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23/06/2016 | FRANCE | N°15DA02074

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15DA02074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 juin 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.



Par un jugement n° 1502451 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 juin 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1502451 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2015, M.B..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 26 novembre 2015 et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 30 juin 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession, dans un délai de dix jours à compter de cette même date et sous la même astreinte, d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- cette décision méconnaît également le 5 du même article de cet accord ;

- pour refuser de faire usage, en sa faveur, du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour sur le fondement duquel elle a été prise ;

- cette décision méconnaît, par elle-même, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions sur le fondement duquel elle a été prise.

Une mise en demeure a été adressée le 21 mars 2016 à la préfète de la Seine-Maritime, qui a produit un mémoire en défense le 6 juin 2016, soit après clôture de l'instruction.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la légalité du refus de séjour :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical rédigé le 2 avril 2015 par le professeur Lequerre, rhumatologue exerçant au centre hospitalier universitaire de Rouen, que M.B..., ressortissant algérien, présente un syndrome fémoro-patellaire à l'origine de gonalgies mécaniques bilatérales, qui rend nécessaire la poursuite d'un traitement par antalgiques, des séances régulières de kinésithérapie et le port d'orthèse ; que toutefois, ni ce document, qui précise expressément que cette pathologie ne présente aucun caractère de gravité et que la prise en charge médicale mise en place permet d'envisager une évolution favorable, sans examen complémentaire et sans qu'une intervention chirurgicale soit envisagée, ni les autres certificats médicaux versés au dossier ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Seine-Maritime, au vu notamment de l'avis émis le 12 mai 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, selon laquelle, si l'état de santé de M. B...rend nécessaire une prise en charge médicale, un défaut de cette prise en charge ne peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que cette appréciation est, au demeurant, expressément confirmée par le docteur Dury, médecin agréé, dans un rapport dressé le 11 juillet 2014 ; qu'il suit de là, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de la disponibilité d'une prise en charge appropriée à l'état de santé de M. B...dans son pays d'origine, qu'il n'est pas établi que celui-ci était, comme il le soutient, en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence d'un an sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni, par suite, que pour lui refuser cette délivrance, le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu ces stipulations ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) " ;

4. Considérant que, si M.B..., qui est entré régulièrement sur le territoire français le 18 août 2013, fait état de la présence auprès de lui de l'une de ses tantes, qui l'héberge, ainsi que d'oncles et tantes et de cousins, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant ; qu'il n'établit, ni même n'allègue, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel il a habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. B...et malgré les efforts d'intégration dont il pourrait se prévaloir et les relations amicales nouées par lui depuis son arrivée en France, la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, en tant qu'il prononce cette décision, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre et dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis, malgré la démarche d'insertion professionnelle engagée par M. B...avec l'aide d'une association et la promesse d'embauche dont il a bénéficié, une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

5. Considérant que, si l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux conditions dans lesquelles les ressortissants étrangers peuvent bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et si cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

6. Considérant, toutefois, que ni les circonstances que M. B...s'est inscrit, au demeurant depuis le 22 avril 2015 comme il en est attesté, dans un parcours d'insertion professionnelle dans le cadre d'un contrat conclu avec une association, lequel a été renouvelé, et qu'il s'est vu délivrer à deux reprises une promesse d'embauche émise par la même entreprise, ni les autres circonstances énoncées au point 4 ne sont suffisantes à permettre d'établir que, pour refuser de faire usage, en faveur de l'intéressé, du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ; que M. B... ne peut à cet égard utilement invoquer les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, qui ne s'imposaient pas à l'autorité préfectorale ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour sur le fondement duquel elle est prise doit être écarté ;

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. B...pourra être reconduit d'office devrait être annulée en conséquence de l'annulation des décisions sur le fondement desquelles elle est prise doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Me A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA02074
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-23;15da02074 ?
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