudices qu'il a subis ;

2°) de condamner la commune d'Hébuterne à lui verser, d'une part, une somme de 27 535 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2009 au titre de la réparation du préjudice de jouissance et, d'autre part, une somme de 400 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2007 au titre de la réparation du préjudice d'exploitation ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Hébuterne, dans un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux pollutions dont il est victime, ou, à défaut, de mettre à sa disposition une pâture saine ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Hébuterne le versement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la mise en oeuvre des pouvoirs de police spéciale conférés au maire en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif n'exonère pas la commune de sa responsabilité au titre de l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police générale ;

- le lien de causalité entre la pollution et la surmortalité des ovins est établi ;

- les premiers juges ont insuffisamment apprécié le montant du préjudice de jouissance qui s'établit à 27 535 euros ;

- le préjudice d'exploitation subi qui n'a pas été indemnisé par le tribunal administratif peut être évalué à 400 000 euros ;

- la commune n'a toujours pas mis en oeuvre une solution d'assainissement conforme à la réglementation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2016, la commune d'Hébuterne, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de la commune a pris les mesures de police nécessaires pour faire cesser la pollution à partir de 2008 ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre la pollution des pâturages appartenant à M. A... et la surmortalité de ses ovins ;

- les conditions d'élevage de ces ovins explique cette surmortalité ;

- aucune mesure d'exécution n'est nécessaire.

Par ordonnance du 8 février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 29 février 2016.

M. A...a produit des pièces après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par l'arrêt n° 12DA00229 du 27 juillet 2015.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Domingo, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.A..., et de MeH..., représentant la commune d'Hébuterne.

1. Considérant que M.A..., exploitant agricole, a recherché la responsabilité de la commune d'Hébuterne (Pas-de-Calais) en raison d'inondations répétées de parcelles où paissait un troupeau d'ovins lui appartenant, causées par le débordement de fossés recueillant les eaux usées de plusieurs habitations ; que, par un jugement du 25 novembre 2011, le tribunal administratif de Lille a jugé qu'à défaut d'avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser les inondations et mettre un terme au rejet des effluents pollués par les habitations situées en amont, le maire avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que le tribunal a, pour ce motif, condamné la commune à verser à M. A... la somme de 14 490 euros au titre de la remise en état des pâtures ; qu'il a toutefois rejeté la demande de l'intéressé tendant à la réparation des préjudices liés à une surmortalité du troupeau constatée à partir de 1996, dès lors que l'existence d'un lien de causalité entre cette surmortalité et les pollutions n'avait pas été établi ; que la cour administrative d'appel de Douai, statuant par un arrêt du 5 février 2013, a porté l'indemnité due par la commune à 20 188 euros et a rejeté le surplus des conclusions de l'appel de M. A... ; que, par une décision n° 367484 du 27 juillet 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur la période de responsabilité de la commune d'Hébuterne, sur l'évaluation des préjudices subis par M. A...et sur les conclusions à fin d'injonction présentées par ce dernier et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure ;

Sur le préjudice de jouissance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat, de la police municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature (...) " ;

3. Considérant qu'entre 1997 et 2012, le maire de la commune d'Hébuterne n'a pris aucune mesure, au titre des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, pour prévenir et faire cesser les inondations sur les terrains de M. A...ainsi que les rejets d'effluents pollués provenant des bâtiments et habitations situés en amont des pâtures ; que la circonstance que le maire ait entrepris, à compter de 2007, des démarches en vue de la mise en conformité des installations d'assainissement sur le fondement de ses pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif prévus aux articles L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales et L. 1331-1-1 du code de la santé publique, lesquels ne l'ont pas privé de ses pouvoirs de police générale, est sans incidence sur son obligation résultant du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales de faire cesser les pollutions de toute nature et n'exclut ainsi pas, en l'espèce, la carence fautive de la commune d'Hébuterne à ce titre ;

4. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en accordant à M. A...une indemnité fondée sur un barème d'occupation temporaire évalué par la chambre départementale d'agriculture à 0,15 euros par mètre carré de prairie, soit pour une surface de 0,9660 hectare, une somme de 23 200 euros ; qu'en outre, M. A...a droit à l'indemnisation des frais de déplacement de sa bergerie, à hauteur de 2 800 euros ; qu'il y a ainsi lieu de condamner la commune d'Hébuterne à verser à M. A...une somme globale de 26 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

Sur le préjudice d'exploitation :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de M. F...du 20 décembre 2008, que les inondations des pâtures de M. A...par des eaux gravement polluées, récurrentes pendant plus de treize ans, ont affaibli et fragilisé les animaux qui y paissaient et ont ainsi causé une mortalité anormale au sein du troupeau ; qu'il résulte cependant également de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise de M. B...du 25 février 2000 et de M. I... du 12 février 2004, que M. A...a eu une conduite zootechnique insuffisante pendant plusieurs années, en ne procédant notamment pas à la correcte vaccination de ses ovins, et qu'il a maintenu son troupeau dans des conditions sanitaires approximatives, en particulier en les hébergeant dans une bergerie aux dimensions insuffisantes, dépourvue de système d'isolation, de chauffage et d'aération ; que ces circonstances, qui sont indépendantes de la pollution des pâtures, expliquent également la mortalité importante du troupeau ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les dommages causés aux animaux de M. A...doivent être regardés comme causés pour moitié seulement par la pollution des terrains ;

6. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'exploitation subi par M. A... en lui accordant, compte tenu des justifications qu'il produit, et notamment du nombre d'animaux décédés, de leur valeur à la vente et de leur coût de remplacement, une indemnité de 100 000 euros à ce titre ;

Sur les intérêts :

7. Considérant que M. A...a droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités de 26 000 euros et de 100 000 euros à compter respectivement du 5 juin 2009 et du 6 janvier 2007, dates de réception de ses demandes préalables ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 26 000 euros le montant de l'indemnité due par la commune d'Hébuterne à M. A...au titre de la perte de jouissance, de condamner la commune à verser au requérant une somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'exploitation et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

10. Considérant que le présent arrêt, qui reconnaît la carence fautive de la commune d'Hébuterne dans la pollution des terrains de M.A..., implique seulement, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la pollution en cause perdure, que cette commune y mette fin ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre à la commune d'Hébuterne de prendre, dans un délai d'un an, les mesures nécessaires pour mettre fin aux pollutions des terrains de M. A...causées par le débordement de fossés recueillant les eaux usées de plusieurs habitations de la commune ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la commune d'Hébuterne la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Hébuterne une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 14 490 euros que la commune d'Hébuterne a été condamnée à verser à M. A...par le jugement du 25 novembre 2011 est portée à 26 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2009.

Article 2 : La commune d'Hébuterne est condamnée à verser à M. A...une somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'exploitation. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2007.

Article 3 : Le jugement du 25 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint à la commune d'Hébuterne de prendre, dans un délai d'un an, les mesures nécessaires pour mettre fin aux pollutions des terrains de M. A...causées par le débordement de fossés recueillant les eaux usées de plusieurs habitations de la commune.

Article 5 : La commune d'Hébuterne versera à M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune d'Hébuterne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. J...A...et à la commune d'Hébuterne.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,

Signé : M. G...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01398
Date de la décision : 26/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60 Responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : GESICA AMIENS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-26;15da01398 ?
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