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22/09/2016 | FRANCE | N°16DA00880

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2016, 16DA00880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a placé en rétention administrative, d'autre part, de faire injonction sous astreinte à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisat

ion provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation, enfin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2016 par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a placé en rétention administrative, d'autre part, de faire injonction sous astreinte à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1600406 du 21 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 16 janvier 2016, fait injonction à cette autorité de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans un délai de quinze jours, à un nouvel examen de la situation de l'intéressé et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lille du 21 janvier 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.

Elle soutient que :

- le premier juge a retenu à tort que le droit de M. A...à être entendu préalablement au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre avait été méconnu ;

- il pouvait légalement lui être fait obligation de quitter le territoire français ;

- les autres moyens qu'il soulève devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 562/2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 ;

- le règlement (UE) n° 1091/2010 du parlement européen et du conseil du 24 novembre 2010 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014) rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction administrative française, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M.A..., ressortissant albanais, qu'il a été entendu par les services de police le 16 janvier 2016, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France, ainsi que ses moyens de subsistance ; que M. A...a eu, ainsi, la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre, en particulier, de faire état de la demande d'asile qu'il aurait, selon ses allégations à l'audience devant le premier juge, présentée à l'occasion de son transit en Suède ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne ; que, dès lors, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu à tort ce motif pour annuler sa décision du 16 janvier 2016 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les décisions du même jour refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et le plaçant en rétention administrative ;

2. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;

3. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par M. C...B..., sous-préfet de Montreuil-sur-Mer, qui a agi dans le cadre d'une délégation de signature donnée aux membres du corps préfectoral, par un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 16 février 2015, complété le 9 mars 2015, ces deux arrêtés ayant été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le jour même de leur signature ; que cette délégation habilitait les membres du corps préfectoral, au nombre desquels figure M.B..., aux fins de signer notamment, durant leurs permanences, les décisions faisant obligation à des ressortissants étrangers de quitter le territoire français, les décisions refusant d'accorder à ceux-ci un délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office, enfin, le placement des intéressés en rétention administrative ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient entachées d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté contesté du 16 janvier 2016 que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, cette décision est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, que la préfète du Pas-de-Calais ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation individuelle de M. A...avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 20 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur le territoire des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de la première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) " ; qu'au nombre de ces conditions figurent notamment celles tenant à la possession, d'une part, de documents valables permettant le franchissement de la frontière, d'autre part, de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour, ou de garanties d'obtenir légalement de tels moyens ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière ; / (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; / (...) " ; qu'en vertu de l'article premier du règlement (UE) n° 1091/2010 du 24 novembre 2010 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, les ressortissants albanais titulaires d'un passeport biométrique sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-1 de ce code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales (...) des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; / (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 211-3 du même code : " Lorsque l'entrée en France est motivée par un transit, l'étranger justifie qu'il satisfait aux conditions d'entrée dans le pays de destination " et qu'aux termes de l'article R. 211-29 du même code : " (...) / Le contrat d'assurance souscrit par l'étranger ou par l'hébergeant pour le compte de celui-ci doit couvrir, à hauteur d'un montant minimum fixé à 30 000 euros, l'ensemble des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, susceptibles d'être engagées pendant toute la durée du séjour en France " ;

9. Considérant que, s'il résulte des textes précités que les ressortissants albanais qui détiennent, comme c'est, en l'espèce, le cas de M. A..., un passeport biométrique, sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois au sein de l'espace Schengen, ceux-ci doivent cependant, y compris pour des séjours inférieurs à trois mois, d'une part, justifier de l'objet et des conditions de leur séjour, d'autre part, disposer des moyens de subsistance suffisants ou démontrer être en mesure de les acquérir légalement, enfin, être à même de produire une attestation de prise en charge, par un opérateur d'assurance agréé, des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager durant toute la durée de son séjour en France ; qu'en outre, dans l'hypothèse où leur entrée sur le territoire français est seulement effectuée à l'occasion d'un transit vers un autre pays de l'Union, les ressortissants albanais concernés doivent justifier qu'ils satisfont aux conditions d'entrée dans le pays de destination ;

10. Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition de M.A..., établi le 16 janvier 2016 par un fonctionnaire de la police aux frontières, que l'intéressé, qui avait été interpellé la veille par les autorités britanniques, alors qu'il venait de traverser la Manche après s'être introduit clandestinement dans un bateau sur le site du port de Calais, a notamment déclaré être entré le 15 janvier 2016 sur le territoire français dans le seul but de se rendre en Grande-Bretagne, avoir en sa possession les sommes de trois cent cinquante euros et de deux cents livres Sterling, ainsi qu'une carte bancaire albanaise et ne pas disposer d'un titre de transport permettant son retour vers son pays de départ, ni d'une attestation de nature à justifier de sa prise en charge par un opérateur d'assurance maladie, ni même d'un quelconque titre l'autorisant à entrer en Grande-Bretagne ; qu'ainsi, M. A... ne justifiait pas d'une garantie suffisante à lui permettre de faire face aux dépenses de santé qu'il pouvait être amené à exposer durant toute la durée de son séjour en France, fût-elle inférieure à trois mois ; qu'il suit de là que, pour faire obligation à M. A...de quitter le territoire français, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de sa situation ;

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté contesté du 16 janvier 2016 que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision refusant d'accorder à M. A...un délai pour se conformer volontairement à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, cette décision est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

12. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 1 à 10, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement de laquelle elle a été prise doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;

14. Considérant que, si M. A...soutient qu'il n'entrait pas dans les cas visés par les dispositions précitées du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant état de ce qu'il possède un passeport en cours de validité, et en faisant observer qu'il n'a dissimulé aucun élément de son identité et qu'il ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement, l'intéressé ne conteste cependant pas n'avoir pu déclarer de lieu de résidence effectif ou permanent au sens de ces dispositions ; qu'ainsi, pour retenir que l'intéressé ne présentait pas des garanties suffisantes de représentation et qu'il existait, dès lors un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas méconnu ces dispositions, ni n'a commis d'erreur d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 16 janvier 2016, par lequel la préfète du Pas-de-Calais a fixé le pays à destination duquel M. A...pourrait être reconduit d'office, que ceux-ci précisent la nationalité de l'intéressé et indiquent, sous le visa de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, ces motifs doivent être regardés comme comportant, conformément à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision manque en fait ;

16. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 1 à 10, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit d'office devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement de laquelle elle a été prise doit être écarté ;

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 513-3 de ce code : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. / Le recours contentieux contre la décision fixant le pays de renvoi n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 512-3, que s'il est présenté en même temps que le recours contre l'obligation de quitter le territoire français ou l'arrêté de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter. " ;

18. Considérant que l'article 1er de l'arrêté du 16 janvier 2016 en litige décide qu'il est fait obligation à M. A... de quitter le territoire français à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible ; qu'alors même que cet article ne désigne pas nommément un pays de renvoi, il comporte ainsi la décision, visée par les dispositions précitées des articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu ces dispositions en ne prenant pas de décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit d'office doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la légalité du placement en rétention administrative :

19. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté contesté du 16 janvier 2016 que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision plaçant M. A...en rétention administrative ; que, par suite et alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, cette décision est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

20. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 1 à 10, ainsi qu'aux points 11 à 14, le moyen tiré de ce que la décision plaçant M. A...en rétention administrative devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision portant refus de délai de départ volontaire sur le fondement desquelles elle a été prise doit être écarté ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; que les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant les cas dans lesquels un étranger peut être placé en rétention administrative, doivent être lues à la lumière des engagements internationaux de la France, et notamment de l'exigence de proportionnalité issue de la directive 2008/115/CE, et rapprochées de celles de l'article L. 561-2 du même code, prévoyant la possibilité d'assigner à résidence un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement lorsqu'il présente des garanties de représentation suffisantes ; que, dès lors, ce n'est que lorsque cette mesure apparaît proportionnée au but recherché, compte tenu des circonstances particulières de chaque espèce, que l'autorité administrative peut, sous le contrôle normal du juge de l'excès de pouvoir, ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

22. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a, comme il a été dit au point 14, pas été en mesure de justifier d'une domiciliation stable ; que dès lors et en dépit du fait que l'intéressé disposait d'un passeport biométrique en cours de validité, la préfète du Pas-de-Calais a pu, sans erreur d'appréciation, estimer qu'il ne disposait pas de garanties suffisantes de représentation pour pouvoir être assigné à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et décider, en conséquence, de le placer, en application des dispositions précitées de l'article L. 551-1 de ce code, en rétention administrative ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 19 janvier 2016 ; qu'il suit de là que la demande présentée par M. A...devant ce tribunal doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A....

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 septembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°16DA00880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00880
Date de la décision : 22/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-22;16da00880 ?
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