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21/06/2016 | FRANCE | N°15DA01604

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 21 juin 2016, 15DA01604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui rappelant la précédente obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 22 septembre 2014.

Par un jugement n° 1501857 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2015, le préfet de l'

Oise demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2015 du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui rappelant la précédente obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 22 septembre 2014.

Par un jugement n° 1501857 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2015, le préfet de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....

Il soutient que :

- les premiers juges ont fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le rappel à M. A...de la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet ne constitue pas une mesure d'éloignement faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir.

La requête a été communiquée à M. A...qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Hoffmann, président de chambre.

1. Considérant que M.A..., ressortissant kosovar né le 1er octobre 1977, est entré sur le territoire français le 3 juin 2013 afin d'y solliciter l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 octobre 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 1er septembre 2014 ; qu'il a alors fait l'objet, le 22 septembre 2014, d'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par une décision de la cour administrative d'appel de Douai le 18 juin 2015 ; qu'il a ensuite demandé un titre de séjour pour des raisons de santé qui lui a été refusé par un arrêté du préfet de l'Oise du 19 mars 2015 ; que ce dernier relève appel du jugement du 15 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M.A..., annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a produit à l'appui de sa demande un certificat médical établi le 1er octobre 2014 par un praticien du centre médico-psychologique de Noyon aux termes duquel il ne se prononçait pas sur la disponibilité des soins dans le pays d'origine de l'intéressé ; que par un avis émis le 8 janvier 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie a, d'une part, estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et d'autre part, indiqué qu'il n'existait pas de traitement approprié au Kosovo et que le traitement devait se poursuivre pendant une durée de douze mois ; que si le représentant de l'Etat, qui n'était pas lié par cet avis, ne conteste pas que l'état de santé de l'intéressé, qui souffre de stress post-traumatique, nécessite une prise en charge médicale, il fait toutefois valoir, en se référant à un courrier électronique du 18 mars 2015 du médecin conseiller auprès du ministère de l'intérieur, que figurent parmi la liste actualisée tenue par l'agence de médicaments du Kosovo outre le paroxetine et le mirtazapine, différents médicaments de la même classe thérapeutique et de la même catégorie chimique que l'abilify et le tercian utilisés pour le traitement en France de la pathologie de M.A... ; que le préfet de l'Oise fait notamment valoir, sans être utilement contesté, que l'abilify est un anti-psychotique atypique qui a les mêmes propriétés, selon la Haute Autorité de la Santé, que d'autres produits médicamenteux disponibles au Kosovo et adaptés à l'état de santé de M.A... ; qu'en outre, le pays comporte des établissements spécialisés dans le traitement des pathologies psychiatriques ; qu'enfin, M. A...ne peut utilement se référer aux termes d'une attestation du 27 mai 2015, postérieure à la date de la décision attaquée, établie par un praticien kosovar neurologue qui se borne à relever en des termes généraux et manifestement inexacts eu égard à la précision des informations recueillies par le préfet, que ni l'abilify, ni aucun autre médicament similaire n'existe au Kosovo ; que dans ces conditions, le préfet a pu légalement s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur ce point ; que le préfet de l'Oise est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif d'Amiens ;

Sur le refus de séjour :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'avis prévu par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit permettre l'identification du médecin de l'agence régionale de santé dont il émane et être signé par lui ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...D..., médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, a été désigné par un arrêté du 6 septembre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé de Picardie pour donner les avis prévus par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le cadre des demandes de délivrance des titres de séjour présentées en qualité d'étrangers malades ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière manque en fait et doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France au mois de juillet 2013 pour solliciter le statut de réfugié ; qu'après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 1er septembre 2014, il est demeuré sur le territoire national en compagnie de son épouse et de ses deux enfants dont l'un est scolarisé ; que rien ne s'oppose toutefois, alors que l'épouse de M. A...se trouve également en situation irrégulière et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, à ce que le couple poursuive sa vie privée et familiale en dehors du territoire français notamment au Kosovo où M. A...a vécu au moins jusqu'à l'âge de 36 ans et dans lequel il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale ; que dans ces conditions, eu égard tant à la durée qu'aux conditions du séjour de l'intéressé en France, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Oise en première instance, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 19 mars 2015 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 juin 2016.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : M. F...Le président-rapporteur,

Signé : M. E...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01604
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Michel Hoffmann
Rapporteur public ?: M. Guyau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-21;15da01604 ?
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