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20/10/2016 | FRANCE | N°15DA00015

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2016, 15DA00015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée SOGEA Nord-Ouest a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 septembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé pour insuffisance de motivation le refus, que lui avait opposé l'inspecteur du travail le 8 mars 2012, de l'autoriser à licencier pour faute M. C...H..., a refusé de lui accorder cette autorisation.

Par un jugement n

° 1203546 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée SOGEA Nord-Ouest a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 septembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir annulé pour insuffisance de motivation le refus, que lui avait opposé l'inspecteur du travail le 8 mars 2012, de l'autoriser à licencier pour faute M. C...H..., a refusé de lui accorder cette autorisation.

Par un jugement n° 1203546 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande et a mis à la charge de la SAS SOGEA Nord-Ouest une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, la SAS SOGEA Nord-Ouest, représentée par Me G...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 novembre 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 20 septembre 2012, en tant qu'elle refuse de l'autoriser à licencier M. H...pour faute.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen de légalité externe qu'elle avait soulevé ;

- la décision contestée du ministre chargé du travail est insuffisamment motivée, tant en droit qu'en fait ;

- pour estimer que les faits reprochés à M. H...n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, le ministre a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2015, M.H..., représenté par Me D...A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SAS SOGEA Nord-Ouest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a omis de répondre à aucun moyen opérant ;

- la décision refusant d'accorder l'autorisation de le licencier est suffisamment motivée ;

- cette décision est légalement fondée et exempte d'erreur d'appréciation ;

- le comité d'entreprise ayant été irrégulièrement consulté, le ministre était, en tout état de cause, tenu de refuser d'autoriser la SAS SOGEA Nord-Ouest à le licencier.

Un mémoire en défense a été présenté le 4 octobre 2016, soit après clôture de l'instruction, par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me G...B..., représentant la SAS SOGEA Nord-Ouest, et de Me E...F...substituant la Selarl Dmitroff PimontA..., représentant M.H....

1. Considérant que la SAS SOGEA Nord-Ouest relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en tant qu'elle lui a refusé l'autorisation de licencier pour faute M.H..., qui exerçait en son sein les fonctions de maçon boiseur et détenait les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir estimé que le ministre avait pu sans erreur d'appréciation regarder la faute commise par M. H... comme n'étant pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, en ont déduit que cette autorité était, dans ces conditions, tenue de refuser à la SAS SOGEA Nord-Ouest l'autorisation de licencier l'intéressé ; que, sans qu'il y ait lieu, au stade de l'examen de la régularité du jugement, d'apprécier le bien-fondé de la qualification ainsi retenue par les premiers juges, ceux-ci ont, au terme de leur raisonnement, nécessairement estimé que les autres moyens invoqués au soutien de sa demande par cette société étaient inopérants, ont pu, sans entacher leur jugement d'irrégularité, omettre de répondre expressément au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus d'autorisation de licenciement contestée ;

Sur la légalité de la décision contestée :

3. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de la décision contestée que ceux-ci comportent, sous le visa des dispositions pertinentes du code du travail, notamment de celles de ses articles L. 2411-3, L. 2411-8 et L. 2411-13, l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé pour estimer que la réalité de la faute reprochée à M. H...était établie, que cette faute n'était toutefois pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement et, en conséquence, pour refuser de délivrer à la SAS SOGEA Nord-Ouest l'autorisation de licenciement qu'elle sollicitait ; qu'il suit de là que cette décision est suffisamment motivée, tant en droit qu'en fait ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ;

4. Considérant qu'il est constant que M. H...a, le 26 septembre 2011, lors d'une réunion du comité d'entreprise, eu un échange vif avec un autre représentant des salariés, membre d'un syndicat concurrent, et que lui-même et ce dernier ont, de leur propre initiative, quitté la salle afin de régler leur différend à l'extérieur ; que ceux-ci ont alors échangé des insultes et des coups ; que l'acte de violence ainsi délibérément commis sur la personne d'un collègue par M. H...sur le lieu du travail, même à l'occasion de ses fonctions représentatives, doit être regardé comme une méconnaissance par celui-ci de son obligation, découlant de son contrat de travail, de ne pas porter atteinte, dans l'enceinte de l'entreprise, à la sécurité d'autres membres du personnel ; que, dès lors, ces faits présentent un caractère fautif et étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire de la part de l'employeur ;

5. Considérant, toutefois, qu'il est constant que cet incident s'est inscrit dans le cadre de relations particulièrement tendues entre les deux syndicats dont étaient membres chacun des intéressés ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet évènement aurait eu un retentissement hors de l'entreprise, faute de témoin extérieur, ni même d'ailleurs au sein de celle-ci, alors, en particulier, qu'il n'a pas fait obstacle à ce que le comité d'entreprise puisse poursuivre ses travaux à l'issue d'une brève suspension de séance ; qu'ainsi, dans ces circonstances particulières et alors, d'une part, que M. H...justifiait, à la date de la demande d'autorisation de licenciement, de sept années d'ancienneté sans s'être jamais fait remarquer pour un comportement violent, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette altercation ait donné lieu au dépôt d'une plainte pénale, ni même que la victime de l'acte de violence dont s'est rendu coupable M. H...aurait fait état d'une incapacité physique, le ministre n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des faits qui lui étaient soumis pour estimer que la faute commise par l'intéressé n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement et n'a pas davantage donné à ces faits une qualification juridique erronée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS SOGEA Nord-Ouest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS SOGEA Nord-Ouest, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. H...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SOGEA Nord-Ouest est rejetée.

Article 2 : La SAS SOGEA Nord-Ouest versera à M. H...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SOGEA Nord-Ouest, à M. C...H...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi de Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 octobre 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPIN Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA00015

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00015
Date de la décision : 20/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : SELARL DMITROFF PIMONT ROSE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-10-20;15da00015 ?
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