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14/10/2016 | FRANCE | N°15DA00183

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 14 octobre 2016, 15DA00183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de la commune d'Hulluch du 21 décembre 2011 s'opposant à sa déclaration préalable de division d'un terrain cadastré section AK n° 344, situé 12 rue Emile Basly à Hulluch, en vue de construire et, d'autre part, de condamner la commune d'Hulluch à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de cet acte.

Par un jugement n° 1201

138 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a estimé qu'il n'y avait pas...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de la commune d'Hulluch du 21 décembre 2011 s'opposant à sa déclaration préalable de division d'un terrain cadastré section AK n° 344, situé 12 rue Emile Basly à Hulluch, en vue de construire et, d'autre part, de condamner la commune d'Hulluch à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de cet acte.

Par un jugement n° 1201138 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D...tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2011 et a condamné la commune d'Hulluch à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2015 et un mémoire enregistré le 19 février 2016, M. E...D..., représenté par la société d'avocats Ducloy, Degaie, Croquelois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la commune d'Hulluch à lui verser la somme de 29 636 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hulluch la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'illégalité de l'arrêté du 21 décembre 2011 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à son égard ;

- il a subi un préjudice moral résultant de la situation de précarité dans laquelle il s'est trouvé de janvier à mai 2012, date de réalisation de la vente du terrain, qui doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros ;

- il a subi un double préjudice financier résultant, d'une part, du retard de quatre mois avec lequel la vente a finalement été conclue et, d'autre part, de ce que la durée de détention du bien permettant l'exonération de plus-value de cession est passée, au 1er février 2012, de quinze à vingt ans, lesquels doivent être indemnisés respectivement à hauteur de 6 000 euros et 17 636 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2015, la commune d'Hulluch, représentée par la SCP Thémès, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de M. D...et, à titre subsidiaire, à ce que l'Etat la garantisse des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, enfin, à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. D...n'apporte la preuve d'aucun des chefs de préjudices dont il se prévaut ;

- elle a fait en sorte que le projet de M. D...soit finalement autorisé, le 4 mai 2012, en entamant des démarches auprès de la préfecture et en procédant à la révision de son plan local d'urbanisme ;

- le maire n'a fait qu'appliquer les termes de l'arrêté du 30 novembre 2011, repris en tant que servitude dans le plan local d'urbanisme de la commune.

Les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions d'appel en garantie de l'Etat, nouvelles en appel et soumettant à la cour un litige distinct du litige principal, sont susceptibles d'être rejetées comme irrecevables.

La clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...H..., représentant M.D..., et de Me C...B..., représentant la commune d'Hulluch.

1. Considérant que M.D..., qui possède un terrain cadastré AK 344 à Hulluch, situé à l'intérieur du périmètre de protection rapprochée du point de captage d'eau potable dit de la fosse 13, délimité par un arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 30 novembre 2004, a déposé le 28 octobre 2011 une déclaration préalable portant sur le détachement d'un lot de son terrain, en vue de le construire ; que ce lot avait préalablement fait l'objet d'un compromis de vente, conclu avec M. F... et Mme G...le 3 octobre 2011 ; que le maire de la commune d'Hulluch s'étant opposé à cette demande préalable par arrêté du 21 décembre 2011, M. D... en a demandé l'annulation pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif ; qu'il a également sollicité la réparation des préjudices résultant de cette décision ; que, par un jugement du 2 décembre 2014, le tribunal a, par son article 1er, prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 21 décembre 2011 et a, par son article 2, limité à 3 000 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la commune ; que M. D... relève appel de cet article 2 ;

Sur la faute :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique en vigueur à la date de l'arrêté de délimitation du 30 novembre 2004 du préfet du Pas-de-Calais : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols ci-dessus mentionnés. (...) " ; qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article R. 1321-13 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les activités, installations et dépôts susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres activités, installations et dépôts peuvent faire l'objet de prescriptions et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées " ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de construire une maison d'habitation sur le terrain appartenant à M.D..., alors qu'il existe notamment des possibilités de raccordement à un réseau d'assainissement existant, serait justifiée par les nécessités de protection de la ressource en eau potable dans le périmètre de protection rapprochée du captage dit de la fosse 13, tel qu'il a été délimité par l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 30 novembre 2004 ; que, dès lors, cet arrêté préfectoral, qui ne pouvait en principe interdire de manière générale et absolue toute nouvelle construction dans ce périmètre de protection rapprochée, ne pouvait à lui seul faire obstacle à la délivrance de l'autorisation d'urbanisme sollicitée ; qu'au demeurant, la commune d'Hulluch, qui a d'ailleurs décidé le 4 mai 2012 de ne plus s'opposer à la déclaration préalable de détachement du terrain en vue de construire, ne conteste pas la faute qu'elle a commise en s'opposant le 21 décembre 2011 à la déclaration préalable portant sur la division de ce terrain ; que, par suite, l'illégalité entachant l'opposition à déclaration préalable du 21 décembre 2011 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Hulluch à l'égard de M. D...si celui-ci démontre qu'elle lui a directement causé un préjudice ;

Sur les préjudices :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 150 VC du code général des impôts, dans sa version applicable à partir du 1er février 2012, résultant de l'article 1er de la loi de finances rectificative n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 : " I.-La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC est réduite d'un abattement fixé à : / -2 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième ; / -4 % pour chaque année de détention au-delà de la dix-septième ; / -8 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième. (...) " ; qu'aux termes des mêmes dispositions, applicables avant l'entrée en vigueur de l'article 1er de la loi de finances rectificative n° 2011-1117 : " I.-La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC est réduite d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième " ; qu'il en résulte qu'alors que la plus-value brute de cession de biens ou droits immobiliers était réduite, avant l'entrée en vigueur de l'article 1er de la loi de finances rectificative n° 2011-1117, le 1er février 2012, d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année, impliquant une exonération totale d'impôt sur la plus-value réalisée à l'occasion de la vente d'un bien ou droit immobilier détenu depuis plus de quinze années, une telle exonération n'était acquise, après l'entrée en vigueur de l'article 1er de cette loi, qu'au-delà d'un délai de détention de trente ans ;

5. Considérant que M. D...a conclu le 3 octobre 2011 un compromis de vente avec M. F... et Mme G...portant sur le terrain en litige, d'une surface de 5 600 m², contre le paiement d'un prix de 120 000 euros, sous la condition suspensive de l'obtention, avant le 12 janvier 2012, d'un certificat d'urbanisme positif pour la construction d'une maison individuelle à usage d'habitation de 200 m² environ ; que cette condition n'a pu être levée que le 4 mai 2012, consécutivement à la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif par le maire d'Hulluch ayant eu pour effet de retirer l'arrêté du 21 décembre 2011 par lequel il s'était opposé à la déclaration préalable de M. D...portant sur la même opération ; que la vente a, dès lors, pu être réalisée le 26 mai 2012 ; qu'elle a donné lieu à l'acquittement, par le requérant, de la somme de 17 636 euros, au titre de l'imposition de la plus-value de cession réalisée à cette occasion ;

6. Considérant que M. D...apporte la preuve de ce qu'il détenait le bien en litige depuis plus de vingt-et-un ans le 1er février 2012 ; qu'il aurait donc été exonéré, en janvier 2012, comme en atteste son notaire, du paiement de tout impôt au titre de la plus-value de cession réalisée à l'occasion de la vente de son bien à cette date, en vertu de la législation fiscale applicable jusqu'au 31 janvier 2012 ; qu'en revanche, et dès lors qu'il détenait le bien en cause depuis moins de trente ans à la date de réalisation de la vente, fait générateur de l'imposition de la plus-value de cession, il justifie avoir dû acquitter 17 636 euros à ce titre, compte tenu, d'une part, des prix et frais d'acquisition et de vente du bien en litige et, d'autre part, de sa durée de détention ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence d'opposition du maire d'Hulluch, M. F... et Mme G... aurait acheté ce terrain, comme cela était stipulé dans le compromis de vente qu'ils avaient signé devant notaire avec M.D..., début janvier 2012, soit trois mois après la signature de ce compromis ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, dès lors que la non réalisation de la vente en janvier 2012, soit avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er de la loi de finances rectificative n° 2011-1117 le 1er février 2012, résulte directement et uniquement de l'opposition illégale du maire d'Hulluch au projet de construction de M. F... et Mme G..., M. D...est fondé à demander à être indemnisé du préjudice résultant de l'imposition, effectivement acquittée, de la plus-value de cession réalisée à l'occasion de la vente du terrain en litige, à hauteur de 17 636 euros ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...fait état de ce que le retard de quatre mois pris pour la vente de ce terrain l'a placé dans une situation financière délicate, l'obligeant à avoir recours à la solidarité familiale pour acquitter les charges de la vie courante ; qu'il ne justifie toutefois pas de la réalité de ses difficultés financières pendant la période comprise entre l'arrêté d'opposition du maire d'Hulluch du 21 décembre 2011 et l'arrêté du 4 mai 2012 qui a permis la réalisation de la vente ; qu'il ne justifie pas davantage avoir dû emprunter de l'argent ou n'avoir pu s'acquitter de ses factures pendant cette période ; que, dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le préjudice, tant moral que financier qu'il invoque à ce titre a été indemnisé à hauteur de 3 000 euros par les premiers juges ; que le surplus de ses demandes indemnitaires présentées à ce titre doit, dès lors et en tout état de cause, être rejeté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice fiscal ;

Sur les conclusions de la commune d'Hulluch tendant à obtenir la garantie de l'Etat :

9. Considérant que les conclusions de la commune d'Hulluch tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées à son encontre sont nouvelles en appel ; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hulluch la somme de 1 500 euros à verser à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune d'Hulluch ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune d'Hulluch versera à M. D...la somme complémentaire de 17 636 euros.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille est réformé pour porter la condamnation prononcée à l'encontre de la commune d'Hulluch à la somme de 20 636 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...et celles de la commune d'Hulluch sont rejetés.

Article 4 : La commune d'Hulluch versera à M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et à la commune d'Hulluch.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 29 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et de l'habitat durable en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

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N°15DA00183 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00183
Date de la décision : 14/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : VÉRONIQUE DUCLOY MATHILDE DEGAIE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-14;15da00183 ?
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