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21/06/2016 | FRANCE | N°14DA01552

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 21 juin 2016, 14DA01552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 30 juillet 2014 du préfet de la Seine-Maritime ordonnant sa remise aux autorités italiennes et de l'arrêté du 20 août 2014 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1402811 du 22 août 2014, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le

17 septembre 2014 et le 5 juin 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 30 juillet 2014 du préfet de la Seine-Maritime ordonnant sa remise aux autorités italiennes et de l'arrêté du 20 août 2014 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1402811 du 22 août 2014, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 septembre 2014 et le 5 juin 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen du 22 août 2014 ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que la décision de remise aux autorités italiennes n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2015, M.B..., représenté par Me A...E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que l'arrêté décidant sa remise aux autorités italiennes a pas été pris dans des conditions méconnaissant les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013/UE ;

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant malien né le 5 janvier 1986, a sollicité auprès du préfet de la Seine-Maritime son admission au séjour au titre de l'asile ; que la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé était identifié en qualité de demandeur d'asile en Italie depuis le 14 octobre 2013 ; que le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et a saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission qui a fait l'objet d'un accord implicite ; que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 22 août 2014 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 30 juillet 2014 ordonnant la remise de M. B...aux autorités italiennes et l'arrêté du 20 août 2014 ordonnant son placement en rétention administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande d'asile, le 9 mai 2014, M. B...a déclaré qu'il comprenait la langue poular qui est une des dénominations de la langue parlée par les ethnies peules ; que si les documents prévus par les dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013 n'ont pas été remis dès cette date à l'intéressé, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a bénéficié dès le 26 mai 2014 d'un entretien individuel assisté d'un interprète en langue poular au cours duquel il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que convoqué ensuite à la préfecture de la Seine-Maritime le 10 juin 2014, M. B...a été mis en possession du guide du demandeur d'asile en langue française, seule langue officielle de son pays d'origine ; que ce document a été en outre traduit par un interprète en langue peule au même titre que les deux brochures " A " et " B " comportant les informations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; qu'il a enfin disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant le 30 juillet 2014, date à laquelle le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités italiennes après l'avoir invité à formuler des observations ; que M.B..., qui a au demeurant formulé des observations le 12 juin 2014, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, été privé de la garantie instituée par l'article 4 du règlement précité ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler la décision de remise aux autorités italiennes et, par voie de conséquence, l'arrêté ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ;

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

5. Considérant que M. Etienne Guillet, secrétaire général adjoint de la préfecture, signataire des décisions attaquées, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Seine-Maritime du 25 avril 2013, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer notamment les décisions en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

6. Considérant que les arrêtés en litige comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent ; qu'ils sont, par suite, suffisamment motivés ;

Sur la remise aux autorités italiennes :

7. Considérant qu'il ressort du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment des articles L. 531-1 et suivants que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative ordonne la remise aux autorités compétentes d'un Etat membre ; que, par suite, M. B...ne peut utilement se prévaloir de la violation des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations à l'encontre d'une décision de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013/UE : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'un entretien le 26 mai 2014 après le dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et n'a pas été empêché de porter à la connaissance de l'administration des éléments qu'il avait en sa possession ; que si cet entretien s'est déroulé postérieurement à la saisine des autorités italiennes, il a toutefois été effectué antérieurement à la date du 30 juillet 2014, date de remise à ces autorités ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le guide du demandeur d'asile fourni à M.B... mentionne que l'enregistrement des empreintes digitales sera transmis à la base de donnée européenne " Eurodac " aux fins de comparaison comprend l'information relative aux destinataires des données collectées ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les dispositions de l'article 18 du règlement n° 2725/2000 ;

10. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre " ;

11. Considérant que, pour décider la remise de M. B...aux autorités italiennes, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur les dispositions précitées du b du 1. de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est rendu le 9 mai 2014 à la préfecture de la Seine-Maritime dans le but de former une demande d'asile ; que dépourvu de tout titre de séjour sur le territoire français, il a été identifié à la borne " Eurodac " comme demandeur d'asile en Italie le 7 février 2013 en tant que ressortissant d'un pays tiers ayant franchi irrégulièrement la frontière extérieure d'un Etat membre de l'Union européenne le 14 octobre 2013 ; que ce dernier se trouvait ainsi dans la situation visée au b du 1. de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, qui concerne le ressortissant étranger qui a formulé des demandes d'asile dans deux Etats de l'Union européenne ou qui se trouve irrégulièrement sur le territoire d'un autre Etat que celui auprès duquel il a sollicité l'asile ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime a pu décider de sa remise à ces autorités en application des dispositions précitées ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 26 du règlement précité : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...) / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. " ;

13. Considérant que M. B...a reçu notification d'une décision de transfert après une décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il a également été informé de l'existence des voies de recours à l'encontre de ces décisions ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013, qui ne prévoient en outre, contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'octroi d'aucun délai de départ volontaire, n'ont pas été méconnues ;

14. Considérant que le paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée " ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes ont le 24 juillet 2014 donné un accord implicite de reprise en charge à la demande faite le 22 mai 2014 par le préfet de la Seine-Maritime ; que, par suite, la décision du 30 juillet 2014 par laquelle le préfet a ordonné la remise de M. B...aux autorités italiennes est intervenue moins de six mois à compter de la décision implicite par laquelle l'Italie a donné son accord pour sa réadmission ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

17. Considérant, d'une part, qu'en dépit de la circonstance alléguée selon laquelle l'état de santé de M. B...nécessite un suivi médical pour des problèmes urinaires, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ; que, d'autre part, la perspective alléguée qu'il ne pourrait bénéficier rapidement d'un traitement médical adapté par l'Italie n'est pas au nombre des traitements inhumains ou dégradants tels qu'entendus au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si M. B... fait également valoir qu'il encourt un risque réel d'être soumis à des traitements dégradants et inhumains contraires aux stipulations précitées à raison des défaillances du système de procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, il ne produit toutefois aucun élément au soutien de ses allégations de nature à renverser la présomption de respect, par l'Italie, des droits fondamentaux garantis aux demandeurs d'asile et aux réfugiés par les règles et principes de droit international et interne ; que par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le placement en rétention administrative :

18. Considérant que la seule circonstance que le préfet s'est seulement borné à indiquer sur la convocation de M. B...en préfecture le 20 août 2014 la mention " réadmission effective en Italie " ne saurait, à elle seule, révéler que le préfet aurait commis une manoeuvre déloyale susceptible d'avoir entaché d'irrégularité la décision de placement en rétention ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté de placement en rétention administrative, de l'illégalité de la décision de remise aux autorités italiennes ;

20. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités, et de l'exigence de proportionnalité issue de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, à l'aune de laquelle leurs dispositions doivent être lues, que la mesure de placement en rétention administrative qui peut être décidée par l'autorité administrative, compte tenu des circonstances particulières de chaque espèce et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, n'est proportionnée au but recherché qu'à la condition que l'étranger faisant l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour permettre de l'assigner à résidence ;

21. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'aux termes des paragraphes 16 et 17 du préambule de la directive 2008/115/CE : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention devraient être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux et conformément aux dispositions du droit national et du droit international. Sans préjudice de l'arrestation initiale opérée par les autorités chargées de l'application de la loi, régie par la législation nationale, la rétention devrait s'effectuer en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. " ;

22. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008, le placement en rétention d'un étranger qui fait l'objet d'une procédure de retour ne paraît justifié, en l'absence de départ volontaire, que si son assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la décision de retour dont il fait l'objet ; qu'en vertu de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la rétention administrative de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant n'est possible que lorsque le délai pour quitter le territoire français qui lui avait été accordé est expiré ou, si ce délai n'a pas été accordé, à la condition qu'il ne puisse quitter immédiatement le territoire français, à moins qu'il ne fasse l'objet d'une décision d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 de ce code ; qu'une telle décision d'assignation est prise lorsque l'étranger, pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable, présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; que l'autorité administrative est tenue d'effectuer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un examen de la situation de chaque étranger afin de vérifier notamment si les conditions légales permettant son placement en rétention sont réunies et si l'étranger bénéficie de garanties de représentation effectives ; que, dans ces conditions, les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas exagérément restrictives au regard de l'objectif de proportionnalité reconnu par la directive du 16 décembre 2008 et ne méconnaissent pas les objectifs de cette directive ;

23. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / (...) " ;

24. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...n'était pas, à la date à laquelle la décision contestée a été prise, en mesure de justifier de la possession d'un passeport en cours de validité et ne disposait pas d'un domicile stable, ayant seulement fait état auprès des services préfectoraux d'une domiciliation postale auprès d'une association ; que, par suite, et en dépit du fait qu'il aurait honoré ses rendez-vous en préfecture, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 pour estimer qu'il existait un risque non négligeable de fuite de l'intéressé et décider de le placer en rétention administrative ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 30 juillet 2014 et du 20 août 2014 ordonnant la remise aux autorités italiennes de M. B...et son placement en rétention administrative ; que les conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402811 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen du 22 août 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. B...présentées en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...B...et à Me A...E....

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. C...Le président de chambre,

Signé : M. D...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°14DA01552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01552
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : AIT-TALEB

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-21;14da01552 ?
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