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26/05/2016 | FRANCE | N°14DA01379

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 26 mai 2016, 14DA01379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 69 584,76 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de la décision du 29 août 2011 par laquelle le président de cet organisme a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1202263 du 17 juin 2014 le tribunal administratif de Rouen a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de la S

eine-Maritime à verser à Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de la perte de ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 69 584,76 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de la décision du 29 août 2011 par laquelle le président de cet organisme a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1202263 du 17 juin 2014 le tribunal administratif de Rouen a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à verser à Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'une évolution de carrière et a renvoyé l'intéressée devant la chambre de métiers et de l'artisanat afin de liquider l'indemnité allouée au titre du préjudice matériel, déterminée au regard des motifs du jugement, dans la limite de 69 584,76 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le 23 septembre 2015, MmeC..., représentée par la SCP Silie Verilhac et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il fixe le montant du préjudice qu'elle a subi ;

2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à lui verser :

- 69 584,76 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- 10 000 euros en réparation de la perte de chance subie ;

- 10 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime est engagée en raison de l'illégalité de la décision la licenciant, qui a été prise en l'absence de toute recherche de reclassement ;

- l'article L. 1226-10 du code du travail a été méconnu ;

- la commission paritaire locale aurait dû être saisie ;

- elle subit un préjudice en raison de la perte de son emploi ;

- sa situation est précaire ;

- elle a perdu une chance de connaitre une évolution de carrière favorable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2015, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime, représentée par Me B...E..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Rouen et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel de Mme C...qui se borne à reproduire ses écritures de première instance, est irrecevable ;

- les conclusions indemnitaires de MmeC..., pour leur partie excédant la somme de 69 584,76 euros, sont irrecevables ;

- avoir rempli son obligation de reclassement ;

- ni les " déléguées du personnel ", ni la commission paritaire locale n'avait à être consulté ;

- Mme C...ne justifie pas de l'existence de troubles dans ses conditions d'existence ;

- n'ayant aucun poste disponible à offrir à MmeC..., cette dernière n'a perdu aucune chance d'évolution de carrière ;

- l'intéressée n'a subi aucun préjudice financier.

Par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires en tant qu'elles excèdent celles présentées en première instance et sont, par suite, nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat publié au journal officiel du 6 janvier 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., substituant Me B...E...représentant la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime.

1. Considérant que MmeC..., agent titulaire de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime, a été victime, les 26 janvier 2006 et 24 septembre 2009 de deux accidents imputables au service ; qu'un taux d'incapacité permanente partielle de 18% lui a été reconnu ; que le médecin du travail a déclaré en dernier lieu, par un avis du 10 juin 2011, l'intéressée inapte à reprendre son poste sans aménagement, et sous les conditions fixées par l'avis précité, apte à occuper un autre emploi ; que par une décision du 29 août 2011, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime a prononcé le licenciement de Mme C...pour inaptitude physique ; que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen, après avoir constaté que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime ne démontrait pas avoir recherché toutes les possibilités de reclassement sur des postes vacants correspondant aux restrictions d'aptitude médicale de MmeC..., et n'avait pas, ainsi, satisfait à son obligation de reclassement, a condamné cet établissement à indemniser l'intéressée du préjudice matériel subi et de la perte de chance de bénéficier d'une évolution de carrière ; que Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il a insuffisamment évalué ses préjudices ; que par la voie d'un appel incident, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des demandes de MmeC... ;

2. Considérant, toutefois, que les conclusions d'appel présentées par un intimé doivent être regardées comme constitutives d'un appel principal si elles sont présentées dans le délai d'appel ; qu'en l'absence au dossier des accusés de réception de la notification du jugement de première instance à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime, les conclusions d'appel incident de cette dernière doivent être requalifiées en appel principal ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime :

3. Considérant que Mme C...ne se borne pas à hauteur d'appel à reproduire ses écritures de première instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime doit être écartée ;

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :

4. Considérant que la demande de Mme C...devant le tribunal administratif se limitait à la somme de 69 584,76 euros en réparation de son préjudice matériel ; que devant la cour et alors qu'elle ne fait pas état de l'évolution de ce préjudice, elle augmente ses conclusions de 20 000 euros pour les porter à la somme de 89 584,76 euros, concluant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de Seine-Maritime à lui verser les sommes de 10 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'une évolution de carrière et de 10 000 euros au titre des troubles qu'elle subit dans ses conditions d'existence ; que ces dernières conclusions, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables ;

Sur la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis médical cité au point 1, reconnaît l'aptitude de Mme C...à occuper le poste d'agent d'accueil sur lequel elle était affectée au jour où cet avis a été rendu, sous réserve que ce poste soit aménagé ; que s'il n'est pas contesté par la requérante que ce poste ait été spécialement ouvert afin qu'elle y soit affectée pendant la période ou elle se trouvait à mi-temps thérapeutique, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'aucun poste n'était vacant à l'accueil de la chambre au jour du licenciement de l'intéressée ; que notamment la preuve de l'absence de vacance de poste n'est pas rapportée par la production, à hauteur d'appel, par la chambre de métiers et de l'artisanat d'un organigramme en date de l'année 2009, antérieur de deux ans à la date du licenciement de MmeC... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les adaptations nécessaires de ce poste de travail à la pathologie de l'intéressée n'étaient pas réalisables par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime ; que toutefois, en dépit des demandes de MmeC..., la chambre de métiers et de l'artisanat n'a pas procédé à cet aménagement ; que la circonstance que la situation financière de l'organisme consulaire exigeait que des mesures d'économies soient prises, ne saurait exonérer la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime de son obligation de reclassement ; que dans ces circonstances, en s'abstenant de procéder à l'adaptation du poste occupé par Mme C...la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions ; que lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises ;

7. Considérant que Mme C...demande la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à lui verser au titre de son préjudice matériel une somme correspondant à trois années de salaire ; qu'eu égard à la gravité de l'illégalité sanctionnée, à l'ancienneté de l'intéressée qui était employée depuis trente-cinq ans par la chambre de métiers et de l'artisanat au jour de son licenciement, au montant de sa rémunération et alors qu'aucune faute ne lui est reprochée, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel subi par Mme C...en condamnant l'organisme consulaire à lui verser la somme de 15 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à réparer le préjudice matériel subi par MmeC... ; que, d'autre part, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Rouen a, en déterminant le préjudice retenu, condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à lui verser une indemnité correspondant à la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont elle avait, de la date de son licenciement à la date de lecture du jugement, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions et sous déduction, le cas échéant, de l'indemnité due, des rémunérations que Mme C...a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction illégale, ainsi que des sommes qu'elle a effectivement perçues durant la période en cause, notamment des sommes reçues au titre de l'allocation pour perte d'emploi ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime à verser à Mme C...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeC..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement de la somme que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête présentée par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il l'a condamnée à réparer le préjudice matériel subi par Mme C...sont rejetées.

Article 2 : La chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime est condamnée à verser la somme de 15 000 euros à MmeC....

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme C...et de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C...et à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Isabelle Genot

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01379
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-26;14da01379 ?
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