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28/04/2016 | FRANCE | N°15DA00928

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 15DA00928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 novembre 2013 par laquelle le préfet du Nord a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial qu'il avait formée en faveur de son épouse et de faire injonction, sous astreinte, au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial.

Par un jugement n° 1402731 du 16 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 juin 2015, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 novembre 2013 par laquelle le préfet du Nord a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial qu'il avait formée en faveur de son épouse et de faire injonction, sous astreinte, au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial.

Par un jugement n° 1402731 du 16 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 juin 2015, le 14 décembre 2015 et le 14 mars 2016, M. A..., représenté par Me Sophie Lefebvre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 mars 2015 et la décision du préfet du Nord du 12 novembre 2013 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de faire droit à sa demande de regroupement familial, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à défaut, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée, dont les motifs ne font pas apparaître que le préfet du Nord se serait livré à une appréciation de sa situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est insuffisamment motivée ;

- cette insuffisante motivation révèle que le préfet, qui s'est cru à tort lié par les conditions posées par la réglementation, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, notamment au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et qu'il a commis une erreur de droit ;

- pour refuser de faire droit à sa demande de regroupement familial, le préfet a méconnu ces stipulations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2015, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la requête, qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte de la demande de première instance, est insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et doit, par suite, être rejetée comme irrecevable ;

- l'épouse de M. A...ne peut être admise sur place au bénéfice du regroupement familial, dès lors que l'intéressée, qui ne justifie pas, au demeurant, de la date de son entrée en France, s'y est maintenue irrégulièrement après la date d'expiration de son visa ;

- les autres moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien entré sur le territoire français le 20 septembre 2003 et titulaire d'une carte de résident en cours de validité, a formé, le 27 septembre 2013, une demande de regroupement familial afin d'obtenir l'autorisation d'être rejoint par son épouse, une compatriote avec laquelle il avait contracté mariage en France quatre ans auparavant, le 7 août 2009 ; que, par une décision du 12 novembre 2013, le préfet du Nord a refusé de faire droit à cette demande, au motif que l'épouse de M. A..., qui n'était pas en possession d'un titre de séjour en cours de validité à la date de son mariage, ne pouvait obtenir, sur le fondement de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bénéfice d'un regroupement familial sur place ; que M. A... relève appel du jugement du 16 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 12 novembre 2013 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Nord :

2. Considérant que, même si, au soutien de sa requête d'appel, M. A...reprend, au demeurant partiellement, les moyens qu'il avait présentés devant le tribunal administratif de Lille, il ne se borne pas à une reprise littérale de sa demande de première instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Nord et tirée de l'insuffisante motivation de cette requête au regard de l'exigence posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant que l'autorité préfectorale n'est pas en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à une demande de regroupement familial formée par un ressortissant étranger qui ne satisferait pas aux conditions requises pour y prétendre, mais qu'elle doit faire usage de son pouvoir d'appréciation et s'assurer notamment qu'un refus ne serait pas de nature à porter au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M.A..., qui est entrée sur le territoire français le 26 juin 2010, ainsi qu'en témoigne le cachet apposé sur son passeport, y a rejoint son mari, ainsi que ses parents et ses deux frères, qui y résident sous couvert de cartes de résident ; qu'elle a donné naissance, le 15 septembre 2010 et le 11 juin 2012, à deux enfants, qui sont scolarisés ; que M.A..., qui est par ailleurs le père d'un enfant de nationalité française né d'une précédente union, avec lequel il n'est pas contesté qu'il entretient des liens réguliers en exerçant le droit de visite qui lui a été reconnu le 6 mai 2010 par le juge aux affaires familiales et qui réside habituellement sur le territoire français depuis la fin de l'année 2003, n'a pas vocation à poursuivre sa vie familiale avec son épouse hors de ce territoire ; qu'ainsi et alors même que l'épouse du requérant y est elle-même entrée sans se conformer à la procédure d'admission au séjour au titre du regroupement familial, pour refuser de faire droit à la demande formée en sa faveur par M.A..., le préfet du Nord a, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris et, par suite, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de la décision contestée, le présent arrêt implique nécessairement, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que M. A...ne satisferait pas aux autres conditions requises pour y prétendre, que le préfet du Nord fasse droit, sauf à ce que de nouvelles circonstances de droit ou de fait y fassent obstacle, à la demande de regroupement familial formée par M. A...en faveur de son épouse ; qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, d'impartir au préfet du Nord un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, pour faire droit, à la demande de regroupement familial formée par M. A... ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sophie Lefebvre, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement 16 mars 2015 du tribunal administratif de Lille et la décision du 12 novembre 2013 du préfet du Nord sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de faire droit, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, à la demande de regroupement familial formée par M. A... en faveur de son épouse.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sophie Lefebvre, avocat de M.A..., la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me Sophie Lefebvre.

Délibéré après l'audience publique du 31 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 avril 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA00928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00928
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-28;15da00928 ?
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