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16/06/2016 | FRANCE | N°16DA00373

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 16DA00373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1507216 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, Mme B.

..F..., représentée par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1507216 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, Mme B...F..., représentée par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît son droit à la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen personnel ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît son droit à la vie privée et familiale garanti par les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet aurait dû lui un accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en raison de sa situation familiale ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée, au regard notamment de son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai, désignant Me A...D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

1. Considérant que, par un arrêté en date du 29 septembre 2014, régulièrement publié le même jour au recueil spécial n° 278 des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à M. E...C..., directeur de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Nord, pour signer les décisions relevant de ses attributions, notamment les décisions de refus de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige manque en fait et doit être écarté ;

2. Considérant que l'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions de l'article L. 314-11 et celles de l'article L. 511-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivé en droit ; qu'il fait également mention des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'agissant de la décision fixant le pays de destination ; qu'en outre, les mesures contestées font également état de la situation personnelle et familiale de l'intéressée et de ses conditions d'entrée sur le territoire français ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté du 26 mai 2015, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme F...au regard, notamment, de la décision d'éloignement dont elle fait l'objet ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen personnel ne peut qu'être écarté ;

Sur la décision de refus de séjour :

4. Considérant que MmeF..., ressortissante congolaise née le 4 avril 1986, est entrée en France 20 juin 2012 dépourvue de tout visa ou document de séjour ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français à la faveur de l'instruction de sa demande d'asile, rejetée le 27 mai 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 10 décembre 2014 ; qu'en dépit d'une durée de séjour en France de trois ans à la date de l'arrêté en litige et de la scolarisation récente d'une de ses filles à Tourcoing, l'intéressée ne fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle sur le territoire français; qu'il ressort des pièces versées au dossier que Mme F...a conservé des attaches familiales en République démocratique du Congo où résident ses soeurs ainsi que sa première fille ; que si elle se prévaut de la présence de deux autres soeurs dans le département de l'Eure, l'intéressée n'établit pas qu'elle entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec ces dernières ; qu'eu égard aux conditions de séjour de MmeF..., l'administration n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le préfet du Nord n'a pas violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 4 que Mme F...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

6. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

7. Considérant qu'en dépit des problèmes qu'invoque l'intéressée, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que son état de santé ferait obstacle à son éloignement ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que la décision obligeant l'étranger à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité ;

Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que Mme F...aurait fait état auprès de l'administration de circonstances particulières de nature à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé ; qu'en outre, il n'en ressort pas davantage que la situation de l'intéressée, compte tenu la scolarisation très récente de son enfant, appelait un délai de départ supérieur à trente jours ; que, par suite, en retenant le délai de droit commun de trente jours prévu par les dispositions précitées, le préfet du Nord n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que Mme F...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

12. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que selon les termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

13. Considérant que l'application combinée des stipulations et dispositions citées au point 12 fait obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

14. Considérant que si Mme F...allègue avoir fui la République démocratique du Congo en raison des menaces qu'elle y aurait subies, notamment du fait des activités de son compagnon, elle n'établit pas par les documents qu'elle produit y être exposée à des mauvais traitements ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 mai 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 10 décembre 2014 ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des documents versés par la requérante en appel, qu'en fixant comme destination la République démocratique du Congo, Etat dont elle a la nationalité, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe président-assesseur,

Signé : C. BERNIER

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°16DA00373 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00373
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Bernier
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-16;16da00373 ?
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